Peut-on créer son entreprise en étant salarié ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Il est possible de créer son entreprise en étant salarié. En revanche, la création d'une entreprise concurrente constitue un manquement à l'obligation de loyauté.

Sommaire :

A quelles conditions un salarié peut-il créer son entreprise ?

Il est parfaitement possible de créer son entreprise, tout en restant salarié, à condition que des clauses du contrat de travail ne s'y opposent pas.

La réglementation de certaines activités, notamment les activités réglementées (avocat, notaire, juge...), interdit le cumul d’activités pour des raisons de déontologie.

1. Respecter l'obligation de loyauté vis-à-vis de l'employeur

Quelle que soit l'activité que le salarié veut créer et quels que soient ses clients, il doit commencer par informer son employeur de sa volonté de créer son entreprise.

En effet, le salarié reste tenu pendant l'exécution de son contrat de travail, à l'obligation générale de loyauté vis-à-vis de son employeur. L'obligation de loyauté est tacite ; elle ne fait pas l'objet d'une mention dans le contrat de travail.

Le salarié doit donc s'abstenir de :

  • développer son projet sur ses heures de travail,
  • démarcher les clients de son employeur,
  • réaliser des tâches liées à son entreprise durant ses heures de travail,
  • téléphoner ou envoyer des emails via les outils de son employeur,
  • utiliser les fournitures de son employeur pour son entreprise,
  • utiliser l'image de marque de son employeur pour chercher des clients (sauf autorisation de celui-ci),
  • participer au dénigrement des produits et services proposés par son employeur,
  • se placer en situation de conflit d'intérêts.

Même si ces interdictions sont tacites, l’employeur peut considérer ces agissements comme une faute professionnelle. Ils peuvent ainsi justifier un licenciement pour faute.

Un salarié a le droit le droit d'exercer la même activité dans le cadre de son entreprise et en tant que salarié, mais s'il a l'intention de vendre ses prestations ou produits à des clients de son employeur, il doit obligatoirement obtenir son autorisation.

2. Vérifier si le contrat de travail comporte une clause d'exclusivité

Un salarié qui a signé une clause d'exclusivité dans le cadre d'un contrat de travail se voit interdire toute activité professionnelle extérieure, y compris d'éventuelles activités non concurrentes de celles de l'employeur.

Salarié à temps complet

Un salarié à temps plein peut se voir imposer une clause d'exclusivité, mais uniquement dans la mesure où cette clause remplit les 3 conditions suivantes :

  • elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise ;
  • elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir. Le but peut être d'éviter tout dépassement des durées maximales de travail en cas de cumul d'emplois, de préserver la sécurité du salarié en lui permettant de bénéficier de l'intégralité de son temps de repos (conducteur de bus, par exemple), ou de ne pas nuire à sa disponibilité horaire ;
  • elle est proportionnée au but recherché. Elle doit être limitée aux seules activités concurrentes de l'employeur. Une clause d'exclusivité ne spécifiant pas les contours de l'activité complémentaire requérant l'autorisation de l'employeur, activité bénévole ou lucrative, professionnelle ou de loisirs, n'est pas proportionnée (Cass. soc. 16-5-2018 n° 16-25.272 F-D).

Contrairement à une clause de non-concurrence, une clause d'exclusivité n'impose aucune contrepartie financière. Si l'ajout d'une telle clause peut intervenir à tout moment, il nécessite l'accord écrit du salarié, puisqu'il s'agit d'une modification de son contrat de travail.

Néanmoins, le Code du travail a tout de même prévu une dérogation pour les entrepreneurs salariés en leur octroyant un sursis de 1 an pendant lequel la clause d'exclusivité leur est inopposable (article L 1222-5 du Code du travail). En revanche, l'obligation de loyauté et de non-concurrence continue à s'appliquer.

Passé ce délai, le salarié doit faire un choix :

  • mettre fin à son contrat de travail pour continuer à développer son entreprise ;
  • mettre fin à son entreprise et rester salarié ;
  • obtenir l'autorisation de son employeur de continuer à cumuler son contrat de travail avec son entreprise.

En pratique, une clause d'exclusivité n'a vocation à s'appliquer qu'à certains cadres de direction ou quelques cas particuliers comme les commerciaux ou VRP, mais plus difficilement à d'autres catégories de salariés.

Le salarié doit obtenir l'accord de son employeur s'il souhaite exercer la même activité auprès des clients de celui-ci.

Salarié à temps partiel

Lorsque le salarié est à temps partiel, choisi ou imposé, il peut librement décider de créer son entreprise malgré la présence d'une clause d'exclusivité (Cass. soc., 11 juill. 2000, n° 98-43.240, JSL 3 oct. 2000, n° 65-2).

Les tribunaux ont également estimé qu'une clause soumettant la pluriactivité à l'autorisation de l'employeur était une déclinaison de la clause d'exclusivité. Elle est donc inopposable au salarié à temps partiel.

Au nom de la liberté du travail, un employeur ne peut en effet empêcher son salarié de travailler pendant son temps libre.

Mais là aussi, le salarié doit veiller au respect de l'obligation générale de loyauté vis-à-vis de son employeur.

Clause d'exclusivité et clause de non-concurrence

La clause d'exclusivité doit être soigneusement distinguée de la clause de non-concurrence avec laquelle elle est souvent confondue :

  • la clause d'exclusivité porte sur la période d'exécution du contrat de travail alors que la clause de non-concurrence s'applique après la rupture du contrat ;
  • la clause d'exclusivité interdit quelque activité professionnelle que ce soit au salarié alors que la clause de non-concurrence n'interdit que celles qui font concurrence à l'activité de l'employeur.

Quelles solutions lorsque le contrat de travail interdit la création d'une entreprise ?

1. Demander un congé ou un temps partiel pour création d'entreprise

Départ en congé

Un salarié qui dispose de 24 mois d'ancienneté, consécutifs ou non, dans l'entreprise ou dans les autres entreprises du groupe peut bénéficier d'un congé pour création ou reprise d'entreprise.

Il est, néanmoins, nécessaire de vérifier les accords collectifs et les conventions de l’entreprise ou du groupe qui peuvent imposer des règles d'ancienneté différentes.

Pour solliciter un congé pour création d'entreprise, à défaut d'accord ou de convention, le salarié doit informer l'employeur 2 mois à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Le salarié choisit la durée du congé qu'il souhaite en respectant la durée maximale du congé fixée par convention ou accord collectif d'entreprise. En l'absence de convention ou d'accord, la durée maximale ne peut pas dépasser 1 an et est renouvelable 1 année supplémentaire.

Pendant, le congé pour création d'entreprise, le salarié ne reçoit ni rémunération de la part de son employeur (sauf dispositions conventionnelles ou usage contraire), ni allocation chômage car il n’est pas demandeur d'emploi.

De son côté, la protection sociale (maladie) continue pendant la durée du congé création mais pas la validation de trimestres pour la retraite.

Passage à temps partiel

Un salarié qui dispose de 24 mois d'ancienneté, consécutifs ou non, dans l'entreprise ou dans les autres entreprises du groupe peut bénéficier d'un temps partiel pour création ou reprise d'entreprise.

Il est, néanmoins, nécessaire de vérifier les accords collectifs et les conventions de l’entreprise ou du groupe qui peuvent imposer des règles d'ancienneté différentes.

Pour solliciter un temps partiel pour création d'entreprise, à défaut d'accord ou de convention, le salarié doit informer l'employeur 2 mois à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Sans convention collective, la durée du temps partiel est déterminée par le salarié lui-même mais ne doit, cependant, pas excéder 1 an. Sinon cette durée est fixée par les accords et conventions.

Le salarié à temps partiel pour création d'entreprise est rémunéré en proportion de son temps de travail (sauf dispositions conventionnelles ou usage contraire).

2. Demander un congé sabbatique

Un salarié qui dispose de 36 mois d'ancienneté, consécutifs ou non, dans l'entreprise et ayant effectué 6 années d'activité professionnelle peut bénéficier d'un congé sabbatique.

Il est, néanmoins, nécessaire de vérifier les accords collectifs et les conventions de l’entreprise qui peuvent imposer des règles d'ancienneté différentes.

Le salarié ne doit pas avoir bénéficié dans l'entreprise, à la date de départ en congé, au cours des 6 années précédentes :

  • soit d'un projet de transition professionnelle (PTP) d'une durée d'au moins 6 mois,
  • soit d'un congé pour création ou reprise d'entreprise,
  • soit d'un précédent congé sabbatique.

La durée du congé sabbatique varie de 6 mois minimum à 11 mois maximum. Toutefois, une convention ou un accord collectif d'entreprise peut prévoir des durées différentes.

Pendant la durée du congé sabbatique, le contrat de travail est suspendu. Le salarié n'est donc pas rémunéré (sauf dispositions conventionnelles ou usage contraire).

De son côté, la protection sociale (maladie) continue pendant la durée du congé création mais pas la validation de trimestres pour la retraite.

3. Quitter son entreprise

Il est possible de mettre fin à son contrat de travail tout en percevant les allocations chômage.

Démissionner

Depuis le 1er novembre 2019, la démission pour création d'une entreprise permet de bénéficier du versement des allocations chômage.

3 conditions à remplir :

  • être salarié en CDI, à temps complet ou à temps partiel ;
  • justifier d'au moins 5 d'activité salariée continue chez un ou plusieurs employeurs ;
  • avoir un projet de reconversion professionnelle bien préparé et reconnu comme étant réel et sérieux.

Pour cela, le salarié doit, avant de démissionner, demander un conseil en évolution professionnelle (CEP) auprès d’un des organismes agréés pour réaliser un CEP. Dans le cas contraire, le projet du salarié ne sera pas recevable et il ne pourra pas bénéficier de l’allocation chômage.

Attention, il est possible que le contrat de travail comporte une clause de non-concurrence. Dans ce cas, le salarié doit absolument faire lever cette clause avant son départ de l'entreprise s'il compte exercer une activité dans le même domaine que son ancien employeur.

Conclure une rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle permet de mettre fin à un CDI à l'amiable. Elle obéit à une procédure spécifique et se caractérise par le versement d'une indemnité de rupture conventionnelle et par l'ouverture de droits au chômage.

Le salarié peut créer son entreprise avant la rupture conventionnelle. Mais il est possible que l'employeur oblige le salarié à respecter un certain délai avant de lancer une activité concurrente.

4. Devenir associé ou actionnaire d'une société

Pour contourner les clauses de son contrat de travail qui peuvent lui interdire la création d'une entreprise, le salarié peut devenir associé ou actionnaire d'une société (SARL, SA, SAS...).

Le fait de prendre des participations dans une entreprise concurrente ou d'acquérir un fonds de commerce concurrent n'est pas fautif dès lors que le salarié ne participe pas à sa gestion et ne lui apporte aucun concours actif.

Que risque le salarié qui créé une entreprise concurrente ?

Créer une entreprise concurrente tout en étant salarié

Pendant l'exécution de son contrat, le salarié qui participe ou apporte son assistance technique à la création d'une entreprise concurrente commet une faute grave :

  • même s'il ne comptait la démarrer qu'après la rupture de son contrat,
  • et, quand bien même il n'en résulterait aucun préjudice pour son employeur.

Création d'une entreprise concurrente par le conjoint du salarié

Un licenciement ne peut être justifié par le seul fait que le conjoint du salarié travaille pour ou ait créé une entreprise concurrente.

Ce n'est que si le salarié s'investit dans l'entreprise de son conjoint qu'il pourra être licencié pour faute grave.

Créer une entreprise concurrente pendant un préavis

Durant son préavis, le salarié a la possibilité de préparer la création d'une entreprise concurrente, voire de l'immatriculer.

En revanche, l'exploitation de l'entreprise concurrente ne doit débuter qu'après la rupture du contrat de travail. A défaut, il encourt la rupture de son préavis pour faute grave et la condamnation à verser des dommages-intérêts à son employeur pour manquement à l’obligation de loyauté.

Créer une entreprise concurrente après la fin du contrat de travail

Sauf s'il se trouve soumis à une clause de non-concurrence (et que celle-ci est valide), un salarié peut créer une activité concurrente de celle de son ex-employeur après la rupture de son contrat.

Que risque un ancien salarié en cas de concurrence déloyale ?

Même en l'absence d'une clause de non-concurrence, un ancien salarié doit s'abstenir de commettre des actes de concurrence déloyale.

Exemples :

  • détenir des informations confidentielles relatives à l'activité de l'ex-employeur (même obtenues lorsqu'il y était encore salarié),
  • embaucher à des salaires plus élevés des salariés de l'ancien employeur,
  • réaliser des devis ou des factures présentant de fortes similitudes avec celles de l'ancien employeur et pouvant induire les clients en erreur,
  • s'installer à proximité de l'ancien employeur,
  • répandre des informations malveillantes sur l'ancien employeur, ses pratiques et / ou sur ses produits, directement ou par des intermédiaires,
  • utiliser l’enseigne ou le nom commercial de l'ancien employeur afin de créer une confusion dans l’esprit de la clientèle,
  • désorganiser sciemment son ancien employeur (débauchage massif des salariés, démarchage de sa clientèle)...

Un salarié salarié qui se rend coupable de concurrence déloyale encourt plusieurs sanctions :

  • une injonction d’avoir à cesser le trouble, au besoin sous astreinte ;
  • l’octroi d’une somme versée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
  • la saisine et la destruction du matériel ou des produits appartenant à l'ancien salarié dès lors que ceux-ci sont directement en lien avec le trouble causé.