Qu'est-ce qu'un plan de redressement ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Le plan de redressement (ou plan de continuation) a pour objet de permettre à une entreprise en difficulté continuer l’exploitation de son activité tout en étalant le règlement de ses dettes, antérieures à l’ouverture de la procédure collective, sur une période maximale de 10 ans.

Sommaire :

Qu'est-ce qu'un plan de redressement ?

Bien qu'une entreprise soit en état de cessation des paiements, elle peut continuer à exploiter son activité si elle parvient à démontrer qu'elle a la possibilité de se sortir de cette situation de crise et qu’elle a les moyens de se redresser.

A la suite du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, une première période d’observation de 6 mois s’ouvre. Elle peut être renouvelée une fois et ainsi atteindre 12 mois.

Durant cette période, l'entreprise est tenue d'élaborer un projet de plan de redressement, qui sera soumis à l'approbation du tribunal. Un administrateur judiciaire sera nommé pour assister la société débitrice pour tenter de présenter un plan de redressement.

Toutefois, si l'entreprise est dans l'impossibilité d'assurer elle-même son redressement, le tribunal se verra contraint de décider de sa cession totale ou partielle, souvent à l'une des personnes ayant présenté une offre de rachat durant la période d'observation.

Comment est dressé le plan de redressement ?

L'administrateur judiciaire réalise, avec le concours du dirigeant de l'entreprise, un plan de redressement qui contient les mesures permettant le redressement de la situation.

Le projet de plan de redressement est normalement préparé à l'aide du bilan économique, social et environnemental, document permettant d'évaluer si le redressement est susceptible de se poursuivre.

Il peut aussi être élaboré sur la base d'une attestation de l'expert-comptable ou du commissaire aux comptes.

Le projet de plan de redressement est ensuite présenté aux classes de créanciers, qui se prononcent sur chacune des propositions faites.

Comment fonctionnent les classes des créanciers ?

La loi organise dans certains cas la création de classes de créanciers, ce qui permet d'imposer aux créanciers récalcitrants des remises de dettes.

La création de classes de créanciers est obligatoire lorsque :

  • l'entreprise comporte plus de 250 salariés et réalise un chiffre d'affaires net dépassant 25 millions d'euros ;
  • l'entreprise réalise un chiffre d'affaires net dépassant 50 millions d'euros.

Les autres entreprises peuvent, même si elles n'atteignent pas ces seuils, demander au juge commissaire d'autoriser la constitution de classes de créanciers.

Parallèlement, les tiers peuvent soumettre à l'administrateur judiciaire des offres tendant au rachat total ou partiel de l'entreprise.

Que deviennent les créanciers, les salariés et les dirigeants de l'entreprise pendant l'élaboration du plan de redressement ?

Les créanciers pendant l'élaboration d'un plan de redressement

Durant la période d'observation, il est important d'éviter que la situation financière du débiteur ne s'aggrave. C'est pourquoi les droits des créanciers sont "gelés" et leur reconnaissance strictement encadrée.

Parallèlement, l'ouverture d'une procédure de redressement a pour effet de suspendre et d'interdire les actions en paiement ou en exécution forcée engagées par un créancier de la société contre les cautions et garants personnes physiques (souvent les dirigeants).

Toutes ces actions sont suspendues jusqu'au jugement qui arrêtera le plan de cession ou le plan de redressement.

Les salariés pendant l'élaboration d'un plan de redressement

L'ouverture de la procédure collective n'a pas pour effet de mettre fin aux contrats de travail des salariés.

Mais des licenciements économiques pourront intervenir durant la période d'observation.

Les dirigeants pendant l'élaboration d'un plan de redressement

Durant la période d'observation, les dirigeants sociaux restent en fonction, sauf s'ils sont frappés d'une interdiction de gérer.

En outre, le juge-commissaire peut aussi charger l'administrateur judiciaire soit d'assister l'entreprise pour tous les actes concernant la gestion ou pour certains d'entre eux, soit d'assurer seul, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise.

Comment le plan de redressement est-il définitivement adopté ?

La période d'observation se clôt par l'adoption d'un plan de redressement ou par la conversion de la procédure de redressement en procédure de liquidation judiciaire.

L'adoption d'un plan de redressement

Durant la période d'observation, le dirigeant, et l'administrateur judiciaire, s'il en existe un, établit un projet de plan de redressement.

Dès lors que sont démontrées des possibilités sérieuses de redressement, le Tribunal arrête un plan, lequel met fin à la période d'observation.

Ce plan peut avoir comme conséquence soit la cessation, soit l'adjonction, soit encore la cession d'une ou plusieurs activités de l'entreprise.

Le plan permettra à l'entreprise de poursuivre le développement de son activité et de rembourser son passif sur une durée maximale de 10 ans (15 ans en matière agricole).

Si la cession totale ou partielle du débiteur n'a pas été décidée, s'ouvre alors une nouvelle phase : celle de l'exécution du plan, sous la surveillance du commissaire à l'exécution du plan.

Modification substantielle du plan de redressement

Le tribunal peut autoriser une modification substantielle dans les objectifs ou les moyens de ce plan, à la demande, selon le cas, de l'entreprise en difficulté ou du commissaire à l’exécution du plan.

Lorsque le tribunal modifie les échéances d’un plan de redressement, les créanciers qui n’ont pas répondu à la proposition de modification sont considérés comme l’ayant acceptée, sauf s'il s'agit d'une remise de dettes ou d'une conversion en capital (article L 626-6 du Code de commerce).

Le défaut de réponse des créanciers ne vaut toutefois pas acceptation si le plan a été adopté au sein des classes de créanciers car toute modification substantielle de celui-ci suppose un nouveau vote (article L 626-31-1 du Code de commerce).

La conversion de la procédure de redressement en procédure de liquidation judiciaire

Aux termes de l’article L.631-15 du Code de commerce, le Tribunal peut à tout moment de la période d’observation du redressement judiciaire prononcer la liquidation judiciaire lorsque les conditions économiques et financières ne permettent pas d'envisager un plan de redressement.

Lorsque le tribunal exerce son pouvoir d’office ou que l’ouverture de la procédure collective est demandée sur requête du ministère public, le dirigeant est convoqué devant le tribunal. En revanche, lorsque la demande de conversion est formée sur requête d’un mandataire, il n'y pas d'obligation de convoquer le dirigeant.

Que contient un plan de redressement ?

Un plan de redressement peut prévoir :

  • des délais de paiement,
  • des abandons de créance,
  • des licenciements économiques,
  • la cession totale ou partielle de l'entreprise...

Délais et remises de dettes

Les propositions de délais et de remises de dettes sont élaborées par l'administrateur judiciaire. Elles sont ensuite transmises aux créanciers contrôleurs, aux représentants du personnel et au mandataire judiciaire.

Ce dernier recueille ensuite individuellement ou collectivement l'accord de chaque créancier qui a déclaré sa créance, à l'oral ou par écrit.

Dans les 2 cas, le mandataire judiciaire doit préalablement adresser au créancier une lettre recommandée avec accusé de réception comportant les propositions de règlement ainsi que divers documents (avis du mandataire judiciaire, des créanciers contrôleurs...) :

  • Si la consultation est orale, la lettre va indiquer le lieu, le jour et l'heure fixés pour le rendez-vous, sachant que chaque créancier peut se faire représenter par une personne munie d'un pouvoir. Un avis de convocation peut aussi être inséré dans un journal d'annonces légales. Sur place, le mandataire judiciaire va faire aux créanciers un rapport sur l'état de la procédure et sur les conditions de poursuite d'activité depuis l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Chaque créancier va ensuite donner sa décision par écrit.
  • Si la consultation est écrite, elle est constituée par la lettre reçue du mandataire. A compter de sa réception, le créancier dispose d'un délai de 30 jours pour répondre. Son défaut de réponse dans ce délai vaut acceptation des propositions de règlement. En revanche, dans le cas d'un créancier public (Trésor public, Sécurité sociale...), l'acceptation tacite ne vaut que pour des délais de paiement et non des remises de dettes.

La demande de remise de dettes auprès des créanciers publics obéit à des règles particulières. Elle s'effectue par la saisine de la CCSF, dans un délai de 2 mois à compter de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Elle doit être accompagnée de divers documents. Le défaut de réponse dans un délai de 2 mois vaut décision de rejet.

Mesures de redressement

Le projet de plan doit prévoir des mesures permettant au débiteur de se sortir durablement de sa situation : cessation ou adjonction d'une branche d'activité, modification du capital, réorientation commerciale, licenciements...

Quand le débiteur est constitué en société, le projet de plan peut prévoir une modification de son capital. L'entreprise en difficulté doit alors obtenir l'approbation de l'assemblée générale extraordinaire et des éventuelles assemblées spéciales prévues par la loi (assemblée des titulaires d'actions particulières, des titulaires d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote...).

La convocation est à la charge du dirigeant et, pour les sociétés anonymes et sociétés en commandite par action, doit comporter certaines mentions spécifiques.

Si les capitaux apparaissent inférieurs à la moitié du capital social, l'assemblée sera appelé à les reconstituer, à concurrence du montant proposé par l'administrateur, ou à décider l'augmentation ou la réduction de capital en faveur de personnes qui se sont engagées à exécuter le plan.

Le tribunal vérifiera expressément que ces assemblées ont bien eu lieu. En toute hypothèse, les engagements pris par les actionnaires/associés et nouveaux souscripteurs ne pourront être exécutés que si le projet de plan de redressement a été accepté par le tribunal. Les clauses d'agrément seront réputées non écrites.

Offres de rachat de l'entreprise en redressement

Les tiers peuvent formuler des offres de cession dès l'ouverture de la période d'observation.

La cession s'effectue sous forme d'une prise de participation dans le capital de l'entreprise ou du versement d'un prix dans le cadre d'une association.

C'est l'administrateur judiciaire qui réceptionne les offres et les annexe au projet de plan de redressement. Il va aussi établir une synthèse des offres reçues et formuler un avis sur les propositions qui lui ont été transmises.

Le jour de l'arrêté du projet de plan, le tribunal, s'il estime que l'entreprise n'est pas en mesure d'assurer son redressement, choisira le repreneur. Il n'est pas lié par les avis donnés par l'administrateur judiciaire.

Quels sont les effets d'un plan de redressement ?

Les effets du plan de redressement vis-à-vis des créanciers

2 hypothèses doivent être distinguées :

  • les créanciers qui ont accepté les propositions de règlement. Le tribunal entérine leur accord, celui-ci pouvant néanmoins déduire les délais et remises.
  • les créanciers qui ont rejeté les propositions de règlement. Le tribunal ne peut pas leur imposer de remises de dettes mais ils se voient imposer des délais uniformes de paiement, qui ne peuvent excéder la durée du plan, sauf si des délais supérieurs ont été négociés préalablement.

Montant annuel du remboursement de la dette de l'entreprise en redressement

Dans le cadre de l'adoption du plan de redressement, le tribunal a la possibilité d'imposer des délais de paiement uniforme aux créanciers avec lesquels aucun accord n'a été trouvé.

Le tribunal peut ainsi échelonner le paiement des dettes de l'entreprise en redressement sur une durée de 10 ans : encore faut-il que, à compter de la 3e année, le montant des annuités ne soit pas inférieur à 5 % de chacune des créances admises.

Pour les procédures ouvertes depuis le 1er octobre 2021, une seconde règle s'impose : le montant des annuités ne doit pas, à compter de la 6e année, être inférieur à 10 % de chacune des créances admises (article L626-18 du Code de commerce).

Symétriquement, les créanciers retrouvent les droits acquis dont ils étaient titulaires avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire :

  • le créancier qui avait notifié une saisie-attribution avant le jugement d'ouverture peut poursuivre l'exécution de cette mesure contre le tiers saisi, sans être tenu par les dispositions du plan ;
  • un salarié qui réclame à la société bénéficiant d'un plan de redressement le paiement de créances privilégiées ne peut se voir opposer celui-ci ;
  • une caution ayant garanti un prêt bancaire pourra être actionnée par la banque dès lors que le cautionnement prévoit que la banque a le pouvoir de rendre le crédit exigible en cas de procédure de redressement...

Par ailleurs, les créanciers qui n'avaient pas déclaré leur créance dans les délais ne pourront agir contre l'entreprise, si celle-ci a respecté les engagements décidés par le plan de redressement ou par le tribunal.

Les effets du plan de redressement vis-à-vis des garants et des cautions

Depuis le 1er octobre 2021, les personnes coobligées (personne tenue d'une dette avec d'autres, notamment parce que la dette a été contractée avec solidarité ou que celle-ci est indivisible), les cautions personnes physiques et les personnes ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent elles aussi se prévaloir des remises de dettes et des délais de paiement décidés par le plan.

Les effets du plan de redressement vis-à-vis des salariés

L'arrêté du plan de redressement n'a pas pour effet de mettre fin aux contrats de travail des salariés. Mais des licenciements économiques peuvent être prévus.

C'est le tribunal qui détermine le nombre de licenciements nécessaires, les activités et catégories socio-professionnelles concernées.

L'avis du comité social et économique est rendu au plus tard le jour ouvré avant l'audience du tribunal qui statue sur le plan.

Les licenciements économiques doivent être mis en oeuvre dans le mois suivant le jugement, sur simple notification de l'administrateur, sous réserve des droits de préavis prévus par la loi, les conventions ou accords collectifs du travail.

Les effets du plan de redressement vis-à-vis des dirigeants

Le tribunal peut subordonner l'adoption du plan au remplacement d'un ou plusieurs dirigeants, sur demande du ministère public. Le prix de cession de ses titres sera fixé par un expert.

Sauf dans le cas où il a été évincé de la direction, le dirigeant retrouve ses pouvoirs normaux de gestion, sous réserve de respecter les dispositions du plan, de ne pas y apporter de modifications substantielles sans l'autorisation du tribunal et de respecter les dispositions spécifiques qui y sont prévues (inaliénabilité de certains biens).

Si l'entreprise a fait l'objet d'une interdiction bancaire pour une cause antérieure au jugement d'ouverture, le jugement entraîne la levée de son interdiction d'émettre des chèques (sur demande de l'entreprise en difficulté à la banque qui a prononcé l'interdiction).

L'entreprise en difficulté dispose à nouveau de ses biens, et s'il vend un immeuble qui n'était pas mentionné par le plan ni déclaré inaliénable, le produit de la vente lui revient et ne peut être réclamé par le commissaire à l'exécution du plan.

Sauf dispositions contraire du plan, l'entreprise en difficulté n'a pas besoin d'obtenir l'autorisation du juge-commissaire ou du tribunal pour disposer de ses biens.

Que se passe-t-il lorsque le plan de redressement n'est pas respecté ?

Il existe 2 causes de résolution d'un plan de redressement :

  • le non-respect des engagements prévus au plan ;
  • et la survenance de la cessation des paiements au cours du plan de redressement.

Mais, à lui seul, le non-respect du plan de redressement ne signifie pas obligatoirement que l'entreprise est en cessation des paiements.

Le non-paiement par une société bénéficiant d'un plan de redressement d'une créance inscrite au plan ne suffit pas non plus à établir la cessation des paiements de la société et ne justifie donc pas la résolution du plan et la mise en liquidation judiciaire (Cass. com. 2-6-2021 n° 20-14.101).

Le tribunal de commerce doit effectuer une analyse de l'actif disponible avant de déterminer si l'entreprise se trouve bien en état de cessation des paiements.

Comment se termine un plan de redressement ?

Lorsque l'entreprise a effectué les engagements prévus par le plan, sa dette est éteinte. Elle pourra, par exemple, demander la restitution d'un dépôt de garantie versé lors de la conclusion du contrat de bail.

De plus, l'entreprise, si elle le souhaite, peut faire radier les publicités légales des registres où elles ont été faites.