Comment effectuer un apport en nature dans une SARL ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Un apport en nature est constitué par un apport d'un bien autre qu'une somme d'argent au capital d'une SARL : titres, immeubles, matériaux de construction...

Sommaire :

Biens pouvant être apportés à une SARL

Tous les biens meubles et immeubles sont susceptibles d'être apportés à une SARL, dès lors qu'il est possible de les évaluer.

L'apport peut s'effectuer soit en pleine propriété, soit en nue-propriété, soit en usufruit, soit en jouissance seulement.

Apport en nature d'un bien en usufruit ou en nue-propriété à une SARL

Un apport peut parfaitement être réalisé en usufruit ou en nue-propriété. Mais il présente alors quelques particularités :

  • l'apport d'un bien en usufruit donne uniquement le droit à la SARL d'en percevoir les revenus. Par exemple, elle pourra l'utiliser pour son propre usage ou le donner en location et en percevoir les loyers mais elle ne pourra pas le vendre. Il en va autrement s'il s'agit de titres faisant partie d'un portefeuille de valeurs mobilières, à condition d'employer le prix de cession à l'achat d'autres titres,
  • l'apport d'un bien en nue-propriété ne donne pas le droit à la SARL d'utiliser le bien ou d'en percevoir les revenus. Elle ne deviendra pleinement propriétaire du bien qu'au moment de l'extinction de l'usufruit.

Enfin, il faut savoir que l'apport d'un bien en usufruit est nécessairement temporaire. Si l'apporteur est propriétaire du bien apporté en usufruit, la loi fixe la durée maximale de l'usufruit à 30 ans.

S'il est lui-même l'usufruitier du bien, il ne peut transmettre ce bien à la SARL que durant la durée dont il dispose lui-même. En outre, si l'usufruit est en viager, il s'éteint avec le décès de l'apporteur usufruitier.

L'apporteur conserve néanmoins la qualité d'associé lorsque l'usufruit s'éteint avant que la SARL n'atteigne son terme.

Apport en nature d'un bien indivis

Soit un indivisaire apporte sa quote-part indivise. Même si ce n'est pas exigé, il est conseillé d'obtenir le consentement des autres indivisaires pour éviter les contentieux lors du partage de l'indivision.

Soit les parts attribuées en contrepartie de l'apport sont partagées à proportion des droits respectifs des indivisaires. Chaque indivisaire devient personnellement associé. Dans ce cas, l'indivision cesse et un partage de fait intervient. Un droit de partage devra être versé au Trésor public.

Soit les parts restent indivises. La qualité d'associé est alors reconnue à chaque indivisaire mais ils devront désigner un représentant pour exercer les droits attachés aux parts.

Apport en nature d'un bien supportant des charges financières

Il est possible d'apporter un bien supportant un passif, par exemple un immeuble dont l'emprunt n'est pas totalement remboursé avec transfert de la charge de l'emprunt à la SARL.

L'apport correspond en réalité à la valeur nette de l'immeuble (actif-passif). Si le passif est supérieur à la valeur brute du bien, l'apport est considéré comme fictif et encourt la nullité.

Évaluation des apports en nature

Pour éviter une évaluation erronée des apports en nature effectués à une SARL, la loi rend possible l'intervention d'un commissaire aux apports, chargé d'établir un rapport sur l'évaluation des apports en nature.

Recours au commissaire aux apports

Lorsqu'ils comptent effectuer des apports en nature, les futurs associés doivent, avant la signature des statuts de la SARL, procéder à la désignation d'un commissaire aux apports, à l'unanimité. Si les associés de la SARL ne parviennent pas à se mettre d'accord, le commissaire est désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce.

Le commissaire aux apports doit être choisi parmi les commissaires aux comptes inscrits sur une liste prévue par le Code de commerce ou parmi les experts inscrits sur l'une des listes établies par les cours et tribunaux.

Le commissaire aux apports a pour mission de dresser un rapport sur la valeur des biens apportés. Celui-ci sera annexé aux statuts.

Mais, les associés de la SARL demeurent libres de donner aux apports en nature une valeur différente de celle fixée par le commissaire aux apports.

Dispense de recours au commissaire aux apports

Les futurs associés de la SARL peuvent décider à l'unanimité de se passer du commissaire aux apports :

  • lorsque la valeur d'aucun apport en nature n'excède 30 000 €,
  • et si la valeur totale de l'ensemble des apports en nature non soumis à l'évaluation d'un commissaire aux apports ne dépasse pas la moitié du capital de la SARL. Ainsi, pour un apport en nature d'une valeur de 30 000 €, il faudra un capital minimal de 60 000 € pour que les associés puissent, à l'unanimité, ne pas recourir à un commissaire aux apports.

Toutefois :

  • s'ils attribuent aux apports en nature une valeur supérieure, ils risquent d'engager leur responsabilité civile et pénale. Par ailleurs, les droits de vote et les droits aux dividendes étant proportionnels aux apports, une surévaluation aurait pour effet de désavantager les autres associés de la SARL,
  • s'ils leur attribuent une valeur inférieure, l'administration fiscale est susceptible d'en profiter pour demander un rehaussement et percevoir des droits d'enregistrement plus élevés. De plus, l'auteur de l'apport recevrait alors un nombre de parts moins important que celui auquel il aurait eu droit normalement.

Pour des règles de preuve, l'accord unanime des associés de ne pas recourir à un commissaire aux apports doit être rapporté dans les statuts signés par tous les fondateurs.

Formalités à réaliser

Apport en nature d'un immeuble

Vérifications préalables

Avant d'apporter en nature un immeuble à une SARL, il faut auparavant vérifier si celui-ci ne se situe pas dans un périmètre donnant le droit à la commune, l'État ou le département d'empêcher l'apport en exerçant son droit de préemption.

Si le bien se situe dans l'un de ces périmètres, il faudra consulter préalablement l'administration au moyen du formulaire cerfa n°10072*02 " Déclaration d'intention d'aliéner ou demande d'acquisition d'un bien soumis à un droit de préemption ".

Formalités à effectuer

L'apport en nature d'un immeuble doit donner lieu à une publication au Service de publicité foncière du lieu de situation de l'immeuble. La publication doit intervenir après la signature des statuts mais avant l'immatriculation de la SARL. Afin d'être publié, l'acte d'apport doit être notarié ou avoir été authentifié devant notaire.

La publication reste obligatoire lorsque la SARL est constituée entre les seuls copropriétaires indivis de l'immeuble ou qu'il s'agit d'un apport en usufruit. L'omission de cette formalité pourrait entraîner la responsabilité du gérant de la SARL.

Apport en nature de parts sociales ou d'actions

L'apport en nature de parts sociales à une SARL nécessite de suivre une procédure particulière :

  • la notification du projet d'apport à la société dont les parts sont apportées, sauf s'il s'agit de parts d'une société civile ou d'une société en commandite simple dont les statuts n'imposent pas cette formalité. Les dispositions législatives ou statutaires imposant l'agrément des associés en cas de cession de parts ou actions sont applicables en cas d'apport en société (Cass. com. 21-1-1970),
  • la rédaction d'un acte d'apport, avec l'intervention ou non d'un notaire,
  • la notification de l'acte d'apport à la société dont les parts sont apportées.

L'apport en nature d'actions nécessite de suivre une procédure similaire :

  • la notification d'une demande d'agrément si les statuts de la société dont les actions sont apportées exigent l'autorisation des autres associés,
  • la rédaction d'un acte d'apport, conseillé mais pas obligatoire,
  • l'inscription de la transmission des actions dans les livres de la société émettrice ou dans ceux de l'établissement bancaire chez qui les actions sont inscrites en compte.

Apport en nature d'un fonds de commerce

L’apport d’un fonds de commerce en pleine propriété est soumis aux mêmes formalités que la vente d’un fonds de commerce.

A noter : l'apport d'un fonds de commerce exploité à l'étranger n'est pas soumis aux droits d'enregistrement.

Apports de biens communs aux époux

Les créateurs d'entreprises mariés sous un régime de communauté (régime légal, régime de la communauté universelle) doivent respecter certaines règles lorsqu'ils envisagent d'apporter un bien commun à eux et à leur conjoint.

Les biens acquis durant le mariage, ainsi que les revenus des époux, sont considérés comme des biens communs. Leur apport à une société nécessite de respecter une procédure d'information voire d'autorisation préalable du conjoint.

Comme l'objet de l'apport est un bien commun, le conjoint a également la possibilité de revendiquer la qualité d'associé pour la moitié des parts souscrites suite à l'apport du bien, soit lors de la réalisation de l'apport, soit ultérieurement.

Pour acquérir la qualité d'associé de réalisation de l'apport, il doit notifier à la société son intention d'être personnellement associé. Lorsque la société prévoit un agrément des nouveaux associés, celui-ci ne pourra pas être opposé, l'agrément de l'apporteur valant également pour son époux.

Si cette notification est postérieure à l'apport ou à l'acquisition, les clauses d'agrément prévues à cet effet par les statuts de la société sont opposables au conjoint.

Autorisation du conjoint

Afin de protéger certains biens communs aux époux, la loi exige l'obtention de l'autorisation du conjoint.

Les biens concernés sont les suivants (article 1424 du Code civil) :

  • immeuble ;
  • fonds de commerce ;
  • exploitation, par exemple agricole ou artisanale ;
  • droits sociaux non négociables, notamment parts de sociétés civiles ou de SARL ;
  • bien concerné par une clause d'administration conjointe figurant dans le contrat de mariage ;
  • droits par lesquels est assuré le logement de famille ;
  • meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité, notamment, bateaux ou avions (mais pas les véhicules).

Intervention du conjoint

Les autres apports nécessitent simplement une information du conjoint.

En pratique, l'intervention du conjoint résultera soit de la signature des statuts de la société, soit d'une attestation, signée par lui, par laquelle il renonce à devenir associé.

Ainsi, l'associé doit avertir son époux lorsqu'il envisage d'apporter un bien commun à la société, et doit le justifier dans l'acte d'apport.

Une mention est généralement intégrée dans les statuts de la société ou dans l'acte d'augmentation de capital.

Sanctions de l'apport en nature fictif

Un apport qui ne procure aucun avantage à la SARL, c'est-à-dire qui n'a aucune valeur pécuniaire ou qui a une valeur insignifiante, est considéré comme un apport fictif.

Sont ainsi interdits :

  • l'apport d'un brevet périmé, car tombé dans le domaine public. Mais, en cas d'apport régulier d'un brevet dont l'exploitation s'est révélée infructueuse, l'apport reste valable,
  • l'apport de droits sociaux émanant d'une société subissant des pertes importantes,
  • un apport en nature grevé d'un passif supérieur à la valeur du bien apporté.

Même s'il est possible d'effectuer un apport en nature grevé d'un passif, celui-ci doit rester inférieur à la valeur du bien apporté. Pour apprécier le caractère fictif de l'apport, il faut se placer à la date à laquelle il a été réalisé.