La période suspecte a pour point de départ la première heure du jour fixé pour la date de cessation des paiements.
En général, le Tribunal de commerce fixe la date de cessation des paiements au jour de la déclaration de cession des paiements (ou dépôt de bilan). Le Tribunal a par la suite la possibilité de repousser cette date, si certains faits le conduisent à penser que les conditions d'une cessation des paiements étaient réunies plus tôt.
En pratique, la date de la cessation des paiements peut être compliquée à déterminer, notamment lorsque l'entreprise est parvenue à obtenir des délais de paiement ou des remises de dettes.
Les tribunaux se basent sur différentes indices pour déterminer la date de cessation des paiements :
La période suspecte se termine le jour de l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Elle peut couvrir une période de 18 mois.
Il n’existe pas de période suspecte dans la procédure de sauvegarde, car son recours ne suppose pas d’état cessation des paiements.
La détermination de la période suspecte permet d'identifier d’éventuels actes présumés frauduleux du fait soit du dirigeant soit même d’un tiers.
Le but est de sanctionner les actes ayant pour objet ou pour effet de disperser l’actif de l'entreprise ou d’avantager indûment certains créanciers par rapport à d’autres. Ces actes pourront être annulés.
En effet, l'entreprise ne doit pas avoir favorisé un partenaire au détriment de ses créanciers, notamment en favorisant un créancier, en vendant des actifs à un prix anormalement bas, en donnant des actifs, en payant selon un mode anormal (par exemple avec du matériel), en donnant des garanties pour une dette antérieure, en consentant un contrat de travail avec des conditions particulièrement anormales...
Les actes énumérés à l'article L 632-1, I du Code de commerce sont automatiquement annulés :
L'entreprise qui aura ainsi effectué ces actes pendant la période suspecte les verra automatiquement annulés par le juge sans appréciation de leur bien fondé.
Conclusion d'un contrat de travail pendant la période suspecte
Le contrat de travail n'échappe pas par principe au risque de nullité de la période suspecte.
Le contrat de travail sera ainsi considéré comme étant un contrat déséquilibré lorsqu'il prévoit une rémunération à un niveau très supérieur aux minima applicables à la catégorie d’emploi du salarié et ce, en dépit des difficultés majeures que l'entreprise connaissait alors (Cass soc 16 juin 2004 n°02-41623).
De même, un contrat de travail qui a pour unique objet de faire bénéficier le dirigeant de droits sociaux auxquels il ne pouvait prétendre est considéré comme étant fictif (Cass soc 19 juin 2001 n°99-42738).
Dans ces deux cas, les conséquences sont identiques : la nullité rétroactive du contrat de travail, avec pour conséquence la restitution par le salarié des salaires perçus.
Le pseudo salarié a cependant la faculté de demander l'indemnisation de ses prestations, indemnisation qui ne correspondra pas nécessairement au montant des salaires versés. Mais encore faut-il que le salarié sollicite cette indemnisation et ne se limite pas à demander au Tribunal la fixation de sa créance salariale (Cass com 20 mars 2019 n°18-12582).
Le Tribunal a la possibilité, mais pas l'obligation d'annuler certains actes, lorsqu'ils ont été réalisés pendant la période suspecte avec un créancier qui avait connaissance de la cessation de paiement.
Sont visés les actes suivants :
La difficulté sera alors d'établir que le créancier avait connaissance, au moment de la conclusion de l'acte litigieux, de l'état de cessation des paiements de l'entreprise. Le Tribunal doit établir concrètement et précisément en quoi le bénéficiaire de l'acte avait connaissance, au moment de l'acte litigieux, de l'état de cessation des paiements de l'entreprise.
Dans le cas d'une vente, le Tribunal examinera ainsi si le bien a été vendu pour soustraire une partie des actifs aux créanciers. Il pourra annuler la vente, avec pour conséquences :
Ainsi, toute vente d'actif doit être scrupuleusement motivée, et justifiée en prix par une expertise indépendante, et ce pour limiter le risque qu'un créancier ne traîne devant un tribunal le dirigeant de l'entreprise.