Comment obtenir un délai de grâce ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Le juge peut décider de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues pendant 2 ans maximum en octroyant un délai de grâce au débiteur.

Sommaire :

Qu'est-ce qu'un délai de grâce ?

Un jugement peut être exécuté et une procédure de saisie engagée à partir du moment où il passe en force de chose jugée, sauf si le débiteur bénéficie d'un délai de grâce.

Un délai de grâce est un délai de paiement qui peut être accordé par le juge lorsqu'un débiteur rencontre des difficultés.

En pratique, le juge peut :

  • rééchelonner ou accorder la suspension des paiements pendant une durée de 2 ans,
  • décider de l'absence de majoration et d'intérêts de retard malgré la suspension des paiements,
  • fixer les modalités de paiement des sommes reportées.

L'octroi d'un délai de grâce a un autre effet, celui de suspendre les procédures de saisie en cours. Le créancier ne peut donc pas engager de poursuites judiciaires (saisie-vente de meubles corporels, saisie-attribution de créances, saisie des rémunérations, saisie immobilière, etc.) contre le débiteur durant le délai de grâce.

Qui peut demander un délai de grâce au juge ?

Avant toute demande en justice, il convient au préalable d'engager une négociation à l'amiable avec le créancier en lui demandant un délai de paiement. Lorsque les négociations sont difficiles, le débiteur peut solliciter l'aide d'un mandataire ad hoc ou d'un conciliateur.

Dès 1804, le Code civil prévoit la possibilité pour le juge d'accorder un délai de grâce sans faire de distinction en fonction du statut du débiteur ou de la nature de sa dette (article 1343-5 du Code civil) : particulier, entreprise, association...

Depuis, la législation s'est précisée en créant une procédure spécifique pour plusieurs situations particulières :

  • la vente d'immeuble (article 1655 du Code civil),
  • le prêt immobilier et le prêt à la consommation (article L314-20 du Code de la consommation),
  • l'occupation de lieux habités ou de locaux à usage professionnel (article L412-3 du Code de la construction et de l'habitation).

En pratique, le pouvoir de conférer un délai de grâce appartient à tous les juges :

  • le juge qui a condamné le débiteur à payer une somme d'argent (ordonnance d'injonction de payer, par exemple),
  • le juge des référés en cas d'urgence,
  • le juge de l'exécution (JEX) lorsqu'il y a eu commandement ou acte de saisie.

A quelles conditions le juge octroie-t-il un délai de grâce ?

L'octroi d'un délai de grâce n'est pas automatique ; le débiteur doit justifier :

  • qu'il rencontre des difficultés qui objectivement ne lui permettent pas de satisfaire à son obligation de paiement,
  • que ces difficultés sont conjoncturelles, c'est-à-dire temporaires,
  • que les difficultés rencontrées résultent de circonstances indépendantes de sa volonté (perte d'emploi, divorce, accident, agression, incendie du domicile...),
  • qu'il est de bonne foi, ce qui signifie qu'il a mis en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour remplir son obligation.

Mais le juge doit prendre en compte à la fois la situation du débiteur et les besoins du créancier lorsqu'il statue sur une demande de délai de grâce.

Exclusions du délai de grâce

Le délai de grâce est exclu pour certaines dettes :

  • les pensions alimentaires,
  • les prestations compensatoires,
  • les salaires proprement dits, les primes ou les congés payés,
  • les cotisations et contributions sociales (il faut négocier directement avec l'URSSAF ou demander l'ouverture d'une procédure CCSF),
  • les effets de commerce (lettre de change, billet à ordre),

En revanche, un employeur peut parfaitement se voir accorder un délai de grâce pour une indemnité de licenciement ou des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou irrégulier.

A quels moments peut-on demander un délai de grâce ?

Un débiteur peut demander un délai de grâce avant d'être assigné en justice. Il n'est pas nécessaire que le débiteur attende de ne pouvoir honorer une facture ou l'échéance d'un prêt.

La procédure lui est ouverte même s'il a réglé ses dettes jusqu'à présent mais qu'il risque d'être dans l'impossibilité de payer les suivantes.

Inversement, la procédure lui est ouverte même si le créancier lui a déjà adressé une lettre de mise en demeure, un commandement de payer voire a mis en oeuvre une procédure d'exécution forcée.

Peut-on demander un délai de grâce alors que les biens ont déjà été saisis ?

Une fois que la saisie a été réalisée, le juge de l'exécution ne peut plus accorder de délai de grâce.

Mais, le débiteur dispose de 1 mois à partir de la signification de l'acte de saisie pour contester le caractère saisissable d'un bien ou d'une somme d'argent. Certains biens essentiels et certaines sommes sont en effet insaisissables.

Quelle procédure suivre pour obtenir un délai de grâce ?

La procédure d'octroi d'un délai de grâce est définie aux articles 510 à 513 du Code de procédure civile.

Il est impératif de faire une demande pour chacune des dettes concernées ; il n’est pas possible de faire une demande unique regroupant toutes les dettes que l’on souhaiterait rééchelonner ou reporter.

Constitution d'un dossier

Le débiteur doit constituer un dossier avec les documents attestant de ses difficultés (ressources, charges et remboursements en cours notamment) et joindre des justificatifs de sa situation : avis d'imposition ou de non-imposition, charge de famille, derniers bulletins de salaires le cas échéant ou justificatif du revenu actuel.

Par ailleurs, le débiteur doit faire la démonstration du caractère temporaire de ses difficultés de façon à convaincre le juge qu'à la fin du délai accordé, il sera en mesure de reprendre le règlement des échéances ou de retrouver une situation saine.

Saisine du juge

Les demandes de délai de grâce interviennent généralement au cours d'une procédure judiciaire. Dans ce cas, le débiteur doit simplement exposer sa demande au juge qui s'occupe de l'affaire, soit par voie de conclusions rédigées par son avocat, soit exprimer directement cette demande oralement à l'audience.

Lorsque la demande intervient en dehors de toute procédure judiciaire, le débiteur doit saisir :

  • le juge des contentieux de la protection, pour un prêt à la consommation ou un bail d'habitation,
  • le Tribunal judiciaire, pour un crédit immobilier ou en matière de saisie des rémunérations,
  • le Tribunal de commerce, si le débiteur est une entreprise.

Débiteur et créancier sont ensuite tous les 2 convoqués devant le juge. Le créancier pourra ainsi s'opposer à la demande du débiteur en se prévalant de ses propres difficultés financières ou de l'ancienneté de sa créance.

Décision du juge

Le juge peut accepter ou refuser la demande de délai de grâce et, dans ce cas, il doit justifier son refus. En cas d'acceptation, le juge définit librement la durée du délai de grâce.

Le juge peut également ordonner d'autres mesures comme l'interdiction de contracter de nouveaux crédits ou d'utiliser un crédit renouvelable.

Pour augmenter ses chances de succès, le débiteur peut proposer lors de l'audience un règlement partiel immédiat en espèces ou par chèque bancaire, remis à l'avocat de son adversaire ou à ce dernier.

Quelles sont les conséquences de l'octroi d'un délai de grâce ?

En cas d'accord du juge, le débiteur pourra bénéficier d'un report de paiement de sa dette ou d'un échelonnement sur une période maximale de 2 ans, et ce même si le créancier a déjà engagé une procédure de saisie.

Dans le cas d'un particulier, le délai de grâce n'entraîne pas d'inscription au Fichier National des Incidents de Remboursement des crédits aux particuliers (FICP), contrairement au dépôt d'un dossier à la Commission de surendettement.

Le délai de grâce accordé au débiteur a pour effet de suspendre l'exécution des poursuites. Cela signifie que même si un commissaire de justice a commencé à saisir ses biens, il ne pourra plus vendre quoi que ce soit de ces derniers une fois ce délai obtenu.

Cela ne sera à nouveau possible qu'à l'expiration du délai de grâce, si le débiteur ne s'est toujours pas acquitté de sa dette. D'ici là, rien ne l'empêche de continuer à saisir les biens.

Durant le délai accordé par le juge, les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues. Le juge peut néanmoins décider que les échéances reportées porteront intérêt, à un taux réduit mais au moins égal au taux légal.

Par ailleurs, le délai de grâce ne fait pas obstacle aux mesures conservatoires (sûreté judiciaire, saisie conservatoire).

L'octroi d'un délai de grâce dans le cadre d'un prêt

Durant un délai de grâce :

  • les remboursements du crédit sont suspendus,
  • les remboursements suspendus n'occasionnent ni majorations ni pénalités de retard.

A la fin du délai de grâce, le créancier ne peut pas réclamer immédiatement les mensualités non payées. Celles-ci peuvent être reportées à la fin du contrat de prêt ou être rééchelonnées sur la durée du prêt restante.

Que faire si le délai de grâce ne suffit pas ?

Dans le cas où la diminution des ressources est définitive et/ou il n'existe pas de perspectives d'amélioration de la situation, il est préférable de s'orienter vers :