Les modes de rupture du contrat de travail

Rédigé par Roxane Hidoux

Le contrat de travail peut prendre fin de différentes manières : par rupture unilatérale (démission et licenciement) ou par consentement mutuel (rupture conventionnelle ou accord amiable). Un cas de force majeure peut aussi mettre fin au contrat. Enfin, départ ou mise à la retraite constituent une autre modalité de rupture du contrat de travail.

Sommaire :

La rupture lors de la période d'essai

Pendant la période d'essai, employeur et salarié sont libres de rompre le contrat de travail. Toutefois, la rupture devra respecter certaines formalités prévues par la convention collective.

De manière générale, la justice considère comme abusive toute rupture pour des raisons qui ne sont pas liées à la personne du salarié, la période d'essai étant destiné à évaluer les compétences professionnelles d'un salarié.

La démission

Sauf si la convention collective l'impose, le salarié n'a aucun formalisme à respecter pour démissionner.

Néanmoins, pour être valable, la démission doit résulter d'une volonté sérieuse, claire et non équivoque. Elle peut donc être donnée verbalement. Rien n'oblige le salarié à demander un entretien à son employeur ni à lui notifier la décision par écrit.

Généralement, le salarié ne peut pas quitter immédiatement son employeur. Il doit respecter un délai de préavis prévu dans la convention collective ou le contrat de travail. Il commence au jour de la démission et dure en général 1 mois pour un employé et 3 mois pour un cadre.

A l'issue de son préavis, le salarié doit percevoir une indemnité compensatrice de congés payés correspondant aux jours de congés qu'il n'a pas pris. La démission ne donne pas en principe droit aux indemnités chômage sauf si elle peut être assimilée à un licenciement.

Démission : la dispense de préavis

Le salarié peut être dispensé d'effectuer tout ou partie de son préavis :

  • si la dispense provient de son initiative et qu'elle est acceptée par l'employeur, ce dernier n'a pas à rémunérer le préavis non effectué ;
  • si la dispense provient de l'initiative de l'employeur, il va devoir verser une indemnité compensatrice à son salarié.

Lorsque l'employeur dispense son salarié de travailler pendant la durée de son préavis, il doit lui verser une indemnité compensatrice.

L'indemnité doit être calculée de façon à rémunérer le salarié comme s'il avait travaillé : il faut donc tenir compte de sa rémunération, des avantages en nature, du calcul des congés payés, gratifications et primes venant à échéance durant cette période...

L'indemnité compensatrice de préavis est assimilée à un salaire. Elle est donc imposable pour le salarié et soumises aux cotisations de Sécurité sociale.

La prise d'acte par le salarié

N'exigeant le respect d'aucune formalité, la prise d'acte de la rupture consiste pour le salarié à prendre l'initiative de la rupture du contrat de travail tout en essayant d'en imputer, en justice, la responsabilité à son employeur.

Le plus souvent, le salarié lui reproche d'avoir commis une faute : non-paiement du salaire, modification du contrat de travail sans son accord, harcèlement, etc.

En cela, elle doit être distinguée de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail qui impose au salarié de rester à son poste jusqu'à la décision du juge, qui dira si les motifs invoqués par le salarié justifient ou non la rupture.

Elle ne peut pas être effectuée par l'employeur. L'employeur qui considère le contrat de travail comme rompu ou prend l'initiative de le rompre doit obligatoirement suivre la procédure de licenciement.

La qualification de la prise d'acte du salarié dépendra de la décision des tribunaux, qui peut intervenir des mois ou des années après. Si les faits invoqués sont suffisamment graves, la rupture prendra l'effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sinon, la rupture sera analysée comme une démission.

Le salarié ne peut obtenir de son ancien employeur le versement d'indemnités que s'il saisit la justice et que le juge le lui accorde.

Si la prise d'acte est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, il pourra obtenir une indemnité de licenciement et de préavis, des dommages et intérêts ainsi qu'une allocation chômage. Si elle est requalifiée en démission, il pourra obtenir une allocation chômage.

La demande de résiliation judiciaire

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat dès lors qu'il a des griefs à l'encontre de son employeur. La procédure nécessite de saisir le Conseil de Prud'hommes.

L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n'a pas été rompu, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande (Cass. soc. 27-9-2023 n° 21-25.973).

En principe, il revient au salarié de démontrer la réalité des manquements invoqués. Cependant, lorsqu'il fonde sa demande de résiliation sur l’inobservation, par son employeur, des règles de prévention et de sécurité à l’origine de l’évènement, c'est à ce dernier de démontrer qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour satisfaire à cette obligation (Cour de cassation, chambre sociale, 28 février 2024, n° 22-15.624).

Ce sont les juges qui apprécient si l'inexécution de certaines obligations résultant du contrat de travail présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. Cela a été le cas :

  • du non-paiement des salaires ;
  • d'un harcèlement moral commis par des collègues ;
  • de la réduction de la part variable de la rémunération sans l'accord du salarié ;
  • de la mise au placard...

Attention : si l'employeur régularise la situation juste avant l'audience, le conseil de prud'hommes ne peut pas prononcer de résiliation judiciaire.

En cas de résiliation judiciaire, le contrat est considéré comme rompu :

  • si le salarié est toujours au service de l'employeur, à la date de la décision de justice la prononçant ;
  • si le salarié n'est plus au service de l'employeur à cette date (parce que celui-ci l'a licencié), à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Lorsqu'elle est prononcée aux torts de l'employeur, la résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En plus de son indemnité (légale ou conventionnelle) de licenciement, le salarié a droit à des dommages-intérêts pour licenciement injustifié et à son indemnité compensatrice de préavis et de congés payés.

La résiliation judiciaire doit être privilégiée à la prise d'acte car le contrat de travail se poursuit tant que la résiliation judiciaire n'est pas admise par les juges.

Le licenciement

Lorsque l'employeur prend l'initiative de se séparer d'un salarié, il doit respecter des règles de procédure de façon très stricte.

De façon générale, il est recommandé de s'entourer des conseils de spécialistes en la matière. Une procédure de licenciement mal menée peut en effet coûter très cher à l'employeur.

Le licenciement pour motif personnel

Contrairement au licenciement pour motif économique, le licenciement pour motif personnel repose sur la personne du salarié.

Il n'est pas forcément lié à une faute ou à un manquement disciplinaire et peut aussi avoir pour cause le non-respect des instructions, des absences répétées, une insuffisance professionnelle, le refus d'une modification substantielle du contrat de travail...

Pour être valable, le licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse :

  • réelle, c'est-à-dire qui repose sur des faits objectifs, vérifiables et non sur une impression ou un jugement subjectif ;
  • sérieuse, c'est-à-dire suffisamment grave pour rendre inévitable le licenciement. Cela dit, sont exclus les motifs discriminants (origine, sexe, situation de famille, appartenance ethnique ou religieuse...), l'état de santé sauf inaptitude constatée par le médecin du travail), la grossesse, l'accident du travail, l'exercice d'un droit tel que s'adresser à l'inspecteur du travail...

La validité du licenciement repose sur le respect d'une procédure spécifique. En outre, si le licenciement est lié à une faute simple, grave ou lourde, la loi impose à l'employeur de respecter en plus une procédure disciplinaire, qui dans la pratique conduit à respecter certains délais.

Le licenciement pour motif économique

Un licenciement pour motif économique n'est possible qu'en présence de certains évènements :

  • la dissolution de l'entreprise ou de l'association qui emploie le salarié ;
  • les difficultés économiques. Les difficultés économiques existent lorsqu'il y a perte d'un marché, fort endettement ou déficit important mais non lorsque survient un incident passager et peu important (légère baisse des ventes). Toutefois le licenciement est abusif lorsque les difficultés financières invoquées étaient connues de l'employeur lors de l'embauche ou que l'employeur s'est laissé dépouillé par complaisance d'une partie importante de son patrimoine ;
  • la mutation technologique. Il peut s'agir de l'acquisition de nouveaux outils entraînant de nouvelles méthodes de travail, de l'informatisation d'une fonction précédemment effectuée par un ou plusieurs salarié(s) ;
  • la suppression d'emploi. Il peut s'agir d'une suppression de poste pure et simple mais aussi de la répartition des tâches réalisées par le salarié licencié entre les autres salariés de l'entreprise. Elle n'implique pas forcément une diminution d'effectif : une réorganisation de l'entreprise peut exiger la création de nouveaux emplois parallèlement à la suppression de certaines fonctions. Cela étant, lorsque la réorganisation de l'entreprise ou de l'association et donc la suppression d'emploi est motivée par la seule volonté d'augmenter les recettes, il n'y a pas de motif économique ;
  • la transformation d'emploi. C'est une modification de la nature de l'emploi pouvant entraîner ou non une modification du contrat de travail : informatisation de la fonction, tâches nouvelles;
  • la modification d'un élément essentiel du contrat de travail. Il s'agit des modifications qui touchent un ou des éléments essentiels du contrat de travail (et, en premier lieu, la qualification, la rémunération et la durée du travail) et qui sont refusées par le salarié. Lorsqu'au moins 10 salariés ont refusé la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail proposée par leur employeur pour un motif économique et que leur licenciement est envisagé, celui-ci doit respecter les dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique. Cela lui impose notamment d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi.

Le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans l'association.

La rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle consiste pour le salarié et pour l'employeur à convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail.

Ne pouvant être imposée par le salarié ou l'employeur, elle est soumise à une procédure destinée à garantir la liberté du consentement des parties.

La date de rupture du contrat est fixée par la convention de rupture, au plus tôt le lendemain de l'homologation. Elle peut aussi prévoir un délai de préavis.

Le salarié a droit à :

  • l'indemnité de licenciement fixée par la convention de rupture. Celle-ci doit au moins être égale à l'indemnité légale de licenciement ;
  • l'indemnité compensatrice de congés payés. Celle-ci est due au salarié qui a été dans l'incapacité du fait de son employeur de prendre la totalité de ses congés payés avant son licenciement. Elle est calculée selon les mêmes règles que l'indemnité de congés payés.
  • l'allocation chômage.

La rupture du contrat de travail pour force majeure

Un événement est qualifié de force majeure susceptible de justifier une rupture du contrat de travail s'il rend l'exécution du contrat de travail impossible de manière absolue et durable. Il ne suffit pas que l'exécution soit seulement rendue plus difficile ou plus onéreuse ou seulement impossible temporairement.

Peuvent être qualifiés de cas de force majeure les circonstances suivantes :

  • lors d'un festival organisé par l'employeur, des personnes bloquent l'accès au site où doivent se dérouler les spectacles et empêchent les salariés d'accéder à leur poste de travail pour effectuer les tâches pour lesquelles ils ont été engagés ;
  • une inondation imposant la fermeture durable de l'entreprise ou de l'association. Si celle-ci ne doit fermer que quelques jours, il n'est pas possible de rompre le contrat de travail ;
  • une tempête ravage les moyens de production de l'employeur. Les moyens de production doivent être ravagés en totalité et non pas en partie ;
  • la destruction de l'entreprise ou de l'association par un incendie. D'une manière générale, l'incendie est considéré comme justifiant la rupture du contrat de travail pour force majeure s'il entraîne une destruction totale des installations d'une société et qu'il en résulte un arrêt durable de l'activité. Inversement, la force majeure n'est pas reconnue si l'incendie n'entraîne qu'un arrêt partiel de l'activité ;

A noter : la liquidation judiciaire, les difficultés économiques ou financières ne constituent pas un cas de force majeure.

Si un évènement de force majeure survient, l'employeur est autorisé à rompre le contrat de travail sans aucune procédure à respecter, sans aucun prévis à effectuer et sans aucune indemnité à verser, excepté l'indemnité compensatrice de congés payés (sauf si la force majeure résulte d'un sinistre) dont le montant doit être au moins égal au cumul des indemnités de préavis et de licenciement.

Toutefois, lorsque le cas de force majeur est un sinistre :

  • le salarié en CDD a droit à une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat ;
  • le salarié en CDI a droit aux indemnités compensatrices de préavis et de licenciement.