Licenciement pour faute lourde : indemnités et procédure

Rédigé par Roxane Hidoux

Le licenciement pour faute lourde est une procédure de licenciement pour faute réservée aux salariés ayant eu l'intention de nuire à leur employeur.

Sommaire :

1ère étape : S'assurer que le salarié a bien commis une faute lourde

Les faits reprochés à un salarié ne peuvent justifier un licenciement pour faute lourde que si :

  • ils impliquent la volonté du salarié de porter préjudice à l’employeur ou à l'entreprise et ne résultent pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ;
  • ils imposent une rupture immédiate du contrat de travail (sans possibilité d'exécuter son préavis).

Dans un licenciement pour faute lourde, ce n'est pas seulement la gravité de la faute qui compte mais aussi la volonté du salarié de nuire à l'employeur ou à l'entreprise (si un doute subsiste, il profite au salarié).

Exemples de fautes lourdes :

  • Dégradation volontaire d'un outil de l'entreprise
  • Blocage de l'accès à l'entreprise aux salariés non grévistes par des salariés grévistes
  • Violence physique et menace de mort envers l'employeur
  • Séquestration d'un membre du personnel de l'entreprise
  • Détournement de clientèle au profit d'un concurrent
  • Divulgation d'informations secrètes ou confidentielles
  • Falsifications commises par un directeur administratif et financier pour masquer ses malversations financières

En revanche, le simple fait pour le salarié de dénigrer la politique tarifaire de l'employeur devant les clients ou de détourner les fonds de l'entreprise pour son usage personnel ne constitue pas une faute lourde.

2ème étape : Vérifier que la faute lourde n'est pas prescrite

À compter du jour où l'employeur a eu connaissance du fait fautif commis par le salarié, il dispose de 2 mois pour engager des poursuites disciplinaires.

Il n'est plus possible d'entreprendre des poursuites disciplinaires au-delà de ce délai de 2 mois. La sanction, quant à elle, peut être exécutée par le salarié au-delà de ce délai de 2 mois.

Certaines circonstances ont cependant pour effet de reporter le délai de prescription de 2 mois. C'est le cas :

  • si des vérifications ou investigations sont nécessaires pour établir avec certitude les faits ;
  • si des poursuites pénales ont été engagées à l'encontre du salarié ;
  • si le comportement fautif du salarié se poursuit dans le temps.

À savoir : un arrêt maladie ou un accident de travail n'entraîne pas la suspension ou l'interruption de ce délai de 2 mois.

3ème étape : Prononcer une mise à pied conservatoire (facultatif)

La mise à pied conservatoire n'est pas une sanction, mais une mesure provisoire s'inscrivant dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute grave ou pour faute lourde.

Prononcée pour une durée nécessairement indéterminée, elle permet d'écarter le salarié de l'entreprise jusqu'au prononcé du licenciement pour faute lourde.

Aucune formalité n'est prévue par la loi pour notifier une mise à pied conservatoire. L'employeur peut donc informer le salarié par tout moyen, y compris oralement.

A noter : le prononcé de la mise à pied conservatoire doit être immédiatement suivi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement.

4ème étape : Convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement

Les mentions devant figurer sur la convocation à l'entretien préalable sont listées à l'article R. 1232-1 du Code du travail.

Pour que le licenciement pour faute lourde soit valable, la convocation à l'entretien préalable doit indiquer :

  • qu'un licenciement est envisagé. La mention « sanction » n'est pas suffisante : elle rendrait le licenciement irrégulier,
  • la date et l'heure de l'entretien,
  • le lieu de l'entretien, même si l'entreprise n'a qu'un seul établissement,
  • que le salarié peut se faire assister par une personne de son choix, appartenant au personnel de l'entreprise ou, à défaut, conseiller extérieur inscrit sur une liste départementale.

Les fautes alléguées n'ont pas à figurer dans la convocation sauf si la convention collective l'impose. Il est sinon préférable d'attendre la lettre de notification du licenciement, et ce d'autant plus que l'entretien est de nature à clarifier certains points voire à découvrir de nouveaux faits.

5ème étape : Réaliser l'entretien préalable au licenciement

Au cours de l'entretien préalable au licenciement, l'employeur est tenu d'indiquer au salarié les motifs de rupture envisagés et de recueillir ses explications. Si, toutefois, le salarié ne se présente pas, l'employeur peut poursuivre la procédure de licenciement.

Au cours de l'entretien, les propos du salarié sont libres et il dispose ainsi d'une relative immunité de parole lui permettant d'exposer son point de vue, sans que ses propos ne puissent être retenus comme une faute à sa charge.

L'employeur n'est pas obligé d'engager une discussion sur le bien-fondé d'un éventuel licenciement. Aussi artificiel que cela puisse paraître, l'employeur ne doit d'ailleurs en aucun cas faire part de sa décision de licencier pendant l'entretien. La loi impose en effet un délai de réflexion de 2 jours ouvrables.

L'employeur doit également veiller :

  • à ce que la lettre de licenciement ne comporte que des motifs énoncés lors de l'entretien ;
  • à convoquer le salarié à un nouvel entretien, s'il désire retenir des faits postérieurs à l'entretien préalable.

6ème étape : Notifier le licenciement pour faute lourde

L'employeur qui décide de licencier un salarié doit notifier le licenciement, idéalement par lettre recommandée avec accusé de réception. Le licenciement verbal est exclu.

La lettre de licenciement doit au minimum contenir :

  • la mention explicite qu'il s'agit d'un licenciement pour faute lourde ;
  • les motifs du licenciement. Il doit s'agir de motifs objectifs, précis et vérifiables. Un motif imprécis équivaut à une absence de motifs et entraîne donc le paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. À la lecture de la lettre, le salarié doit savoir exactement ce qui lui est reproché (date, faits précis...) ;
  • des informations relatives au préavis et, en l'occurrence, l'absence de préavis ;
  • la signature manuscrite de l'employeur ou de la personne qui le représente.

Le contrat de travail est rompu le jour de l'expédition de la lettre de licenciement par l'employeur (et non le jour de sa réception par le salarié).

A noter : la notification du licenciement pour faute lourde ne peut intervenir moins de 2 jours ouvrables et plus de 1 mois après la date de l'entretien préalable.

7ème étape : Remettre les documents de fin de contrat

L'employeur doit remettre au salarié les documents de fin de contrat :

  • un certificat de travail,
  • un reçu pour solde de tout compte,
  • une attestation France Travail (un licenciement pour faute lourde ne fait pas obstacle à l’attribution des allocations de chômage),
  • un état récapitulatif de l'ensemble des sommes et valeurs mobilières épargnées (uniquement s'il y a un dispositif lié à l'épargne salariale dans l'entreprise).

La faute lourde entraîne les mêmes conséquences que la faute grave. Conséquences : le salarié ne perçoit ni indemnité de licenciement ni indemnité compensatrice de préavis, sauf si la convention collective ou le contrat de travail prévoit le contraire.

A noter : un salarié licencié pour faute lourde ne peut pas bénéficier de la portabilité de la mutuelle de son ancien employeur.

8ème étape : Demander la réparation du préjudice subi au salarié licencié

Un salarié qui a commis une faute lourde peut voir sa responsabilité civile engagée à l'égard de son employeur et être condamné par le Conseil de Prud'hommes à une indemnisation du préjudice qui lui a été causé.

Lorsque la faute lourde constitue une infraction pénale (violence, vol…), l'employeur peut aussi solliciter une indemnisation en se constituant partie civile au procès pénal.