Une association peut-elle avoir une activité économique lucrative ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Une association peut parfaitement réaliser une activité économique lucrative, qu'elle soit habituelle ou occasionnelle. Mais cette situation peut entraîner l'assujettissement de l'association aux impôts commerciaux.

Sommaire :

Qu'est-ce qu'une activité économique pour une association ?

Une association exerce une activité économique ou lucrative dès lors qu'elle produit, transforme ou facture des produits ou des services, dans un secteur industriel, commercial, artisanal ou agricole (elle se trouve donc en concurrence avec les entreprises).

Peu importe que l'association soit ou non déclarée, reconnue d'utilité publique ou qu'elle n'exerce pas ces activités depuis sa création.

Exemples :

  • association organisant des voyages,
  • association organisant des activités sportives,
  • association intervenant dans les domaines de la formation ou de l'éducation,
  • association humanitaire organisant des kermesses, des bals, des ventes de charité, des dîners dansants ou non, pour se procurer des fonds.

L'objet social de l'association doit toutefois rester totalement désintéressé, et si l'activité lucrative peut permettre à l'association de réaliser des bénéfices, ceux-ci ne peuvent être partagés entre les membres de l'association.

Seule une association ne percevant que des cotisations, des dons ou des subventions et se contentant de les redistribuer n'exerce aucune activité lucrative.

Comment déterminer si l'activité est lucrative ?

Afin de déterminer si l'activité est ou non lucrative, 4 éléments doivent être examinés (règle des 4 P) :

  • le produit proposé par l'association,
  • le public qu'elle vise,
  • les prix pratiqués,
  • les méthodes commerciales auxquelles l'association a recours pour exercer son activité.

Une attention particulière est attachée par l'administration aux 2 premiers critères.

Relations privilégiées avec une entreprise

Indépendamment de cette grille générale d'analyse, l'administration et les tribunaux se fondent également dans la pratique sur le critère des relations privilégiées avec des entreprises du secteur lucratif (mécanisme de la lucrativité par contamination).

Ainsi, la doctrine et la jurisprudence administrative prévoient qu’une association doit être assujettie aux impôts commerciaux si elle entretient des relations privilégiées avec des entreprises qui en retirent un avantage concurrentiel (BOI-IS-CHAMP-10-50-10-30).

L’avantage concurrentiel est caractérisé dès lors que le professionnel retire de manière directe de sa relation avec l’association une économie de dépenses, un surcroît de recettes ou de meilleures conditions de fonctionnement, et ce, quand bien même l’organisme ne rechercherait pas de profits pour lui-même.

Ce fut par exemple le cas d'une association proposant des cours de ski en faisant appel à des moniteurs indépendants, également membres de l'association (Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 17 octobre 2022, requête n°453019) :

  • Les moniteurs de ski sont des membres de l’association (relation privilégiée)
  • Les moniteurs exercent leur activité à titre commercial et sont soumis à la TVA (caractère lucratif de l’activité des membres de l’association)
  • L’association facilite l’exploitation commerciale de l’activité des moniteurs, leurs prestations sont rémunérées et elle leur apporte une clientèle (avantage concurrentiel).

Produit proposé par l'association

Une association n'exerce pas son activité dans des conditions similaires à celles des entreprises si celle-ci tend à satisfaire un besoin qui n'est pas pris en compte par le marché ou qui l'est de façon peu satisfaisante.

C'est notamment le cas lorsque l'association remplit une mission d'intérêt général (souvent soumise à agrément) ou de service public.

Public visé par l'association

L'association doit s'adresser à un public qui, pour des raisons économiques, ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales.

A cette fin, elle peut par exemple pratiquer des prix inférieurs à ceux des entreprises ou modulés en fonction de la situation des bénéficiaires.

En ce qui concerne le public visé, il peut s'agir :

  • de personnes en situation de détresse morale ou physique : chômeurs, handicapés, malades...,
  • de personnes nécessitant un encadrement important,
  • d'enfants ou d'adolescents...

Prix pratiqué par l'association

Plus les prix pratiqués s'éloignent de ceux des entreprises, plus la présomption de non-lucrativité est forte.

Une association qui pratique des prix comparables à ceux des entreprises se verra en principe reconnaître un caractère lucratif sauf si elle propose un produit qui n'est pas ou est mal pris en compte par le marché ou si elle module ses tarifs en fonction de la situation des bénéficiaires.

L'administration présume que cette condition est respectée lorsque les tarifs de l'association sont homologués par une autorité publique. Inversement, les dépassements de tarif homologués sont de nature à caractériser une activité lucrative.

Méthodes commerciales pratiquées par l'association

Le recours à des méthodes commerciales est en principe un indice de lucrativité. Mais l'association peut, sans que sa non-lucrativité ne soit remise en cause, procéder à des opérations de communication pour faire appel à la générosité du public.

Elle peut également réaliser une information sur ses prestations, par exemple sur son site internet, sans que celle-ci ne s'apparente à de la publicité commerciale en cherchant à capter un public analogue à celui des entreprises.

Quelles conséquences en cas d'activité économique lucrative ?

La qualification de l'activité a des conséquences importantes. En effet, l'exercice d'une activité économique entraîne l'application de la réglementation de l'ensemble des règles relatives aux entreprises.

L'association est alors obligée de respecter les règles du droit de la concurrence, du droit de la consommation... et doit notamment émettre des factures en bonne et due forme.

La part des activités lucratives, tout comme la façon de les mettre en œuvre (publicité, prix similaires à ceux d'une entreprise…) peut conduire tout ou partie de l'association à être fiscalisée et l'empêcher de délivrer des reçus fiscaux ouvrant à réduction d'impôt pour don.

Enfin, en cas de difficultés financières, l'association peut recourir aux dispositifs de règlement prévus pour les entreprises (mandat ad hoc, conciliation..) et demander l'ouverture d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire).

A partir de quel seuil de chiffre d'affaires une association est-elle fiscalisée ?

Les recettes procurées par l'activité commerciale d'une association sont soumises à déclaration et à imposition :

  • dès le 1er euro, si elles représentent une part prépondérante des recettes de l'association. Celle-ci a tout intérêt à séparer comptablement ses activités commerciales et ses activités non commerciales afin de limiter les impôts commerciaux aux seules activités commerciales,
  • ou au-delà de 76 679 € par an, si elles sont marginales dans le budget de l'association (régime de la franchise des activités lucratives accessoires).

Une association peut-elle exercer une activité économique occasionnelle ?

Une activité économique marginale par rapport à l'activité principale de l'association est qualifiée d'occasionnelle.

Une association, qu'elle soit ou non à but non lucratif, peut parfaitement réaliser une activité lucrative occasionnelle.

L'exercice d'une activité économique occasionnelle bénéficie de nombreux aménagements :

Conditions de l'activité économique occasionnelle

Toute activité économique, même occasionnelle, est soumise à une réglementation et à des obligations précises :

  • l'association peut organiser autant de manifestions de bienfaisance et de soutien (bals, spectacles, kermesses) qu'elle le souhaite. Mais seules 6 par an peuvent être exonérées d'impôt ;
  • les loteries ne sont autorisées qu'avec des mises de faible valeur (20 € maximum). Elles sont limitées à 2 ou 3 par an,
  • les ventes de charité, brocantes et vide-greniers (ventes au déballage) doivent être préalablement déclarées en mairie et ne peuvent excéder 2 mois (continus ou non) par année civile dans un même local ou sur un même emplacement (article L. 310-2 du Code de commerce),
  • la vente de boissons alcoolisées n'est possible que pour les boissons du groupe 3 (bière, vin, cidre...) et nécessite une autorisation préalable du maire de la commune,
  • la vente par démarchage (porte-à-porte) est soumise aux dispositions protégeant les consommateurs.

Conséquences comptables de l'activité économique occasionnelle

L'exercice d'une activité économique occasionnelle n'entraîne pas de conséquences comptables particulières pour l'association.

Elle peut se contenter de tenir une comptabilité simplifiée, ne nécessitant que la tenue d'un registre « recettes-dépenses ».

Conséquences fiscales de l'activité économique occasionnelle

Une association dont les activités commerciales sont occasionnelles peut bénéficier de 2 exonérations spécifiques :

Au-delà de 76 679 € de chiffre d'affaires ou au-delà de la 6e manifestation de soutien et de bienfaisance, les recettes sont soumises aux impôts commerciaux.

Paiement des impôts non commerciaux

Les 2 exonérations visées ci-dessus concernent uniquement les impôts commerciaux (TVA, impôt sur les sociétés, cotisation foncière des entreprises).

Une association qui bénéficie de l'une de ces exonérations pour ses activités commerciales est tout de même soumise à certains impôts :

Exonération de 6 manifestations exceptionnelles de l'association

L'organisation de manifestations exceptionnelles par une association peut, en fonction de certains critères, bénéficier d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), d'impôt sur les sociétés de droit commun et de contribution économique territoriale.

Ces recettes ne sont pas non plus incluses dans le seuil de la franchise des activités lucratives accessoires de 76 679 €.

La manifestation doit être exceptionnelle :

  • l'association ne doit pas organiser de tels événements de façon régulière,
  • la manifestation ne doit pas être l'objet même de l'association. Toutefois, l'exonération est possible si l'activité habituellement pratiquée à titre gratuit au sein de la structure est exceptionnellement proposée à titre onéreux lors de la manifestation.

6 manifestations de ce type peuvent être organisées chaque année en franchise d'impôts. Plusieurs événements temporellement regroupés - par exemple sur un week-end - peuvent constituer une manifestation unique, permettant de n'utiliser qu'une des 6 exonérations annuelles.

Franchise des activités lucratives accessoires de l'association

Une association qui réalise une activité lucrative marginale peut bénéficier de la franchise de ses activités lucratives accessoires si elle respecte les 2 conditions suivantes :

  • la gestion de l'association est désintéressée ;
  • le montant des recettes encaissées au cours de l'année civile au titre de ses activités commerciales n'excède pas 76 679 €.

Il n'y a pas de formalités particulières à effectuer. Ce n'est qu'en cas de contrôle fiscal qu'il sera vérifié que l'association remplit cette condition.

Rescrit fiscal

L'association a la possibilité de remplir un formulaire de rescrit fiscal pour exposer sa situation et savoir si les services fiscaux estiment que ses activités la rendent imposable aux impôts commerciaux.

Ces derniers vont se prononcer au vu d'un questionnaire que l'association aura préalablement rempli.

Une association peut-elle exercer une activité économique habituelle ?

Une association, qu'elle soit ou non à but non lucratif, peut parfaitement réaliser une activité économique habituelle.

L'exercice d'une activité lucrative habituelle entraîne de nombreuses conséquences :

  • soumission des recettes aux impôts commerciaux (TVA, impôt sur les sociétés et contribution économique territoriale),
  • obligation de tenir une comptabilité complète, de réaliser des comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe) et/ou de nommer un commissaire aux comptes, dès lors que l'association dépasse certains seuils,
  • obligation de respecter la réglementation de la concurrence ainsi que les règles fiscales, d'hygiène, de sécurité, de qualité des produits, d'information et de protection du consommateur,
  • classement de l'association dans la catégorie des professionnels (et non plus des " consommateurs "), avec les conséquences suivantes : application des délais de prescription applicables aux professionnels en cas d'impayé, des règles de facturation, de publicité, de concurrence déloyale, etc. ; compétence du Tribunal de commerce en cas de litige avec un autre professionnel ; possibilité d'être propriétaire d'un fonds de commerce et de le donner en location gérance,
  • nécessité de respecter la procédure des conventions réglementées, si l'un des dirigeants conclut un contrat avec l'association. Le représentant de l'association ou son commissaire aux comptes doit établir un rapport sur le contrat puis présenter ce rapport à l'organe délibérant (généralement l'assemblée générale). Ce dernier doit ensuite approuver le contrat,
  • difficultés à obtenir une subvention publique (conditions très restrictives),
  • possibilité de conclure un bail commercial.

En revanche, elle n'impose pas à l'association de demander son inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS). L'association n'a donc pas de Kbis.

Conditions d'exercice d'une activité économique habituelle

Une association peut exercer une activité économique à titre habituel, à condition que :

  • la nature de l'activité économique n'exige pas que l'association sollicite son inscription au RCS ;
  • l'activité économique soit autorisée par la loi ;
  • l'activité économique soit mentionnée dans les statuts de l'association ;
  • l'association respecte la réglementation applicable à l'activité.

1ère condition : une activité économique non inscrite au RCS

L'activité lucrative ne doit pas exiger une inscription au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).

De nombreuses activités sont concernées et ne peuvent donc pas être exercées par une association : le gardiennage, la sécurité, le transport de marchandises, le commerce ambulant, les activités d'antiquité ou de brocante, les activités d'assurance, les activités agricoles (sauf si cela entre dans le cadre du service à la personne), les activités immobilières, la location de matériel, la location de biens de consommation durables...

2ème condition : une activité économique licite

L'activité choisie ne doit pas être illicite.

Sont illicites l'incitation à la prostitution, l'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, l'incitation à des manifestations armées, à la pratique du braconnage ou la constitution d'une association pour un but uniquement fiscal.

La sanction encourue est la nullité de l'association.

3ème condition : mention dans les statuts

Une association ne peut réaliser une activité économique habituelle que si elle est prévue par les statuts.

Il convient donc d'insérer au préalable dans les statuts une clause précisant quelles ventes et/ou quelles prestations de services l'association entend réaliser. Ce peut être fait lors de la création ou pendant le fonctionnement de l'association.

Dans ce dernier cas, il est nécessaire de modifier la clause présentant l'objet de l'association, d'y indiquer les produits ou les services que l'association souhaite vendre puis de déclarer les nouveaux statuts à la préfecture.

L'exercice d'une activité commerciale non mentionnée dans les statuts rend l'association coupable de paracommercialisme. Cette pratique est sanctionnée par :

  • une amende,
  • des sanctions administratives : suppression de subventions, retrait d'agrément...,
  • le versement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale aux professionnels lésés,
  • l'assujettissement de l'association aux impôts commerciaux (TVA, contribution économique territoriale, impôt sur les sociétés) avec à la clé un redressement fiscal.

4ème condition : respect de la réglementation applicable à l'activité

L'activité doit être exercée en conformité avec les dispositions légales ou réglementaires qui la concernent, notamment en matière de sécurité, d'accueil du public, d'hygiène, etc.

Certaines activités ne peuvent être exercées qu'après avoir réalisé des démarches particulières :

  • la restauration et de l'hôtellerie ;
  • la vente d'objets mobiliers ;
  • la vente de produits alimentaires ;
  • l'accueil des mineurs,
  • l'organisation de voyages ;
  • la tenue de centres de vacances et de centres de loisirs ;
  • l'organisation de spectacles ;
  • l'organisation de rassemblements festifs à caractère musical (kermesse, dîner dansant...) ;
  • la réalisation de prestations de service juridiques...

Conséquences comptables de l'activité économique habituelle

Une association qui exerce une activité économique habituelle doit respecter les mêmes règles comptables qu'une entreprise classique, ce qui nécessitera peut-être de recourir à un cabinet d'experts-comptables pour tenir sa comptabilité ou pour remplir ses déclarations fiscales.

En pratique, l'association est tenue de mettre en place une comptabilité conforme au plan comptable associatif, ce qui peut nécessiter l'utilisation d'un logiciel comptable.

Par ailleurs, si l'activité lucrative conduit à ce que l'association dépasse certains seuils, elle doit procéder à la nomination d'un commissaire aux comptes.

Conséquences fiscales de l'activité économique habituelle

Paiement des impôts commerciaux

Lorsque les activités commerciales représentent une part prépondérante des recettes de l'association, elle est assujettie aux impôts commerciaux :

  • l'impôt sur les sociétés, dès le premier euro de bénéfices,
  • la TVA, sauf si son chiffre d'affaires n'est pas très important, auquel cas elle a la possibilité de bénéficier d'une exonération de TVA, appelée franchise en base de TVA,
  • la contribution économique territoriale, qui comprend la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la cotisation foncière des entreprises (CFE). La première ne s'applique qu'aux associations dont le chiffre d'affaires (CA) excède 152 500 €. La seconde s'applique à toutes les associations fiscalisées.

Elle ne bénéficie pas de la franchise des activités lucratives accessoires ni de l'exonération des 6 manifestations exceptionnelles (car conditionnées à la non-lucrativité de l'association).

Il existe toutefois une possibilité de soustraire les activités non lucratives à la TVA et à l'impôt sur les sociétés. Pour cela, l'association doit les isoler soit dans un secteur distinct d'activité (sectorisation), soit dans une filiale.

Les subventions publiques, les cotisations des membres (sauf si elles constituent en réalité le prix d'un service rendu par l'association) et les dons ne sont pas imposables. Il en est de même des intérêts du livret A (sur lequel les associations peuvent verser jusqu'à 76 500 €) et des plus-values de cession de titres de placement.

Exonérations d'impôt possibles

Une association considérée comme lucrative sur le plan fiscal peut toutefois voir ses recettes exonérées lorsqu'elle réalise des activités par nature exonérées d'impôt sur les sociétés ou de TVA.

Les activités lucratives suivantes sont exonérées d'impôt sur les sociétés :

  • l'organisation, avec le concours des communes ou départements, de foires, d'expositions, de réunions sportives et autres manifestations publiques,
  • les services à caractère sportif, éducatif, culturel (conférences, concerts, location de disques…) ou social rendus par une association à ses membres,
  • les recettes de 6 manifestations exceptionnelles organisées dans l'année au profit exclusif de l'association.

Les activités lucratives suivantes sont exonérées de TVA :

  • les ventes de biens (dans la limite de 10% du chiffre d'affaires) et les services à caractère social, éducatif, culturel ou sportif (excepté les opérations d'hébergement, de restauration et d'exploitation des bars et des buvettes),
  • les services œuvrant à la défense collective des membres,
  • les opérations réalisées par certaines associations à caractère social ou philanthropique (tourisme social, crèches, colonies de vacance...),
  • les recettes de 6 manifestations exceptionnelles organisées dans l'année au profit exclusif de l'association.