Dettes d'une SARL : les associés doivent-ils payer ?

Rédigé par Roxane Hidoux

La responsabilité des associés d'une SARL est en principe limitée au montant de leurs apports. Mais certaines circonstances peuvent obliger les associés à payer les dettes de la SARL sur leurs fonds personnels.

Sommaire :

Qui doit payer les dettes d'une SARL en cas de liquidation amiable ?

Lorsque la société est dissoute à l'amiable, c'est-à-dire qu'elle ne se trouve pas en état de cessation des paiements, les associés ou actionnaires doivent se partager l'actif restant (diminué des dettes) afin de rembourser leurs apports.

Il est possible que l'actif restant ne suffise pas à rembourser l'intégralité de leurs apports. Dans ce cas, chaque associé est tenu d'assumer le paiement de l'actif manquant.

La "contribution aux pertes" se fait proportionnellement à la participation de chaque associé au capital. Les statuts peuvent aussi prévoir un partage inégal de cette contribution, du moment qu'ils ne font pas supporter la totalité des pertes à un seul des associés ou n'en exonèrent pas un.

Qui doit payer les dettes d'une SARL en cas de liquidation judiciaire ?

Les associés d'une SARL faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire risquent uniquement de ne pas pouvoir récupérer les sommes qu'ils ont apportées lors de la création ou à l'occasion d'une augmentation de capital de la société.

La responsabilité des associés d'une SARL est en effet limitée au montant de leurs apports. Ainsi, un associé qui a réalisé un apport en numéraire d'une valeur de 5 000 € risque de perdre au maximum ces 5 000 €. Mais il ne devra pas reverser un montant égal aux apports effectués.

Cette responsabilité limitée des associés est le principal avantage de la SARL sur d'autres structures dans lesquelles la responsabilité est illimitée (comme par exemple dans le cadre d'une société en nom collectif ou d'une entreprise individuelle).

Certaines situations peuvent toutefois remettre en cause ce principe et obliger un associé à participer au règlement des dettes de la SARL. C'est le cas lorsque :

  • le juge estime le capital de la SARL inconsistant ;
  • l'associé est gérant de la société ;
  • l'associé est qualifié de gérant de fait par le tribunal ;
  • l'associé s'est porté personnellement caution pour garantir une dette souscrite par la SARL (un emprunt professionnel, par exemple) ;
  • l'associé a commis un abus de biens sociaux.

Le juge estime le capital de la SARL inconsistant

Les associés d'une SARL peuvent être tenus de régler ses dettes si des apports en nature ont été surévalués à l'occasion de la constitution de la société ou lors d'une augmentation de capital.

La surévaluation d'un apport en nature consiste à :

  • attribuer à un apport une valeur supérieure à sa valeur réelle et à ne pas nommer de commissaire aux apports (sa désignation n'est pas toujours obligatoire),
  • ou, à retenir une valeur supérieure à la valeur proposée par le commissaire aux apports.

En présence d'un apport en nature surévalué, les associés sont solidairement responsables pendant 5 ans de la valeur attribuée aux apports en nature (article L223-9 du Code de commerce). Ce principe s'applique même si les associés n'ont pas commis de fautes ou s'ils sont entrés dans la société postérieurement à la réalisation de l'apport en nature.

Les associés pourront être condamnés en justice à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif. Ils encourent également des sanctions pénales en cas de surélévation frauduleuse d'un apport en nature (emprisonnement de 5 ans et amende de 375 000 €).

L'associé - gérant peut être tenu de payer les dettes de la SARL

Un associé qui est gérant de la société (minoritaire, égalitaire ou majoritaire) encourt les mêmes sanctions qu'un gérant de SARL non associé.

Un gérant associé de SARL qui a commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SARL peut ainsi être condamné à régler tout ou partie des dettes de la société, même si l'actif restant permet de les apurer partiellement.

Dettes fiscales et URSSAF

Le gérant peut avoir à payer les dettes de la société à l'égard de l'administration fiscale et de l'URSSAF.

Mais cette règle générale comporte 2 restrictions :

  • Vis-à-vis de l'administration fiscale, cette responsabilité ne joue qu'en cas de manoeuvres frauduleuses ou d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la société (absence de dépôt des déclarations de résultats dans les délais impartis ou de non-déclaration de certains bénéfices).
  • Vis-à-vis de l'URSSAF, le gérant n'est tenu de régler que les pénalités de retard et les dommages et intérêts : les cotisations impayées et les majorations de retard qui s'y rattachent restent dues par la société.

La réglementation est assez sévère puisque peut être considéré comme une faute de gestion l'imprudence, la négligence, l'incompétence ou la carence dans l'exercice de son mandat social.

Exemples :

  • attribution d'une rémunération injustifiée ;
  • remboursement de frais fictif ;
  • faire cautionner une dette personnelle par la société ;
  • recours excessif à des crédits bancaires ;
  • poursuivre une exploitation en déficit...

En revanche, le fait de ne pas déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours ne constitue plus une faute de gestion (Cass. com., 3 février 2021, 19-20.004). Le dirigeant ne peut donc plus être condamné à supporter tout ou partie du passif de l'entreprise.

L'action en comblement de passif peut être engagée par le liquidateur judiciaire, le représentant des créanciers ou le ministère public devant le tribunal qui a ouvert ou prononcé la liquidation judiciaire de la société.

L'associé qualifié de gérant de fait peut être tenu de payer les dettes de la SARL

Il arrive qu'un associé, bien qu'il ne soit pas officiellement gérant de la SARL, exerce, dans les faits, des fonctions normalement réservées à ce dernier. On parle alors de « gérant de fait ».

Un associé peut ainsi être considéré comme un gérant de fait s'il :

  • dispose de la signature bancaire ;
  • signe les documents commerciaux et administratifs (bail commercial, contrat de travail...) ;
  • traite de contrats de grande importance avec la clientèle.

Souvent, il s'agit de l'époux qui, sous le coup d'une interdiction de gérer, ne peut pas être le gérant de droit de la SARL, ou du banquier qui joue un rôle important dans la gestion de la société.

Un gérant de fait encourt les mêmes sanctions qu'un gérant de SARL. Ainsi, un gérant de fait qui a commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SARL peut être condamné à régler tout ou partie des dettes de la société.

Dès lors qu'il existe un gérant de droit et un gérant de fait, leurs responsabilités peuvent se cumuler. En effet, en présence d'un gérant de fait, les juges vont également engager la responsabilité du gérant de droit puisqu'il n'a pas su conserver ses pouvoirs.

L'associé qui s'est porté caution peut être tenu de payer les dettes de la SARL

Un associé de SARL peut être amené à se porter caution d'un emprunt souscrit par la société.

Lorsque la société n'est pas en mesure de régler ses échéances de prêt, il sera ainsi tenu de les rembourser à la place de la société, sur son patrimoine propre.

Bien que le cautionnement d'un associé soit considéré comme un cautionnement commercial, il se voit appliquer les mêmes dispositions protectrices que les cautionnements souscrits par les particuliers :

  • exigence de proportionnalité du cautionnement au regard des revenus et des biens de l'associé ;
  • présence de mentions manuscrites obligatoires ;
  • information et mises en garde du banquier avant la signature de l'acte de caution ;
  • information chaque année par le banquier du montant du principal, des intérêts, commissions et frais restant à courir au 31 décembre de l'année précédente.

Par ailleurs, lorsque l'associé est une personne physique, il bénéficie d'un traitement avantageux en cas de procédure collective. Ainsi, l'associé caution est protégé de toute voie d'exécution durant la période d'observation de la sauvegarde et du redressement judiciaire et durant l'exécution du plan de sauvegarde (mais pas durant l'exécution du plan de redressement).

L'associé qui a commis un abus de biens sociaux peut être tenu d'indemniser la société

Le délit d'abus de biens sociaux vise uniquement le gérant de la SARL (de droit ou de fait) - qu'il soit minoritaire, égalitaire ou majoritaire - qui utilise des fonds ou des biens appartenant à la société ou à un tiers pour satisfaire ses intérêts personnels.

Tous les biens de la société, qu'ils soient matériels (véhicules, immeubles, stocks, argent liquide etc.) ou immatériels (créances, marques, clientèle etc.) sont concernés.

Exemples :

  • rémunération disproportionnée par rapport à la situation financière de la société, qui engendrerait sa mise en difficulté ;
  • utilisation de véhicules de transport ou la demande de tâches à un salarié pour des missions qui ne concernent pas la société ;
  • cautionnement par la société d'un prêt contracté à titre personnel par son gérant auprès d'un établissement bancaire.

Un gérant reconnu coupable d'abus de biens sociaux peut être condamné à :

  • restituer à la société les biens détournés ;
  • indemniser la société ;
  • 5 années de prison et de 375 000 euros d'amende ;
  • une interdiction de gérer.

L'abus de bien sociaux se prescrit 3 ans après avoir été commis. Toutefois, lorsque l'abus a été dissimulé par le gérant, les tribunaux font démarrer le délai de prescription à la date de la découverte de l'infraction.

Les associés d'une SARL qui ne sont pas des gérants de fait ne peuvent pas être poursuivis pour abus de biens sociaux.