Peut-on annuler une cession de parts sociales ?

Lorsqu'une cession de parts sociales ne respecte pas les conditions de validité, elle encourt la nullité.

Motifs d'annulation d'une cession de parts sociales

Une cession de parts peut ĂȘtre annulĂ©e, lorsque, Ă  la date de la cession :

  • l'acquĂ©reur ignorait que la sociĂ©tĂ© n'Ă©tait plus en mesure de poursuivre son activitĂ© Ă©conomique principale (Cass. com. 18-2-1997 n° 95-12.617) ;
  • l'acquĂ©reur avait dĂ©cidĂ© d'acheter une sociĂ©tĂ© certes en difficultĂ© mais pas dans une situation irrĂ©mĂ©diablement compromise (Cass. com. 28-2-2006 n° 01-14.951) ;
  • le vendeur a prĂ©sentĂ© Ă  l'acquĂ©reur une comptabilitĂ© inexacte (Cass. com. 26-5-2009 n° 08-15.980) ou incomplĂšte (Cass. com. 17-6-2003 n° 99-12.492) afin de masquer la situation rĂ©elle de la sociĂ©tĂ©. Encore faut-il que l’acquĂ©reur prouve l’intention du vendeur de le tromper.

En revanche, une cession de parts sociales ne peut pas ĂȘtre annulĂ©e lorsque l'acquĂ©reur connaissait parfaitement la situation et a nĂ©anmoins conclu la cession (Cass. com. 13-3-2019 n° 17-19.501 F-D), ce qui peut ĂȘtre dĂ©montrĂ© par les Ă©lĂ©ments suivants :

  • l'acte de cession prĂ©cisait que la sociĂ©tĂ© Ă©tait menacĂ©e de maniĂšre certaine par la cessation des paiements, les banques lui ayant supprimĂ© toute facilitĂ© de caisse et son affactureur ayant rompu toute relation avec elle ;
  • l'acquĂ©reur disposait de tous les documents utiles relatifs Ă  la situation financiĂšre et comptable de la sociĂ©tĂ© et avait pu rĂ©aliser un audit complet de cette derniĂšre avec le concours d'un expert-comptable ;
  • l'acquĂ©reur avait une information complĂšte sur la situation dĂ©sastreuse de la sociĂ©tĂ© Ă  la date de la cession ; il savait notamment que, Ă  la suite de la rupture des concours bancaires, la trĂ©sorerie de la sociĂ©tĂ© ne lui permettrait pas, Ă  trĂšs bref dĂ©lai, de financer la poursuite de son activitĂ©, un redressement n'Ă©tant envisageable que par un apport de fonds.

Mise en oeuvre de l'action en nullité

Qui peut demander l'annulation de la cession de parts sociales ?

En cas de vice du consentement, la nullitĂ© est relative, c'est-Ă -dire que l'action en nullitĂ© ne peut ĂȘtre engagĂ©e que par celui qui se trouve victime du vice du consentement.

En cas d'absence d'objet - principalement en cas de cession de parts sociales intervenue Ă  vil prix - c'est une nullitĂ© absolue qui est encourue. L'action en nullitĂ© pourra dĂšs lors ĂȘtre engagĂ©e par tout intĂ©ressĂ©.

En cas d'omission des formalités de publicité, la cession de parts sociales n'encourt pas la nullité mais demeure inopposable.

Quel tribunal saisir ?

La demande d'annulation d'une cession de parts de SARL relÚve de la compétence du tribunal de commerce, comme tous les les litiges nés à l'occasion d'une cession de titres de société commerciale.

Il en va de mĂȘme lorsque le cĂ©dant et l'acquĂ©reur sont des personnes non commerçantes (en l'espĂšce, une personne physique et une sociĂ©tĂ© civile) et que la cession soit un acte de nature civile (CA Paris 25-9-2018 n° 18/04571).

Quand est prescrite l'action en annulation d'une cession de parts sociales ?

L'action en nullité basée sur un vice du consentement est soumise à un délai de prescription de 5 ans, qui démarre au jour de la cession des parts sociales. Ce délai concerne non seulement la cession conventionnelle des parts sociales mais aussi le rachat des parts de l'associé qui se retire de la société.

En revanche, lorsqu'elle est fondée sur une irrégularité affectant la décision sociale ayant accordé au cessionnaire l'agrément exigé par la loi ou les statuts, l'action en nullité est soumise à un délai de prescription de 3 ans (Cass. Civ. III, 6 octobre 2004, n° 01-00896).

Si la nullitĂ© est invoquĂ©e par voie d'exception, elle ne peut ĂȘtre opposĂ©e comme moyen de dĂ©fense que s'il n'y a pas de commencement d'exĂ©cution de l'acte. Notamment, s'il s'avĂšre que l'acquĂ©reur a d'ores et dĂ©jĂ  partiellement payĂ© le prix de cession, il ne peut plus invoquer la nullitĂ© de la cession par voie d'exception.

Restitution faisant suite à la nullité de la cession des parts sociales

Annulation de la cession de parts sociales : la restitution des parts en nature

L'annulation de la cession des parts sociales entraßne normalement l'obligation pour l'acquéreur de restituer les parts sociales et pour le vendeur le prix.

Quelques particularités sont à relever :

  • si la valeur des parts sociales a augmentĂ© depuis l'annulation de la cession, c'est le vendeur qui va profiter de l'intĂ©gralitĂ© de la plus-value. L'acquĂ©reur peut simplement demander le remboursement des dĂ©penses nĂ©cessaires ou utiles qu'il a exposĂ©es pour la conservation des parts sociales. Inversement, si les parts sociales ont perdu de leur valeur, l'acquĂ©reur n'est pas tenu de rembourser le vendeur, sauf si ce dernier apporte la preuve d'une faute de l'acquĂ©reur lui ayant causĂ© un prĂ©judice,
  • si l'acquĂ©reur est de bonne foi, il peut conserver les dividendes qu'il a perçus avant l'annulation. Il est considĂ©rĂ© comme de mauvaise foi Ă  partir du moment oĂč il a eu connaissance de l'irrĂ©gularitĂ© de la cession,
  • si, avant l'annulation de la cession, la SARL s'est transformĂ©e en SA, la restitution va s'opĂ©rer en actions, en nombre Ă©gal Ă  celui des parts sociales vendues.

Annulation de la cession de parts sociales : la restitution des parts en valeur

Dans certains cas, la restitution en nature s'avÚre impossible. C'est le cas lorsque, aprÚs la cession mais avant que la nullité ne soit définitivement prononcée par le juge, la société dont les parts ont été cédées a disparu (liquidation judiciaire, absorption, annulation des parts dans le cadre d'une réduction de capital).

La restitution s'opÚre alors en valeur. Pour calculer son montant, le juge se fonde sur la valeur des parts sociales au jour de la restitution. Si entre-temps les parts ont pris de la valeur, l'acquéreur conserve la plus-value, et non au jour de l'acte annulé. Si l'acquéreur reçoit les parts de bonne foi et les revend à un tiers, il ne devra restituer que le prix qu'il a perçu.

L'acquéreur peut également conserver les dividendes perçus entre la date de la cession et celle du jugement d'annulation, sauf si à la date de leur distribution, il avait connaissance du vice affectant l'acte de cession (Cass. com. 2-2-2016 n° 14-19.278).

Si les parts sociales ont Ă©tĂ© revendues alors que la cession initiale a Ă©tĂ© annulĂ©e, les 2 ventes successives seront annulĂ©es, mĂȘme si le sous-acquĂ©reur est de bonne foi. Mais il pourra conserver les dividendes que la sociĂ©tĂ© lui a versĂ©s.

Remboursement de l'impĂŽt sur la plus-value

L'annulation d'une cession de parts est légalement sans incidence sur le principe de l'imposition de la plus-value réalisée, et ne permet donc pas au vendeur de prétendre à un quelconque remboursement.

En effet, c'est le transfert de propriĂ©tĂ© des titres qui provoque l'imposition, et non pas le paiement intĂ©gral du prix de vente convenu entre les parties (arrĂȘt du Conseil d'Etat du 9 septembre 2020, n°433821).

Toutefois, l'administration admet clairement dans ses commentaires qu'il est possible, sur réclamation, d'obtenir une restitution partielle ou totale de l'impÎt payé sur la plus-value réalisée en cas d'annulation ultérieure de la cession des parts.