Comment récupérer un loyer impayé dans un bail commercial ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Lorsqu'un locataire ne règle pas son loyer, le bailleur est en droit de résilier le bail commercial et peut demander au juge d'ordonner son expulsion.

Sommaire :

De quel délai le locataire dispose-t-il pour payer son loyer ?

Les modalités de paiement du loyer commercial (date, paiement mensuel ou trimestriel…) ne sont pas réglementées par la loi. Elles sont négociées entre le bailleur et le locataire et inscrites dans le bail commercial.

Les charges et la taxe foncière se paient ensuite par une provision, qui sera régularisée à la fin de l’année. Là aussi, le bailleur et son locataire ont la possibilité de négocier librement leurs modalités de paiement.

Outre le paiement du loyer et des charges, le versement d'un pas de porte peut être réclamé par le bailleur, tous les mois ou tous les trimestres, si le bail le prévoit.

Un locataire peut-il légitimement refuser de payer son loyer ?

En application de l'article 1219 du Code civil, le locataire peut légitimement refuser de payer son loyer lorsque le local ne permet pas l’exercice de l'activité envisagée par le bail (manquement à l'obligation de délivrance du bailleur).

En revanche, un locataire ne peut pas refuser de payer ses loyers commerciaux dus pendant la période de fermeture des commerces dits « non essentiels » résultant de l’épidémie de covid-19 (mars-mai 2020 ; octobre-novembre 2020 ; février-avril 2021) car la mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public n'a pas entraîné la perte de la chose louée et n'est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance (Civ. 3e, 30 juin 2022, n° 21-20.127, n° 21-20.190 et n° 21-19.889).

Le bailleur peut-il facturer des intérêts de retard au locataire ?

La CJUE considère, en se basant sur la directive européenne 2011/7 du 16 février 2011, qu'un bail commercial constitue une prestation de services dont le non-paiement à l’échéance peut être sanctionné sur le fondement de la réglementation des délais de paiement interentreprises.

Cette solution est transposable à la réglementation française des délais de paiement interentreprises (C. com. art. L 441-10, pris pour l’application de la directive 2011/7).

Des intérêts de retard sont ainsi exigibles par le bailleur lorsque les échéances de loyers obligatoirement prévues par le contrat de bail ne sont pas respectées, sans mise en demeure préalable et suivant le taux minimal légalement fixé en cas de taux conventionnel ou de taux supplétif.

L’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 € est exigible dans les mêmes conditions.

Que peut faire un locataire qui n'arrive pas à payer un loyer commercial ?

En général, les impayés de loyer dans un bail commercial ont pour origine des soucis de trésorerie, eux-mêmes dus à une baisse du chiffre d'affaires, pour des raisons indépendantes du locataire (travaux dans la rue ayant fait baisser la fréquentation, installation d'un concurrent trop près, etc.).

Le locataire a la possibilité de demander au bailleur un délai de paiement, avec ou sans échelonnement, par lettre recommandée avec accusé de réception. Le bailleur n'est toutefois pas obligé d'accepter.

Un locataire en difficulté peut aussi prendre les devants et recourir à des procédures de prévention des difficultés des entreprises. 2 de ces procédures - le mandat ad hoc et la procédure de conciliation - autorisent le président du Tribunal de commerce à désigner, à la demande du locataire, un mandataire ad hoc ou un conciliateur, chargé de négocier des accords (rééchelonnement des dettes…) avec les principaux créanciers.

En cas d'échec de la procédure et s'il se trouve en situation de cessation des paiements, le locataire peut également demander l'ouverture d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire selon sa situation), permettant d'échelonner la dette.

Dans ce cas, le bail commercial est maintenu. L'administrateur judiciaire ou le liquidateur pourront ensuite décider de le poursuivre, de le résilier ou de le céder.

Le bailleur ne peut pas s'opposer à leur décision, même en cas de plusieurs loyers impayés. Il doit faire une déclaration de créances auprès du mandataire judiciaire pour espérer récupérer les arriérés de loyer.

Quels sont les recours du bailleur face à un impayé de loyer commercial ?

La plupart des baux commerciaux contiennent une clause qui prévoit la résiliation de plein droit du bail au premier impayé.

Absence de clause résolutoire

En l'absence de clause résolutoire, le bailleur a toujours la possibilité de demander la résiliation judiciaire du bail commercial, mais le juge a la possibilité de refuser sa demande, même si le locataire est visiblement en tort.

Lorsque le bail ne comporte pas de clause résolutoire, la résiliation du bail commercial ne peut pas intervenir automatiquement, même en cas d'impayé.

C'est le tribunal judiciaire qui va apprécier si les faits sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du bail commercial. Il tiendra ainsi compte du nombre, de la fréquence des impayés et de la bonne ou mauvaise foi du locataire.

Le tribunal refusera ainsi la résiliation si le locataire a une seule échéance de loyer en retard, alors qu'il la prononcera en cas de retards de paiement répétés et sans justification.

Le tribunal peut aussi décider de refuser la résiliation s'il constate que le locataire a régularisé la situation, même s'il ne l'a fait qu'après avoir été assigné en justice. Par ailleurs, le tribunal peut aussi accorder un délai au locataire pour qu'il paye son loyer.

1ère étape : envoyer un commandement de payer au locataire

Le bailleur doit commencer par remettre au locataire un commandement de payer.

Le commandement de payer est un acte juridique qui doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires :

  • contenir un décompte précis des sommes impayées,
  • mentionner le délai de 1 mois octroyé au locataire pour payer son loyer (le bail commercial peut prévoir un délai plus long, auquel cas c'est celui-ci qui s'applique),
  • préciser que le bailleur entend user du bénéfice de la clause résolutoire si le locataire ne paie pas son loyer dans le délai imparti.

Le commandement de payer doit obligatoirement être délivré par un commissaire de justice et être notifié aux créanciers qui jouissent d'un privilège ou d'un nantissement inscrit sur le fonds de commerce du locataire.

Le locataire a 1 mois pour payer après la notification du commandement. A défaut de paiement dans le délai de 1 mois, la clause résolutoire produit ses effets : le bail est résilié si entre temps le locataire n'a pas régularisé sa situation.

2ème étape : faire constater l'acquisition de la clause résolutoire

A défaut de règlement du loyer, le bailleur peut ensuite saisir le tribunal pour :

  • faire constater la résiliation du bail en application de la clause résolutoire,
  • demander l'expulsion du locataire,
  • demander à ce que le locataire soit condamné à lui payer les arriérés locatifs, une indemnité d'occupation pour le temps passé au-delà du délai, le cas échéant, ainsi que les frais de commissaire de justice et d'avocats éventuels.

Demande de délais de paiement

Lors de l'audience, le locataire peut demander au juge un délai ou la suspension de la clause résolutoire, afin d'avoir plus de temps pour payer les arriérés de loyers commerciaux ou exécuter ses obligations, comme par exemple remettre le local en état.

Cette demande de délai de grâce est souvent accordée aux locataires de bonne foi, subissant une baisse de leur chiffre d'affaires, par exemple. Le juge propose un échéancier de paiement pouvant être étalé sur 2 ans maximum. En général, les échéanciers mis en place ne dépassent pas 1 an.

Si le locataire respecte les délais accordés et paie les arriérés de loyers commerciaux, la résiliation du bail sera alors automatiquement annulée.

Si le locataire ne respecte pas les délais accordés par le juge et ne paie pas son loyer, le bailleur devra alors saisir à nouveau le Tribunal judiciaire en référé afin de faire constater la résiliation du bail.

Comment faire expulser un locataire pour loyer commercial impayé ?

Si le locataire refuse de quitter les lieux alors que le juge a rendu une ordonnance ordonnant son expulsion, il peut être expulsé par la force.

Une fois muni de l'ordonnance d'expulsion, le bailleur doit :

  • transmettre au locataire le jugement, via un commissaire de justice,
  • attendre l'expiration des délais de recours,
  • faire signifier au locataire un commandement d'avoir à quitter les lieux, par commissaire de justice,
  • demander à un commissaire de justice de procéder à l'expulsion de l'occupant, si besoin en s'assurant le concours de la force publique. Une fois les locaux libérés de tout occupant, le commissaire de justice apposera des scellés et dressera un procès-verbal d'expulsion reprenant l'ensemble des démarches effectuées et le signifiera ensuite à la personne expulsée.

L'expulsion peut intervenir à tout moment de l'année, car il n'y a pas de trêve hivernale à respecter en matière commerciale, contrairement aux baux à usage d'habitation.