Comment licencier un salarié pour motif économique ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Un licenciement pour motif économique doit résulter soit de la suppression ou de la transformation de l'emploi du salarié, soit de la modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail

Sommaire :

Dans quelles hypothèses peut-on engager un licenciement économique ?

Un employeur peut décider de procéder à un licenciement économique :

  • s'il n'est pas lié à la personne du salarié,
  • s'il est motivé par des difficultés économiques, par des mutations technologiques, par une réorganisation de l’entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité ou par une cessation totale d’activité ;
  • et qu’il a pour effet de supprimer ou de transformer l’emploi du salarié ou de modifier un élément essentiel du contrat de travail.

Absence de CSE et licenciement économique

Une entreprise qui ne dispose pas de Comité social et économique (CSE) alors qu'elle comporte au moins 11 salariés ne peut pas procéder à un licenciement économique collectif.

En effet, l’employeur est censé informer, consulter voire négocier avec le CSE. L’absence de CSE rendrait une telle procédure irrégulière.

En cas d’organisation d’élections professionnelles et de carence de candidats constatée par un procès-verbal, l’entreprise ne s’expose cependant à aucune sanction (Cour de cassation, chambre sociale du 9 juin 2021, n° 20-11796).

Difficultés économiques

Les difficultés économiques se caractérisent par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse de commande, une baisse du chiffre d’affaires, une perte d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie. Mais elles peuvent aussi être justifiées par tout autre élément.

Quand y a-t-il baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires ?

La baisse significative des commandes et du chiffre d’affaires doit atteindre une durée au moins égale à :

  • 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
  • 2 trimestres consécutifs pour une entreprise de 11 salariés à moins de 50 salariés ;
  • 3 trimestres consécutifs pour une entreprise de 50 salariés à moins de 300 salariés ;
  • 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

La durée d'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires s'apprécie en comparant leur niveau au cours de la période contemporaine de la notification du licenciement par rapport à celui de l'année précédente à la même période (Cour de cassation, chambre sociale, 1 juin 2022, n° 20-19.957).

En pratique, une baisse significative d'activité, une limitation des débouchés, une annulation des commandes importantes, des grandes pertes financières, la perte d’un unique client ou une mise en redressement ou en liquidation judiciaire peuvent caractériser des difficultés économiques.

Mais attention, ces difficultés doivent être suffisamment graves, importantes et durables pour pouvoir justifier la décision prise.

Ce qui n’est pas le cas :

  • de la perte d’un marché,
  • du souci de réaliser des économies,
  • de la volonté d’augmenter les profits ou la rentabilité de l’entreprise,
  • ou, du simple ralentissement des ventes.

De même, ces difficultés ne doivent pas résulter d’un manquement grave de l’employeur, telle une faute de gestion.

A noter : la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient.

Mutations technologiques

L’introduction d'une nouvelle technologie ou encore la mise en place de nouvelles technologies informatiques constitue un motif économique.

Le cas le plus courant est celui de l’automatisation des tâches par l’acquisition de nouvelles machines ou d’un logiciel, soustrayant de fait les attributions d’un salarié et entrainant ainsi la suppression de son poste.

Réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité

La réorganisation ne constitue un motif économique que lorsque celle-ci est nécessitée par la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel celle-ci appartient.

Les difficultés économiques n'ont pas à être avérées mais la société doit être menacée et sa compétitivité ne doit être ni en hausse, ni stable, mais avoir tendance à décliner.

Concrètement, une telle réorganisation peut être justifiée par des évolutions technologiques ou par l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché. Une réorganisation visant à effectuer des profits supplémentaires, à accroître les marges ou à réduire les charges sociales ne constitue pas un motif économique.

Cessation d’activité totale de l’entreprise

La cessation totale d’activité de l’entreprise constitue une cause économique de licenciement lorsque cette cessation n’est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l’employeur (exemple : paiement tarif des loyers du bail commercial ayant conduit à sa résiliation).

La cessation de l'activité peut résulter de circonstances diverses : décès ou départ à la retraite de l'employeur, destruction des locaux à la suite d'un incendie, dissolution de la société décidée par les associés, décision de la direction du groupe de mettre fin à une activité non rentable, etc.

En principe, elle justifie les licenciements de l'ensemble des salariés de l'entreprise, indépendamment de sa situation économique et de son secteur d’activité. L'employeur qui cesse son activité n'a donc pas à démontrer que la fermeture de l'entreprise est justifiée par des difficultés économiques ou qu'elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du groupe auquel appartient l'entreprise.

Le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de la décision d'un tiers importe peu.

Une fermeture temporaire de l'entreprise, même de longue durée, ne constitue pas une cessation d'activité.

Quelles étapes l'employeur doit-il respecter ?

1ère étape : déterminer les salariés concernés par les licenciements économiques

Lorsque l'employeur est tenu choisir, entre plusieurs salariés, ceux qui seront licenciés, il doit préalablement définir les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements.

Les critères à retenir pour fixer l'ordre des licenciements peuvent être fixés par la convention collective de branche ou un accord collectif applicable dans l'entreprise ou l'établissement concerné. Dans ce cas, l'employeur doit appliquer ces critères.

À défaut de convention ou d'accord collectif fixant les critères d'ordre des licenciements, il appartient à l'employeur de fixer ces critères après consultation du comité social et économique et, à condition de s'appuyer sur des éléments objectifs et vérifiables, non discriminatoires, et de ne pas neutraliser un critère en lui affectant une valeur identique pour tous les salariés.

L'employeur doit alors nécessairement prendre en compte tous les critères énumérés par le Code du travail, dans l'ordre qu'il souhaite :

  • les charges de famille et en particulier celles de parents isolés ;
  • l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
  • la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile : personnes handicapées, salariés âgés, etc. ;
  • les qualités professionnelles appréciées par catégories (les salariés qui exercent des fonctions de même nature supposant une formation commune appartiennent à la même catégorie professionnelle). Attention, il n'est pas possible de tenir compte uniquement du niveau de diplôme (Cass. soc. 18-1-2023 n° 21-19.675).

Le non-respect par l'employeur des critères d'ordre des licenciements peut causer un préjudice aux salariés. Cependant, si les salariés n’apportent aucun élément devant le juge pour justifier le préjudice allégué du fait de l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements, aucune indemnité n'est due.

A noter : il est tout à fait possible de licencier pour motif économique un salarié inapte à reprendre son précédent emploi en cas de cessation définitive d’activité et d’impossibilité de reclassement (Cour de cassation, chambre sociale, du 15 septembre 2021, n° 19-25.613).

2ème étape : obtenir l'autorisation de l'inspecteur du travail (salariés protégés)

Lorsqu'un salarié bénéficie d'une protection particulière (membre de la délégation du personnel au comité social et économique, délégué syndical…), l'employeur doit obtenir une autorisation de l'inspecteur du travail pour pouvoir le licencier.

Le rôle de l'inspecteur du travail est de s'assurer que la procédure a bien été respectée et que le projet de licenciement ne repose pas sur un motif discriminatoire.

En revanche, il n'est pas tenu si la cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur. Sa décision d'autorisation n'empêche donc pas le salarié de demander réparation d'un préjudice que lui aurait causé une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi.

3ème étape : déterminer la procédure de licenciement à respecter

La procédure à suivre diffère selon qu'est envisagé :

  • un licenciement économique individuel,
  • un licenciement économique collectif de 2 à 9 salariés sur 30 jours,
  • un licenciement économique collectif d'au moins 10 salariés.

Il faut tenir compte du nombre de licenciements envisagés, au début de la procédure, et non du nombre de licenciements qui interviendront effectivement pour déterminer la procédure applicable.

L’employeur n’a l’obligation de réunir et consulter le comité social et économique que lorsqu’il envisage de procéder à un licenciement pour motif économique d’au moins 2 salariés dans une même période de 30 jours.

Licenciement économique individuel

Le licenciement d'un seul salarié pour des raisons économiques doit respecter une procédure spécifique :

  • convocation à un entretien préalable,
  • envoi d'une lettre de licenciement,
  • notification à l'administration.

L'employeur n'est pas tenu de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi ni de consulter le comité social et économique ou les représentants du personnel sur le projet de licenciement, sauf si le licenciement est dû à une réorganisation de l'entreprise ou concerne un représentant du personnel.

Licenciement économique collectif de 2 à 9 salariés sur 30 jours

L'employeur qui doit procéder au licenciement économique collectif de 2 à 9 salariés sur 30 jours doit respecter une procédure en plusieurs phases :

  • consultation des représentants du personnel ou du comité social et économique,
  • convocation à un entretien préalable,
  • envoi d'une lettre de licenciement,
  • notification à l'administration.

La réalisation d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est facultative, quel que soit l'effectif de l'entreprise.

Licenciement économique collectif d'au moins 10 salariés

L'employeur qui doit procéder au licenciement économique collectif de 2 à 9 salariés sur 30 jours doit respecter une procédure en plusieurs phases :

  • consultation des représentants du personnel ou du comité social et économique,
  • convocation à un entretien préalable,
  • envoi d'une lettre de licenciement,
  • notification à l'administration.

La réalisation d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ou plan social est obligatoire dans les entreprises d'au moins 50 salariés lorsqu'elles envisagent le projet d'un licenciement concernant au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours.

4ème étape : rechercher un poste de reclassement

L'employeur qui envisage de prononcer un licenciement pour motif économique doit préalablement rechercher et proposer au salarié tous les emplois disponibles compatibles avec sa qualification. À défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le périmètre à prendre en considération se compose de l’ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu’elles appartiennent ou non à un même secteur d’activité (Soc. 8 nov. 2023, F-B, n° 22-18.784).

L'employeur n'est pas tenu de trouver à tout prix un poste de reclassement mais doit tenter de reclasser le salarié en effectuant des recherches sérieuses et actives de reclassement :

  • sur un poste relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent,
  • ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur a l'obligation de proposer aux salariés concernés tous les postes disponibles susceptibles de répondre à ces conditions, quand bien même cela le conduirait à proposer le même poste à plusieurs salariés (Cour de Cassation Soc 11/5/2022 n° 21-15250).

La procédure de modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour motif économique ne s’applique pas lorsque la proposition d’emploi est faite en exécution de l’obligation de reclassement de l’employeur en vue d’éviter le licenciement économique (Cour de cassation, chambre sociale, 6 septembre 2023, n° 21-21.259 ).

5ème étape : mettre en oeuvre des mesures d'accompagnement

L'employeur est tenu de proposer aux salariés dont le licenciement économique est envisagé soit un contrat de sécurisation professionnelle, soit un congé de reclassement.

Le contrat de sécurisation professionnelle

Le contrat de sécurisation professionnelle concerne :

  • les entreprises de moins de 1 000 salariés, quelle que soit la nature de la procédure collective ouverte à leur encontre (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire),
  • les entreprises de plus de 1 000 salariés, qui font l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Le salarié doit remplir les conditions ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de retour à l'emploi (ARE).

Le contrat de sécurisation professionnelle permet aux salariés de bénéficier d'un ensemble de mesures favorisant un retour accéléré à l'emploi durable. Il prend fin lors de la reprise ou de la création d'une entreprise.

Le congé de reclassement

Le congé de reclassement concerne uniquement les entreprises d'au moins 1 000 salariés, qui ne font ni l'objet d'une procédure de redressement, ni d'une procédure de liquidation judiciaire.

Ce congé, d'une durée variable, a pour objet de permettre au salarié de bénéficier d'actions de formation et de l'aide d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi.

6ème étape : convoquer les salariés à un entretien préalable individuel

Lorsqu'est prévu le licenciement de moins de 10 salariés sur une périodes de 30 jours, l'employeur est tenu de convoquer à un entretien préalable chaque salarié concerné.

En revanche, lorsque 10 licenciements ou plus sont prévus sur 30 jours, des entretiens ne seront organisés qu'en l'absence de comité social et économique ou de délégués du personnel dans l'entreprise.

7ème étape : notifier les licenciements économiques

L'employeur doit envoyer une lettre de licenciement aux salariés, par lettre recommandée avec avis de réception (LRAR), après un délai minimum de 7 jours ouvrables suivant l'entretien.

La lettre doit préciser les informations suivantes :

  • le motif économique du licenciement,
  • la possibilité de bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), si l'entreprise possède moins de 1 000 salariés et que le salarié n'a pas encore donné sa réponse,
  • la possibilité de bénéficier d'un congé de reclassement, si l'entreprise possède au moins 1 000 salariés,
  • si nécessaire, l'impossibilité de reclassement,
  • la possibilité de bénéficier d'une priorité de réembauche pendant 1 an à dater de la rupture du contrat et les conditions de sa mise en œuvre
  • le délai de prescription pour contester la régularité ou la validité du licenciement : 12 mois à partir de sa notification.

Le délai d'envoi de la lettre de licenciement dépend de l'effectif de l'entreprise et du nombre de salariés licenciés.

8ème étape : informer l'administration du licenciement économique

L'employeur doit informer la DREETS du licenciement économique dans les 8 jours de l'envoi de lettre de licenciement au salarié.

Dans le cas d'un licenciement économique individuel, la décision de la DREETS peut faire l'objet d'un recours de l'employeur devant le Tribunal administratif dans les 2 mois suivant sa notification.

Quelles sont les indemnités auxquelles peut prétendre un salarié licencié pour motif économique ?

À la date de son contrat de travail, le salarié perçoit, s'il y a droit, les sommes suivantes :

Le salarié licencié pour motif économique bénéficie-t-il d’une priorité de réembauche ?

Un salarié licencié pour motif économique peut bénéficier, s’il le souhaite, d’une priorité de réembauche pendant un délai de 1 à partir de la date de la rupture de son contrat de travail.

A noter : cette durée peut être plus longue si le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ou des dispositions conventionnelles le prévoient.

Quand le salarié demande à en bénéficier, l’employeur doit l’informer de tout poste devenu disponible dans l’entreprise compatible avec sa qualification (CDD ou CDI), même ceux dont le niveau de qualification est inférieur à celui du poste qu’il occupait avant son licenciement (Cour de cassation, chambre sociale, du 24 novembre 2021, n°20-12616).