Cession de fonds de commerce et bail commercial

La cession d'un bail commercial est soumise à des conditions trÚs strictes. En effet, le bail peut prévoir des clauses limitant la liberté du locataire ou soumettant la cession à des formalités particuliÚres.

Qu'est-ce qu'une cession de droit au bail ?

La cession d'un droit au bail est le contrat par lequel le locataire transmet Ă  un tiers le bail avec les droits et les obligations qui s'y rattachent.

La cession du droit au bail peut avoir lieu en mĂȘme temps que la cession du fonds de commerce, mais ce n'est pas obligatoire. La plupart des baux commerciaux interdisent d'ailleurs la cession du seul droit au bail.

L'apport du fonds de commerce ou du droit au bail à une société est considéré comme une cession de bail et doit donc respecter les formes requises.

Le bail commercial peut-il interdire la cession du bail ?

Le bail commercial peut comporter :

  • une clause interdisant au locataire de cĂ©der son bail seul. Attention, lorsque le locataire part Ă  la retraite et est associĂ© unique d'une EURL ou gĂ©rant majoritaire depuis au moins 2 ans de la SARL, le bail ne peut pas lui interdire de cĂ©der uniquement son droit au bail ;
  • une clause imposant l'accord prĂ©alable du bailleur avant la cession. S'il s'oppose Ă  la cession, le locataire devra saisir le Tribunal judiciaire pour obtenir l'autorisation de cĂ©der son fonds. Mais il devra prouver le caractĂšre abusif du refus du bailleur ;
  • une clause prescrivant le respect de certaines formalitĂ©s : passer devant le notaire, convoquer le bailleur Ă  la signature de l'acte de cession... Si le locataire ne respecte pas ses formalitĂ©s, l'acte de cession ne produit aucun effet Ă  l'Ă©gard du bailleur ;
  • une clause prĂ©voyant que le vendeur du fonds de commerce et son acquĂ©reur seront solidaires vis-Ă -vis du bailleur pour le paiement des loyers et pour l'exĂ©cution des obligations dĂ©coulant du bail. La clause de solidaritĂ© est toutefois neutralisĂ©e lorsque la cession du bail survient dans le cadre d'une procĂ©dure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, y compris par voie de plan de cession de l'entreprise (CA Versailles 12-3-2015 n° 14/02599).

En revanche, une clause prévoyant que le loyer sera modifié lors de la cession du bail n'est pas valable, car elle est contraire aux rÚgles entourant la révision du loyer.

Cession de droit au bail accompagné du fonds de commerce

Le propriĂ©taire du local commercial ne peut pas interdire au locataire de cĂ©der son bail en mĂȘme temps que son fonds de commerce.

C'est pourquoi sont interdites les clauses :

  • interdisant au locataire de cĂ©der son bail commercial Ă  l'acheteur du fonds de commerce ;
  • interdisant la cession Ă  telle catĂ©gorie d'acheteur, par exemple une sociĂ©tĂ©.

En revanche, le bail peut venir restreindre le droit de céder le bail commercial à l'acquéreur du fonds, en imposant le respect de formalités particuliÚres.

Comment céder un bail commercial ?

Déclaration à la mairie en cas de préemption possible

Les communes peuvent délimiter un périmÚtre à l'intérieur duquel les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux ou de baux commerciaux sont soumises au droit de préemption.

Si le local se trouve dans le périmÚtre concerné, le locataire doit au préalable déposer en mairie une déclaration. A défaut, la vente serait frappée de nullité.

La commune dispose alors de 2 mois pour préempter ou non. En cas de désaccord sur le prix proposé, elle peut saisir le juge de l'expropriation.

AprĂšs la fixation du prix, l'acte de vente doit ĂȘtre conclu dans les 3 mois. Le paiement intervient simultanĂ©ment.

Signification de l'acte de cession au bailleur

La loi prĂ©voit ensuite que l'acte de cession doit ĂȘtre signifiĂ© au bailleur, par l'intermĂ©diaire d'un commissaire de justice.

Aucun délai n'est exigé pour exécuter cette formalité, sauf si le bail commercial prévoit le contraire.

En pratique, le bailleur intervient à l'acte pour donner son accord, ce qui évite d'avoir à lui signifier l'acte de cession.

À dĂ©faut de signification, le bailleur peut accepter la cession par acte authentique. C’est le cas lorsque l’acte de cession est Ă©tabli par acte authentique (notaire) ou lorsqu’une clause du bail prĂ©voit que le bailleur doit concourir Ă  l’acte.

Réalisation d'un état des lieux

Depuis l’entrĂ©e en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative Ă  l'artisanat, au commerce et aux trĂšs petites entreprises, dite loi PINEL, il est obligatoire de dresser un Ă©tat des lieux lors de la cession du droit au bail.

À dĂ©faut d’état des lieux, le bailleur ne pourra user de la prĂ©somption prĂ©vue par le Code civil selon laquelle le locataire « est prĂ©sumĂ© avoir reçu les lieux en bon Ă©tat de rĂ©parations locatives et doit les restituer comme tels ».

Quelles sont les conséquences d'une cession de bail commercial irréguliÚre ?

En cas de non-respect des conditions de cession, l'acte de cession est inopposable au bailleur. L'acquĂ©reur n'a aucun droit vis-Ă -vis de celui-ci et peut donc ĂȘtre expulsĂ©.

Mais ce ne sont pas les seules conséquences possibles :

  • le bailleur peut demander la rĂ©siliation du bail en justice ou en faisant jouer la clause rĂ©solutoire du contrat, s'il en contient une ;
  • le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans indemnitĂ© d'Ă©viction, pour motif grave et lĂ©gitime ou tout simplement parce que le locataire n'est plus propriĂ©taire de son fonds de commerce ;
  • l'acquĂ©reur peut poursuivre le locataire vendeur en justice pour obtenir des dommages et intĂ©rĂȘts et se retourner contre le professionnel qui a rĂ©digĂ© l'acte de cession.

PremiÚre conséquence : inopposabilité de la cession de bail commercial

L'inopposabilité de la cession est encourue non seulement en cas de non-respect des formalités légales mais aussi en cas d'inobservation des clauses contractuelles restreignant le droit de céder.

C'est notamment le cas lorsque :

  • le locataire n'a pas sollicitĂ© l'autorisation expresse et Ă©crite du bailleur pourtant imposĂ©e par une clause du bail,
  • le locataire n'a pas respectĂ© la clause imposant le recours Ă  la forme notariĂ©e et/ ou la prĂ©sence du bailleur,
  • le locataire n'a pas respectĂ© la clause qui lui imposait de faire Ă©tablir l'acte de cession par le notaire du bailleur.

L'inopposabilité a des conséquences à la fois sur le cessionnaire et sur le cédant.

Conséquences sur le cessionnaire

Le bailleur a la possibilité de considérer le cessionnaire comme un occupant sans droit ni titre, ce qui signifie :

  • qu'il n'a pas droit au maintien dans les lieux et que le bailleur peut demander son expulsion,
  • qu'il ne peut pas demander le renouvellement du bail,
  • que le bailleur peut rompre les pourparlers tendant Ă  la conclusion d'un nouveau bail.

Le cessionnaire contraint de quitter les lieux aprÚs résiliation du bail ou refus de renouvellement peut agir en responsabilité civile contre le cédant.

Conséquences sur le cédant

Tant qu'il n'a pas été mis fin au bail, le cédant demeure locataire. Ainsi :

  • il reste libre de cĂ©der Ă  nouveau le bail Ă  un tiers ou au cessionnaire initial,
  • il est tenu de payer les loyers, le bailleur pouvant sinon le poursuivre en paiement et obtenir la rĂ©siliation du bail,
  • il n'a pas droit au renouvellement du bail, faute d'exploiter personnellement un fonds de commerce dans les lieux.

Seconde conséquence : Extinction du bail commercial

Possibilité de résilier le bail

L'irrégularité de la cession permet au bailleur d'obtenir la résiliation du bail, soit par application d'une clause résolutoire, soit en saisissant le juge d'une demande de résiliation.

Pour entraĂźner la rĂ©siliation du bail, le manquement invoquĂ© doit revĂȘtir une gravitĂ© suffisante. Il peut par exemple s'agir :

  • d'une cession dissimulĂ©e depuis plusieurs annĂ©es,
  • de la violation d'une clause imposant l'accord du propriĂ©taire et la rĂ©daction d'un acte notariĂ©,
  • de la violation d'une clause prĂ©voyant que le bail ne pouvait ĂȘtre cĂ©dĂ© par le locataire qu'en totalitĂ© Ă  un successeur dans son commerce...

Possibilité de refuser le renouvellement

Une cession irréguliÚre constitue un motif grave et légitime permettant au bailleur de refuser le renouvellement sans indemnité d'éviction.

Quel devient le droit au renouvellement en cas de cession d'un droit au bail commercial ?

Lorsqu'il cÚde son droit au bail, le locataire transmet tous ses droits au cessionnaire qui se substitue à lui. Il s'opÚre donc un simple changement de locataire, l'acquéreur devenant titulaire du bail avec tous les droits et obligations qu'il comporte.

Il bénéficie ainsi du droit au renouvellement du bail, dÚs lors que le délai d'exploitation de 3 ans est respecté, et peut aussi demander le changement de destination du local.

L'acquéreur achÚte le bail commercial et le fonds de commerce

Lorsque la cession du bail commercial s'accompagne de la cession du fonds de commerce, l'acquéreur a la possibilité de compléter sa durée d'exploitation par celle du précédent locataire.

En effet, l'article L 145-8 du Code de commerce exige seulement qu'un mĂȘme fonds ait Ă©tĂ© exploitĂ© pendant les 3 derniĂšres annĂ©es pour bĂ©nĂ©ficier du droit au renouvellement ; peu importe en revanche que, durant cette pĂ©riode, le fonds ait changĂ© de propriĂ©taire.

Il en résulte que l'acquéreur du fonds a la possibilité de compléter sa durée d'exploitation par celle du vendeur pour avoir droit au renouvellement de son bail.

Par ailleurs, lorsque l'acquĂ©reur du fonds modifie l'activitĂ© exercĂ©e dans les lieux louĂ©s, il peut ajouter Ă  sa durĂ©e d'exploitation celle du prĂ©cĂ©dent locataire, dans les mĂȘmes conditions que ci-dessus.

Pour que l'acquĂ©reur puisse prĂ©tendre au renouvellement, la cession de bail doit ĂȘtre rĂ©guliĂšre. Les clauses du bail relatives Ă  la cession doivent avoir Ă©tĂ© respectĂ©es et la cession doit avoir Ă©tĂ© notifiĂ©e au bailleur.

L'acquéreur achÚte uniquement le bail commercial

Lorsque la cession du bail commercial ne s'accompagne pas de la cession du fonds de commerce, l'acquéreur ne peut pas compléter sa durée d'exploitation par celle du précédent locataire.

La solution est identique lorsque le bail initial comporte la facultĂ© d'exercer tous commerces ou que l’acquĂ©reur exerce la mĂȘme activitĂ© que le vendeur.

En effet, dans cette situation, l'acquéreur exploite un nouveau fonds de commerce. Si le bail expire moins de 3 ans aprÚs la date de la cession, il perd donc le droit au renouvellement du bail commercial et n'aura ainsi pas droit à l'indemnité d'éviction.

Pour Ă©viter cela, l'acquĂ©reur a intĂ©rĂȘt Ă  nĂ©gocier avec le bailleur la conclusion d'un nouveau bail commercial, de 9 ans au moins, lors de la cession du bail.