La procédure de liquidation judiciaire concerne les entreprises qui se trouvent en état de cessation des paiements et qui ne peuvent plus être redressées.
L'employeur reste à la tête de son entreprise, mais il se retrouve sous la tutelle du juge. Il devra alors avoir son autorisation pour certaines actions, notamment pour licencier des salariés. Tout acte passé en violation de cette règle peut être frappé de nullité et donne lieu à des sanctions.
La procédure de liquidation judiciaire peut avoir pour issue la cession totale ou partielle de l'entreprise, que l'employeur soit d'accord ou pas avec cette solution. La cession de l'entreprise entraîne en principe le transfert des contrats de travail et de l'intégralité des droits acquis attachés à ces contrats et ce, quels que soient leur fait générateur et leur montant. Toutefois, afin d'assurer la pérennité économique de la reprise, le juge-commissaire peut prévoir des licenciements économiques à l'occasion du plan de cession.
Une procédure de liquidation judiciaire se déroule en 4 étapes :
Le prononcé de la liquidation judiciaire entraîne la cessation immédiate de l’activité de la société, sauf autorisation de poursuite exceptionnelle d’activité.
Les postes de travail sont supprimés et la rupture de l’ensemble des contrats de travail engagée, sauf possibilité de reclassement.
Le liquidateur procède au licenciement des salariés dans les 15 jours suivant le prononcé de la liquidation judiciaire, délai pendant lequel le paiement des salaires par l'AGS est garanti. L'autorisation du juge commissaire n'est pas nécessaire.
La procédure de licenciement est réduite dans ses délais de droit commun afin de s’adapter à la procédure collective. Sauf en cas de plan de sauvegarde de l'emploi, le liquidateur reste soumis à l'obligation de reclasser les salariés et doit proposer à chaque salarié concerné d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
Qu'est-ce qu'un plan de sauvegarde de l'emploi ?
L'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi est obligatoire si l'entreprise compte plus de 50 salariés et que le nombre de licenciements envisagés est au moins égal à 10 sur une période de 30 jours.
Le plan de sauvegarde de l'emploi (ou plan social) doit justifier pourquoi une réduction des effectifs est indispensable pour redresser l'activité.
Il doit être élaboré de manière à éviter les licenciements, ou à limiter le nombre en prévoyant des mesures destinées à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourra pas être évité.
Exemples :
Le plan de sauvegarde de l'emploi peut prendre deux formes :
Une fois le plan de sauvegarde de l'emploi validé ou homologué par la DIRECCTE, le liquidateur peut notifier les licenciements économiques aux salariés.
Le plan de sauvegarde de l'emploi peut être contesté par un salarié qui justifié d'un intérêt suffisant, devant le juge administratif, dans un délai de 2 mois à compter de la décision de validation ou homologation.
Lorsqu’une poursuite d’activité exceptionnelle est autorisée, la rupture des contrats de travail intervient à l’issue du maintien de l’activité autorisé par le Tribunal.
Ce sera le cas si une cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable. Durant ce délai, le liquidateur, si des offres ont été émises, va préparer un plan de cession.
Même si la poursuite d'activité est décidée, le liquidateur peut prononcer des licenciements économiques, avec l'autorisation du juge-commissaire. La lettre de licenciement doit ainsi faire expressément référence à l'ordonnance du juge-commissaire.
Les licenciements ne sont possibles que s'ils présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable. C'est pourquoi le licenciement économique peut être contesté par chaque salarié devant le Conseil de Prud'hommes.
L'issue d'une procédure de liquidation judiciaire est normalement la cession, qu'elle porte sur l'intégralité de l'entreprise ou seulement sur une ou plusieurs branches d'activités.
Les contrats de travail sont automatiquement transférés au nouvel employeur (même si le salarié est en période d'essai ou en arrêt maladie). Mais en cas de transfert partiel, seuls les salariés qui étaient exclusivement rattaché à la branche cédée voient leur contrat transféré. La loi impose donc au racheteur de proposer au salarié de poursuivre son contrat de travail sans modification (Cass. soc. 19 avril 2005 n°03-43240).
En pratique, cette proposition peut intervenir même si le salarié a déjà été licencié par le liquidateur. Si la proposition lui est faite avant la fin de son délai de préavis, il n'a pas le droit aux indemnités de rupture, même s'il refuse. Si elle lui est faite après, il aura droit aux indemnités de rupture.
Lorsque le salarié refuse la modification de son contrat de travail, son refus équivaut à une démission. Mais de façon générale, son refus ne sera pris en compte que s'il manifeste par écrit sa volonté claire et non équivoque de refuser la poursuite de son contrat de travail. Une opposition collective ne peut donc être considérée comme un refus.
Lorsque le repreneur refuse le transfert du contrat de travail, ce refus est considéré comme un licenciement de fait. Le salarié pourra donc obtenir l'indemnité prévue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le licenciement pour motif personnel ou pour faute par le premier employeur reste toujours possible. En revanche, le transfert ne peut pas constituer un motif de licenciement.
Si le premier employeur choisit néanmoins de licencier ses salariés du fait du transfert, le licenciement sera privé d'effet. Au choix, les salariés pourront demander au nouvel employeur la poursuite de leur contrat de travail ou demander la réparation du préjudice à leur premier employeur, sauf si le second les a informé, avant la fin de leur délai de préavis, de son intention de poursuivre, sans modification, leurs contrats de travail.
Le nouvel employeur a lui aussi la faculté de licencier ses nouveaux salariés pour motif personnel ou pour faute. Mais s'il décide de licencier des salariés, après le transfert, pour réorganiser l'entreprise, il ne pourra le faire que si le motif invoqué revêt les caractères d'une cause réelle ou sérieuse de rupture.
Contrairement aux autres créanciers, les salariés n'ont pas besoin de déclarer leurs créances. Il en va de même pour les salariés licenciés avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Le liquidateur judiciaire centralise les informations reçues de l'administrateur judiciaire, des salariés, de l'entreprise (qui notamment tient à disposition le livre d'entrée et sortie du personnel et le livre de paye) et du représentant des salariés.
Un relevé des créances salariales est ensuite établi. Les créances salariales représentent toutes les sommes que l'employeur doit au titre d'un contrat de travail (arriérés de salaire, indemnités de congés payés, de préavis, de licenciement…).
Une fois le ou les relevés de créances salariales établis par le liquidateur judiciaire, ils sont visés par le représentant des salariés et soumis au visa du juge commissaire.
Le relevé des créances salariales est ensuite déposé au greffe, puis le liquidateur judiciaire :
Le délai de paiement des salaires impayés est en général de 2 semaines, pouvant aller jusqu'à un mois, à partir de la date de remise des pièces par l'employeur et de l'établissement du relevé de créances salariales.
Et si une créance salariale ne figure pas sur le relevé ?
Les salariés dont une partie, ou la totalité, de la créance ne figurerait pas sur le relevé des créances salariales ont 2 mois pour contester le relevé, à compter de la publication du relevé dans un journal d'annonces légales, à peine de forclusion.
La contestation se fait devant le Conseil de Prud'hommes, directement devant le bureau du jugement. Il n'y aura donc pas de tentative de conciliation, comme dans le cas d'une procédure classique.
Attention, le salarié qui souhaite contester la cause de son licenciement, ne peut demander l'inscription des sommes auxquelles il aurait droit dans l'hypothèse d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, il doit d'abord prouver devant la juridiction prudhommale qu'il n'a pas commis de faute lourde. Les règles générales de procédure s'appliquent : une tentative de conciliation avec son employeur va donc avoir lieu.
Même si sa créance est établie, il n'est pas certain qu'il puisse obtenir de l'AGS l'avance des sommes dues. En effet, l'avance n'est possible que si la rupture du contrat de travail intervient dans des délais restreints.
Dépassement du délai pour contester
Si le salarié a dépassé le délai de contestation de 2 mois, il est en principe forclos, sauf si le liquidateur judiciaire ne l'a pas averti individuellement de la date de dépôt du relevé et ne lui a pas non plus rappelé qu'il encourait la forclusion.
Mais il peut demander à être relevé de la forclusion dans un délai de 6 mois après la publication du jugement d'ouverture. Par exception, le délai est porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de 6 mois. La demande est considérée comme implicite s'il demande la fixation de sa créance hors délai.
La demande se fait par l'envoi d'une lettre recommandée adressée au greffe du tribunal, à l'attention du juge-commissaire. Le salarié doit établir que sa défaillance n'est pas due à son fait ou qu'elle est due à une omission volontaire de l'employeur lors de l'établissement de la liste des créances salariales. Si ce n'est pas le cas, l'action en relevé de forclusion sera rejetée.
Relevé de la forclusion
Le relevé de la forclusion ne signifie pas forcément que la créance sera admise à la procédure, et donc bénéficiera de l'éventuelle avance de l'AGS. En effet, elle doit encore subir la procédure de vérification prévue par la loi.
Il faut aussi savoir que le salarié relevé de la forclusion ne peut concourir que pour les distributions postérieures à sa demande.
Si l'employeur ne possède pas de la trésorerie suffisante pour procéder au règlement des créances salariales, l'administrateur judiciaire formalise une demande auprès du liquidateur judiciaire afin de solliciter une demande d'avance auprès de l'AGS.
L'AGS prend en charge uniquement les sommes dues :
Néanmoins, cette prise en charge n'est pas automatique. En effet, pour que l'AGS intervienne, le liquidateur judiciaire doit justifier de l'insuffisance de fonds disponibles dans l'entreprise pour payer les salariés concernés.
Dans l'hypothèse où l'entreprise ne dispose pas de la trésorerie suffisante, l'AGS procède à l'avance des fonds. Le règlement des créances salariales intervient dans un délai approximatif de 4 semaines à compter de la remise des pièces à l'AGS par le liquidateur judiciaire.
La garantie de l'AGS inclut :
La garantie de l'AGS, toutes créances salariales comprises, est limité à un certain montant, dépendant de l'ancienneté du contrat de travail au jour de la procédure collective. Pour l'année 2020, le plafond de l'AGS est fixé à :
Ancienneté du contrat au jour de l'ouverture de la procédure | Montant maximum |
---|---|
Contrat conclu plus de 2 ans avant | 82 272 € |
Contrat conclu entre 2 ans et 6 mois avant | 68 560 € |
Contrat conclu moins de 6 mois avant | 54 848 € |
Que faire lorsque l'AGS refuse de payer un salarié ?
Lorsque l'AGS refuse de régler une créance figurant sur le relevé des créances salariales, elle en informe le liquidateur judiciaire, qui doit en informer le représentant des salariés puis le salarié concerné.
Celui-ci peut alors saisir le Conseil de Prud'hommes. Si celui-ci estime que le refus de l'AGS n'est pas fondé, cette dernière sera obligée de verser les fonds.
Le refus de l'AGS peut être de nature diverse : elle estime que la créance ne peut bénéficier de la garantie, qu'elle dépasse le plafond de couverture ou qu'elle est excessive.
Dès le jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, le tribunal invite le comité social et économique (ou s'il n'y en a pas, les salariés eux-mêmes) à élire un représentant des salariés, destiné à servir d'intermédiaire entre les salariés et le tribunal.
Son élection a lieu dans les 10 jours du prononcé du jugement d'ouverture. Il est élu par vote secret au scrutin uninominal à un tour, c'est-à-dire que le candidat qui recueille le plus de voix est élu. Pour que l'élection soit valable, il n'y a pas besoin de quorum, c'est-à-dire d'un nombre minimal de votants.
Le temps passé à l'exercice de ses missions est considéré comme du temps de travail. Il doit donc être rémunéré à l'échéance normale, par l'administrateur ou le liquidateur. Il est aussi soumis à une obligation de discrétion en ce qui concerne les informations présentées comme ayant un caractère confidentiel par son employeur.
Le représentant des salariés doit :
Les procès en cours devant le Conseil de Prud'hommes ne sont ni interrompus ni suspendus du fait de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Ils se poursuivent, mais en présence du liquidateur judiciaire.
La décision qui pourra être rendue est en principe inopposable à la procédure. Toutefois, si le liquidateur judiciaire oublie d'informer, dans les 10 jours d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le Conseil de Prud'hommes et les salariés parties à l'instance de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, la décision rendue par le conseil deviendra opposable.
En effet, dès qu'il est averti de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, le Conseil de Prud'hommes est censé convoquer le liquidateur judiciaire.