Comment fonctionne une entreprise individuelle ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Le nouveau statut de l'entrepreneur individuel est entré en vigueur le 15 mai 2022. Il permet une meilleure protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel.

Sommaire :

Qu'est-ce qu'une entreprise individuelle ?

Une entreprise individuelle est une forme juridique qui permet à un entrepreneur de créer son activité en nom propre ou en nom personnel, c'est-à-dire sans passer par une société (EURL, SASU...) .

La création d'une entreprise individuelle ne donne pas naissance à une personne morale, distincte juridiquement du dirigeant. En effet, dirigeant et entreprise individuelle forment une seule et même personne (mais avec des patrimoines séparés).

L'entreprise individuelle n'ayant ni associés ni capital, il n'est donc pas possible de faire appel à des investisseurs pour financer l'entreprise.

Depuis le 15 mai 2022, il n'est plus possible d'opter pour l'EIRL : un entrepreneur individuel se retrouve automatiquement doté de deux patrimoines, sans avoir à effectuer de démarche administrative.

Jusque-là, il n'y avait pas de différence entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de l’entreprise individuelle.

Quelles sont les caractéristiques d'une entreprise individuelle ?

Une entreprise individuelle est extrêmement souple de fonctionnement :

La gestion administrative est très simple : en fin d’exercice, les bénéfices doivent simplement être reportés dans la déclaration d’impôt sur le revenu.

En cas de chiffre d’affaires inférieur à 188 700 € (pour la vente de biens et l'hébergement), à 77 700 € (pour les prestations de service) ou à 15 000 € (meublés de tourisme non classés), il est possible de bénéficier du régime de la micro-entreprise (ou de l'auto-entrepreneur).

Le régime de la micro-entreprise offre les avantages suivants :

  • pas de comptabilité : les obligations en la matière se limitent à reporter les ventes dans un livre de recette et les achats dans le registre des achats,
  • pas de cotisations sociales en l'absence de chiffre d'affaires : cotisations sociales sont proportionnelles au chiffre d’affaires,
  • la fiscalité se limite à la déclaration du chiffre d'affaires tous les mois ou tous les trimestres et au report du chiffre d'affaires dans la déclaration d'impôt sur le revenu : l'auto-entrepreneur n'a pas à réaliser de comptes annuels ou de déclaration de résultats.
  • un régime fiscal avantageux, avec la possibilité d'opter pour le versement fiscal libératoire ou le régime réel d'imposition.

Dénomination de l'entrepreneur individuel

Depuis le 15 mai 2022, l’entrepreneur individuel doit utiliser une dénomination incorporant son nom ou nom d’usage, précédé ou suivi immédiatement des mots « entrepreneur individuel » ou des initiales « EI ».

Cette dénomination doit figurer :

  • sur tous ses documents et correspondances à usage professionnel ;
  • dans l’intitulé du compte bancaire dédié à son activité professionnelle (et donc sur son RIB).

Comment le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel d'une entrepreneur individuel sont-ils séparés ?

Principe

Depuis le 15 mai 2022, les entrepreneurs individuels relèvent d’un statut unique qui opère une séparation entre leurs patrimoines personnel et professionnel.

En pratique, la séparation de ces deux patrimoines s’effectue automatiquement au moment de la création de l'entreprise individuelle, sans formalité à accomplir, ni démarche à réaliser auprès des créanciers. La souscription d'une déclaration d'insaisissabilité n'est donc plus nécessaire.

Conséquence : l'ensemble du patrimoine personnel d’un entrepreneur individuel (et non plus seulement sa résidence principale) devient par défaut insaisissable en cas de faillite.

Seul le patrimoine professionnel de l’entrepreneur, c'est-à-dire les biens qui sont utiles à son activité, pourra être saisi par ses créanciers professionnels (locaux, mobilier, véhicules professionnels, machines, ordinateur professionnel...).

Par ailleurs, dans un souci de protection supplémentaire, les créanciers de l'entrepreneur individuel ne pourront pas exiger de lui qu'il se porte caution en garantie d'une dette dont il est débiteur principal.

Exceptions

Il existe plusieurs exceptions au principe de la séparation des patrimoines d'un entrepreneur individuel.

Ainsi, le recouvrement des impôts et cotisations sociales impayés pourra s’effectuer tant sur le patrimoine professionnel que personnel de l'entrepreneur individuel.

De même, en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales et sociales, l’entrepreneur individuel pourra être poursuivi sur son patrimoine personnel et non pas seulement sur son patrimoine professionnel.

Les situations caractérisant une « inobservation grave et répétée » d'après l'article R. 133-9-4-1 du code de la sécurité sociale :

  • absence d’acquittement ou acquittement partiel, dès lors que leur montant total excède 1 000 €, des sommes dues au titre d’au moins deux des quatre dernières échéances semestrielles, d’au moins deux des huit dernières échéances trimestrielles ou d’au moins six des vingt-quatre dernières échéances mensuelles de paiement des cotisations et contributions sociales, ou d’au moins quatre échéances de paiement d’un plan d’apurement ou d’un échéancier de paiement des cotisations et contributions sociales restant dues ;
  • absence de respect des échéances et des conditions de dépôt d’une déclaration sociale ou de la souscription incomplète ou erronée d’une telle déclaration, n’ayant pas donné lieu à correction ultérieure et ayant donné lieu à l’application de majorations ou pénalités, au titre d’au moins deux déclarations au cours des quatre dernières années incluant l’année en cours, dont le montant total excède 1 000 € ;
  • manquements à la législation de la Sécurité sociale ayant conduit, à la suite de vérifications ou de contrôles distincts, à la notification, au titre d’au moins deux des cinq années précédant l’année en cours, soit d’observations n’ayant pas donné lieu à redressement, soit de redressements devenus définitifs, pour un montant total qui excède 1 000 €.

En outre, l’entrepreneur individuel peut renoncer à la séparation des patrimoines en faveur d’un créancier professionnel (par exemple, une banque pour obtenir un prêt), pour une durée et un montant déterminé.

Cessation d'activité

En cas de cessation d'activité ou de décès de l’entrepreneur individuel, la séparation de ses patrimoines professionnel et personnel prend fin.

Du coup, ses créanciers professionnels pourront de nouveau agir sur l’ensemble de ses biens, et non plus seulement sur les biens compris dans son patrimoine professionnel.

De quoi se compose le patrimoine professionnel d'un entrepreneur individuel ?

Le patrimoine professionnel d'un entrepreneur individuel se compose des biens qui sont utiles à l’exercice de son activité professionnelle.

Plus précisément, il s'agit des biens, droits, obligations et sûretés qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à son activité professionnelle.

L'article R. 526-26 du Code de commerce dresse une liste de ces biens :

  • fonds de commerce, fonds artisanal, fonds agricole ainsi que tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents ;
  • droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;
  • biens meubles : marchandise, le matériel et l’outillage, le matériel agricole... ;
  • moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
  • biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ;
  • parts ou actions d'une société détenant un immeuble mis à disposition de l'entrepreneur individuel ;
  • biens incorporels : données relatives aux clients, brevets d’invention, licences, marques, dessins et modèles, droits de propriété intellectuelle, du nom commercial et de l’enseigne ;
  • fonds de caisse, sommes en numéraire conservées sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

En outre, lorsque l'entrepreneur individuel est astreint à la tenue d'une véritable comptabilité, son patrimoine professionnel est présumé comprendre (article R. 526-26 du Code de commerce) :

  • l'ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables,
  • la rémunération tirée de l'activité professionnelle.

Quel est le régime fiscal d'une entreprise individuelle ?

Principe : impôt sur le revenu

Une entreprise individuelle est en principe soumise à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie :

  • des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) pour les commerçants et des artisans,
  • des bénéfices non commerciaux (BNC) pour les professions libérales.

Il n'y a pas d'imposition au niveau de l'entreprise, l'entrepreneur déclare son chiffre d'affaires ou ses bénéfices dans sa déclaration personnelle d'impôt sur le revenu.

L'imposition peut se réaliser de 2 façons différentes :

  • régime réel simplifié et du réel normal : imposition du bénéfice réalisé (déduction des charges sur factures),
  • régime de la micro-entreprise : imposition du chiffre d'affaires (évaluation forfaitaire des charges).

Sur option : impôt sur les sociétés

Depuis le 15 mai 2022, les entrepreneurs individuels peuvent opter pour l’impôt sur les sociétés, sans avoir à modifier leur statut juridique, par le biais d’une assimilation, sur le plan fiscal, à une EURL.

L’exercice de l’option pour l’assimilation à une EURL n’est plus conditionné à l’exercice préalable d’une option pour un régime réel d’imposition (BOFiP-Impôts en date du 27 décembre 2023).

Cette assimilation entraîne automatiquement l'option pour l’impôt sur les sociétés. L'assimilation à l'EURL est irrévocable mais pas l'option pour l’IS qui elle est révocable pendant 5 ans.

Cette option présente un intérêt pour les entrepreneurs individuels dont le taux d’imposition à l’impôt sur le revenu excède celui de l’impôt sur les sociétés.

Elle présente 3 avantages :

  • l'entrepreneur individuel pourra déduire du bénéfice imposable ses rémunérations, lesquelles seront soumises à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires ;
  • le bénéfice réalisé qui n’est pas distribué mais réinvesti dans l’entreprise ne sera pas taxé. Autrement dit, l’entrepreneur ne sera imposé à titre personnel que sur les dividendes qu'il se sera versés ;
  • les cotisations sociales ne seront plus calculées sur le résultat fiscal, mais sur la rémunération que l'entrepreneur se verse chaque mois ou chaque trimestre.

Cette option entraîne néanmoins des conséquences fiscales :

  • Lorsque l’option est exercée au moment de la création de l’entreprise, le transfert des biens donne lieu à la constatation de plus ou moins-values professionnelles mais l'imposition est reportée au moment de l’éventuelle cession ultérieure de ces biens.
  • Lorsque l'option est exercée ultérieurement, elle entraîne le transfert des biens du patrimoine de l’entreprise individuelle vers celui de l’entreprise assimilée à une EURL ainsi que la cessation de l’entreprise individuelle. Elle donne donc lieu à la constatation de plus ou moins-values professionnelles ainsi qu'à la taxation immédiate des bénéfices non encore imposés.

Quel est le régime social d'une entreprise individuelle ?

Un entrepreneur individuel est soumis au régime social des travailleurs non-salariés (TNS), géré par l'URSSAF.

Le conjoint de l'entrepreneur individuel qui participe à l'activité a la possibilité d'opter pour le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint salarié.

Les cotisations sociales d'un entrepreneur individuel se calculent sur :

  • le bénéfice (sauf en cas d'option pour l'IS, les cotisations sociales sont calculées sur la rémunération attribuée et éventuellement sur une partie des dividendes),
  • ou, le chiffre d'affaires (pour les auto-entrepreneurs).

A ce titre, l'entrepreneur individuel cotise pour l'assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que pour le régime complémentaire d'assurance vieillesse, d'invalidité-décès et de retraite complémentaire.

En revanche, un entrepreneur individuel ne cotise pas pour l'assurance chômage, mais il peut souscrire une assurance personnelle.

Peut-on transmettre une entreprise individuelle ?

Une entreprise individuelle peut parfaitement être transmise à des enfants ou à des salariés.

Mais puisqu'elle constitue un "tout", composé d’éléments incorporels (clientèle, droit au bail, nom commercial, enseigne, brevet, etc.) et corporels (outillage, matériel, etc.), elle ne peut être donnée que dans sa totalité.

Depuis le 15 mai 2022, une entreprise individuelle peut être transférée, que ce soit par donation, vente ou apport en société, sans avoir besoin de procéder à la liquidation de ce patrimoine.

Par ailleurs, l’entrepreneur individuel titulaire d’un bail commercial peut céder ce bail au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel et ce, même si une clause du bail le lui interdit.