Comment procéder à une assignation en paiement ?

L'assignation en paiement est une procédure par laquelle le créancier cite le débiteur à comparaître devant le juge, dans l'espoir d'obtenir la condamnation du débiteur à payer.

Qu'est-ce que la procédure d'assignation en paiement ?

L'assignation en paiement est une procédure de recouvrement qui donne lieu à un véritable procès.

A la différence de la procédure d’injonction de payer ou de référé provision, le juge ne statue pas sur la base des seuls éléments fournis par le créancier.

La procédure d'assignation en paiement est en effet dite « contradictoire ». Elle permet ainsi au débiteur de faire valoir ses arguments devant le juge pour s’opposer au paiement qui lui est demandé.

A ce moment rien n'est encore joué. La comparution a pour objectif de permettre au débiteur de se justifier. Il peut aussi bien être condamné à payer qu'être déchargé de tout paiement.

Il est conseillé d'opter pour la procédure d'assignation en paiement lorsque le montant de la créance est important ou que le créancier craint que le débiteur ne la conteste.

A quelles conditions peut-on engager une procédure d'assignation en paiement ?

La recevabilité d'une assignation en paiement est soumise au respect de plusieurs conditions.

Ainsi :

  • La facture impayée doit avoir pour origine un contrat, une obligation ou un instrument de crédit bancaire (achat, emprunt, facture impayée, loyer, lettre de change etc.).
  • Le débiteur doit avoir dépassé le délai de paiement indiqué sur la facture.
  • La facture ne doit pas être prescrite.

Il n'est pas possible d'engager une procédure d'assignation en paiement dans les cas suivants :

  • le client fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;
  • le client réside à l'étranger et ne dispose d'aucun établissement en France. Seule le recours à la procédure européenne d'injonction de payer est possible ;
  • le créancier cherche à obtenir le paiement d'un chèque sans provision. Dans cette hypothèse, il faudra engager une procédure spécifique de recouvrement.

1ère condition de l'assignation en paiement

Il est possible d'engager une procédure d’assignation en paiement pour demander le paiement de tous types de biens ou de prestations, que le débiteur soit un particulier, une association ou une entreprise.

Le montant demandé au débiteur doit avoir pour origine :

  • un contrat (achat, emprunt...),
  • une obligation (paiement du loyer, règlement d'une facture, découvert bancaire...),
  • ou, un instrument de crédit bancaire (billet d'ordre, cession de créance, lettre de change).

Il n'est pas possible d'engager une procédure d'assignation en paiement contre une personne morale de droit public (collectivités, État...) pour demander, par exemple, le règlement d'une subvention ou le remboursement d'un trop versé d'impôts.

2ème condition de l'assignation en paiement

En l'absence de paiement comptant, la facture doit comporter la date à laquelle le règlement doit intervenir.

La date de règlement à mentionner est en principe librement fixée entre le fournisseur et le client, mais elle doit respecter la réglementation des délais de paiement entre entreprises, lorsque le client est un professionnel.

A défaut d'accord entre le vendeur et l'acheteur, le délai de paiement est de 30 jours. Les fournisseurs et leurs clients professionnels peuvent convenir entre eux d'un délai inférieur ou supérieur, sans pouvoir dépasser un délai de 60 jours ou de 45 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture.

Tout dépassement de ce délai expose le client au paiement de pénalités de retard et à une procédure judiciaire, s'il refuse toujours de s'exécuter après avoir reçu une relance ou une mise en demeure.

3ème condition de l'assignation en paiement

Une facture impayée ne peut pas être réclamée indéfiniment. La loi prévoit en effet un laps de temps au-delà duquel le créancier ne peut plus exiger une somme, même due.

Le principe de la prescription est là pour protéger les débiteurs des réactions tardives de leurs créanciers. Elle a pour but d'éviter qu’une dette ne devienne exagérément lourde en cas de paiements récurrents (loyers, charges…) ou de sanctionner un créancier négligent qui pourrait, ensuite, réclamer des indemnités ou des intérêts de retard.

Une fois un certain délai écoulé, le créancier ne peut donc plus engager de procédure d'assignation en paiement.

Quelles sont les étapes de la procédure d'assignation en paiement ?

1. Démarches amiables

L’engagement d’une procédure d’assignation en paiement devant le tribunal judiciaire n’est possible qu’après une tentative d’accord amiable via l’une des procédures suivantes : la conciliation, la médiation ou la convention de procédure participative.

Elle incite souvent le débiteur à payer et présente l'avantage d'être généralement gratuite.

2. Rédaction de l'assignation en paiement

L'assignation en paiement est un acte juridique qui invite formellement un client à se présenter devant le juge.

Elle doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires qui varient en fonction de la juridiction saisie et de la nature du litige, sans quoi elle encourt la nullité pour vice de forme.

La personne rédigeant l'assignation est ainsi tenue de :

  • intituler l'acte, en en-tête : « Assignation au fond devant le Tribunal de commerce de ... » (pour un client professionnel) ou « Assignation au fond devant le Tribunal judiciaire de ... » (pour un client non professionnel),
  • indiquer l'identité, les coordonnées et éventuellement les principales caractéristiques des parties (par exemple si l'une des parties est une société : sa forme, sa dénomination sociale, son numéro d'immatriculation au RCS, son siège social),
  • indiquer le montant et le décompte du montant réclamé,
  • résumer l'objet de la demande, son fondement (les principaux faits et la ou les raisons supposées du droit à créance),
  • préciser les démarches amiables tentées pour parvenir à la résolution préalable du litige (lorsque la demande est formulée devant le Tribunal judiciaire),
  • ne pas omettre de demander la prise en charge par le débiteur des frais de recouvrement (article 700 du NCPC),
  • lister en page intitulée « bordereau des pièces visées dans l'assignation », les pièces visées dans le texte de l'assignation, qui y auront été préalablement numérotées, et qui permettent de justifier le montant que le client doit : bon de commande ou devis signé, contrat conclu fixant les échéanciers de règlement, facture mentionnant la date de règlement convenue, bon de livraison s’il ne comporte pas de réserves, conditions générales de vente acceptées par le client, lettres de relance laissées sans réponse, mise en demeure de payer,
  • joindre au dossier le page intitulée « bordereau des pièces visées dans l'assignation », ainsi que la copie de tous documents justificatifs à l'appui de l'assignation,
  • préparer la copie de chacune de ces pièces et apposer en première page, au moins sur les plus importantes d'entre elles, la mention « pour copie certifiée conforme à l'original », suivie de votre signature,
  • puis contacter le greffe du Tribunal compétent pour obtenir une date d’audience et compléter l'assignation des lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée.

La rédaction d'une assignation est assez compliquée car il faut disposer de connaissances juridiques. C'est pourquoi il est conseillé de faire appel à un avocat afin de minimiser les risques d'erreur.

En pratique, lorsque la représentation par avocat est obligatoire, c'est l'avocat mandaté par le créancier qui se charge de la rédaction de l'assignation en paiement avant de la confier à un commissaire de justice pour qu’elle soit signifiée (transmise) au débiteur.

A l'inverse des honoraires de l'avocat, la délivrance de l’assignation en paiement par un commissaire de justice est tarifée par le Code de commerce. Le coût de l’assignation en justice est à la charge du demandeur, c'est-à-dire de celui qui engage l'action en justice. Toutefois, son coût pourra être réclamé à la personne assignée en justice, si le tribunal saisi donne raison au demandeur.

A noter : depuis le 1er janvier 2020, les tribunaux d'instance et de grande instance ont fusionné pour devenir le tribunal judiciaire (loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice).

Modèle d'assignation en paiement

Il est possible de trouver sur internet des modèles d'assignation, gratuits ou payants.

L'Ordre des Avocats de Paris a ainsi mis en ligne gratuitement plusieurs modèles d'assignation.

L'utilisation d'un modèle d'assignation n'est cependant pas conseillé lorsque l'on ne dispose pas de connaissances juridiques ou procédurales.

3. Dépôt au Tribunal de l'assignation en paiement

L'assignation en paiement doit ensuite être remise au greffe de la juridiction compétente. Il peut être remis par le créancier lui-même, un avocat, un commissaire de justice ou tout autre mandataire muni d'un pouvoir spécial.

Le Tribunal auprès de qui déposer la demande d'assignation en paiement dépend de la qualité du débiteur :

  • Si le débiteur est un particulier, c'est le Tribunal judiciaire qui est compétent. Le tribunal compétent est en principe celui où le débiteur a son domicile. Mais, si la demande de paiement résulte de l'application d'un contrat, le créancier pourra librement choisir de saisir le tribunal du domicile du débiteur, le tribunal du lieu de livraison effective des marchandises ou encore le tribunal du lieu d'exécution de la prestation de services.
  • Si le débiteur est un professionnel, c'est le Tribunal de commerce qui est compétent. Il s'agit en principe du tribunal du siège social du débiteur, sauf si le contrat de vente a déterminé le tribunal qui était compétent.

Lorsque c'est le Tribunal de commerce qui est compétent, la démarche peut s'effectuer en ligne via le Tribunal digital.

Le créancier doit ensuite remettre à un commissaire de justice une assignation, le bordereau des pièces ainsi que la copie des pièces au moins 15 jours avant la date d'audience. Celui-ci va se charger de communiquer ces documents au débiteur.

Quand l'avocat est-il obligatoire ?

Devant le Tribunal judiciaire, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire, sauf si le montant demandé est supérieur à 10 000 €.

Devant le Tribunal de commerce, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire, sauf si le litige concerne un bail commercial (à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé).

4. Tenue de l'audience

Avant la tenue de l'audience, le débiteur doit adresser au créancier ses arguments dans un document appelé « conclusions », accompagné de ses pièces justificatives.

Il n'y aura un procès que si les arguments et pièces justificatives de chacune des parties ont été échangées. Une fois cela fait, chacun pourra plaider sa cause devant le tribunal.

Face au juge, le débiteur dispose de 3 options :

  • reconnaître sa dette,
  • contester la dette,
  • ne pas réagir.

La procédure devant le Tribunal judiciaire peut se dérouler sans audience, si le créancier et le débiteur y consentent.

Option 1 : reconnaître sa dette

Si le débiteur reconnaît sa dette, le tribunal va le condamner au paiement des sommes dues assorties éventuellement d'intérêts moratoires et des frais de procédure.

Le débiteur peut convenir d'un échéancier en demandant un délai de grâce au tribunal.

En cas de refus, le créancier va se voir délivrer un titre exécutoire. Celui-ci va être signifié au débiteur par un commissaire de justice.

L'appel est possible quand la décision précise qu'elle est rendue en premier ressort. Pour cela, il suffit de rédiger une déclaration d'appel puis de la déposer au greffe de la cour d'appel dont dépend le tribunal qui a rendu le jugement. Le recours à un avocat n'est pas obligatoire mais reste vivement conseillé.

Si l'appel débouche sur une nouvelle condamnation à payer, une nouvelle signification va avoir lieu. A partir de là, une saisie va pouvoir être opérée sur le patrimoine du débiteur sauf s'il forme un pourvoi en cassation (en cas d'erreur de droit, uniquement). Un avocat est alors obligatoire.

Option 2 : contester la dette

La charge de la preuve repose en principe sur celui qui a engagé l'action, c'est-à-dire sur le créancier.

Celui-ci va devoir prouver la réalité (bon de commande, facture..) et le montant de la dette. Si celui-ci n'y parvient pas, le jugement sera rendu en la faveur du débiteur.

Celui-ci peut contester la dette par tous moyens mais l'assistance d'un avocat est conseillée.

Option 3 : ne pas réagir

Si le débiteur ne se présente pas à la comparution et qu'il ne s'y fait pas représenter, le jugement risque d'être rendu en sa défaveur. Et il risque de ne pas pouvoir faire appel.

Après signification du jugement, le créancier pourra demander à un commissaire de justice de saisir le patrimoine du débiteur.

5. Décision du juge

Si le débiteur reconnaît sa dette, il est alors condamné à payer et un échéancier de règlement pourra être convenu. Dans le cas contraire, il va devoir apporter tous les éléments de preuve au juge.

Le juge peut décider d'accorder raison au créancier : une fois les délais d'appel expirés, il lui délivre alors un titre exécutoire que le créancier devra signifier au débiteur. A défaut de paiement, le titre exécutoire va lui permettre de pratiquer une saisie sur le patrimoine du débiteur, sauf si ce dernier forme appel, ou de le faire assigner en redressement judiciaire, s'il s'agit d'un professionnel.

Le juge peut aussi décider d'accorder raison au débiteur. Le créancier devra alors faire appel de la décision (ou se pourvoir en cassation).

Dès lors que le jugement donne gain de cause au créancier, il doit le faire signifier au débiteur dans les 6 mois de son prononcé.

Est-il possible de faire appel de la décision rendue ?

Demande inférieure à 5 000 €

Pour le litige dont la valeur n'excède pas 5 000 €, le seul recours possible est le pourvoi en cassation, qui doit s'exercer devant la Cour de cassation.

La partie intéressée dispose de 2 mois après la signification du jugement par commissaire de justice pour le faire.

Contrairement à l'appel, la constitution d'avocat est obligatoire devant la Cour de cassation.

De plus, le pourvoi n'est pas suspensif, ce qui signifie que lorsque la décision rendue par le tribunal lui est favorable, le créancier peut décider de procéder à l'exécution immédiate de la décision, sans attendre le jugement de la Cour de cassation. Il pourra ainsi saisir et vendre le patrimoine du débiteur mais prend le risque de voir ses actions remises en cause.

Demande supérieure à 5 000 €

Pour le litige dont la valeur excède 5 000 €, il est possible de faire appel contre la décision rendue par le tribunal.

La partie intéressée dispose de 1 mois après la signification du jugement par commissaire de justice pour le faire.

Pour cela, il lui suffit de rédiger une déclaration d'appel, puis de la déposer au greffe de la cour d'appel dont dépend le tribunal qui a rendu le jugement, accompagnée d'une copie de la décision attaquée.

La cour d'appel va examiner à nouveau les faits et rejuger intégralement l'affaire.

Comment faire exécuter la décision du juge ?

Une fois la décision obtenue, il faut la faire exécuter, c'est-à-dire récupérer les sommes dues par le débiteur. C'est le commissaire de justice qui procèdera à son exécution.

Pour faciliter l'exécution de la procédure de saisie, il faudra lui communiquer tous éléments de nature à faciliter l'exécution de la décision : les coordonnées bancaires du débiteur, son adresse, sa date de naissance si c'est une personne physique, son numéro de RCS si c'est une société...