Les provisions sont-elles déductibles du bénéfice imposable ?

Rédigé par Roxane Hidoux

La déduction fiscale des provisions répond à des conditions strictes, dont le non-respect entraîne leur réintégration dans le résultat imposable.

Sommaire :

Qu'est-ce qu'une provision ?

Les provisions pour risques

Le principe de prudence impose à l'entreprise d'anticiper tous les risques d'augmentation du passif, en particulier celui d'avoir à payer une amende ou des dommages et intérêts.

L'entreprise doit passer une provision lorsqu'elle est certaine qu'au cours du prochain exercice une charge particulière pèsera sur l'entreprise.

On distingue plusieurs types de provisions pour risques, notamment :

  • les provisions pour litiges. Un procès pour lequel l'entreprise a de fortes chances d'être condamné est en cours. La provision recouvre les risques d'indemnités, de dommages et intérêts et de frais de procès ;
  • les provisions pour garanties données aux clients. Outre la garantie légale des vices cachés, il est possible que les contrats de vente contiennent des clauses ayant pour objet de garantir les produits ou travaux vendus. Une provision doit être passée lorsque l'entreprise est sûre que la garantie devra jouer ;
  • les provisions pour pertes sur marché à terme. L'entreprise peut passer une provision lorsque le cours, à la date de clôture de l'exercice, laisse prévoir un risque de perte par rapport au montant espéré ;
  • les provisions pour amendes et pénalités. Attention, ne peuvent pas donner lieu à la constatation d'une provision les amendes et pénalités dues à un manquement aux dispositions légales régissant les prix, le ravitaillement, la répartition des divers produits de l'assiette des impôts, les contributions et taxes.

Mais plusieurs dizaines d'autres provisions existent :

  • les provisions liées aux immobilisations : provisions pour gros entretien ou grandes révisions (compte 1572), provisions pour remises en état (compte 1581), provisions pour coûts de démantèlement (compte 158), provisions pour renouvellement des immobilisations (compte 156), provisions pour risques constituées par les ensembliers industriels (compte 1512),
  • les provisions liées aux dépenses de l'entreprise : provisions pour rappels de cotisations sociales (compte 4386), provisions pour faire face aux indemnités de licenciement (compte 158),
  • les provisions liées aux ventes : provisions pour garantie donnée aux clients (service après-vente...) (compte 1512), provisions pour charges liées aux obligations contractuelles (entretien, maintenance...) (compte 158), provisions pour rabais et ristournes à accorder (compte 4198), provision pour chèques-cadeaux, bons de réduction et cartes de fidélité (compte 158), provisions pour risques liés aux produits invendus ou périmés (compte 1518), provisions pour risque d'annulation ou de réduction du prix de cession d'une immobilisation (compte 1511),
  • les autres provisions : provisions pour litiges (compte 1511), provisions liées aux dommages environnementaux (compte 1518), provisions pour charges financières (compte 158), provisions pour pertes de change (compte 1515), provisions pour engagement de caution (compte 1518), provisions pour impôts (compte 155), provisions pour amendes et pénalités (compte 1514)...

Les provisions doivent figurer sur un relevé spécial joint à la déclaration des résultats de l'exercice et indiquant leur objet de manière précise.

Les provisions réglementées

En dehors des provisions ordinaires dont l'objet est soit de constater la dépréciation d'un élément d'actif, soit de couvrir des risques et charges ou des pertes dont la survenance est probable, les entreprises peuvent constituer des provisions dites « réglementées ».

Elles ont un régime fiscal assez disparate : certaines sont de caractère temporaire, d'autres subordonnées à un agrément ; l'avantage retiré peut être définitif ou se présenter comme une simple facilité de trésorerie.

Les provisions réglementées doivent être constituées dans les mêmes conditions que les provisions pour pertes ou pour charges. Par ailleurs, elles doivent figurer sur le tableau des provisions.

Il existe 10 provisions réglementées différentes :

  • 142 - Provisions réglementées relatives aux immobilisations.
  • 1423 - Provisions pour reconstitution des gisements miniers et pétroliers.
  • 1424 - Provisions pour investissement (participation des salariés).
  • 143 - Provisions réglementées relatives aux stocks.
  • 1431 - Provision pour hausse des prix.
  • 1432 - Fluctuation des cours.
  • 144 - Provisions réglementées relatives aux autres éléments de l'actif.
  • 145 - Amortissements dérogatoires.
  • 146 - Provision spéciale de réévaluation.
  • 148 - Autres provisions réglementées.

Focus sur la provision pour hausse des prix

En période de forte inflation, il est possible de comptabiliser une provision réglementée pour hausse des prix (article 39, 1-5°-al. 11 à 14 du Code général des impôts).

Ainsi, lorsque pour une matière ou un produit donné il est constaté, au cours d'une période ne pouvant excéder deux exercices successifs, une hausse des prix supérieure à 10 %, l'entreprise est fondée à déduire une provision correspondant à la fraction de cette hausse supérieure à 10 %.

Le montant de la dotation annuelle de la provision est plafonné à 15 millions d'euros par période de 12 mois, majoré, le cas échéant, d'une fraction égale à 10 % de la provision avant plafonnement.

En principe, la reprise de la provision doit en principe intervenir au plus tard à l'expiration de la 6e année suivant la clôture de l'exercice au cours duquel la provision a été constituée.

A quelles conditions une provision est-elle déductible ?

Pour être admises en déduction du résultat fiscal d'un exercice, les provisions doivent répondre aux 5 conditions suivantes :

  • la provision concerne une charge fiscalement déductible. On ne peut pas déduire une provision qui concerne une charge non déductible,
  • la charge ou la perte est nettement précisée. Pour que la provision soit déductible, il faut évaluer précisément le montant de la charge ou du risque provisionné,
  • la charge ou la perte est probable. On ne peut pas déduire de provision si la perte est simplement éventuelle,
  • la perte ou la charge résulte d'évènements en cours à la date de clôture de l'exercice. Des évènements intervenus entre la date de clôture et l'arrêté des comptes ne peuvent pas être utilisés pour justifier la déduction d'une provision,
  • la provision a été inscrite en comptabilité et la déclaration de résultats déposée avant l'expiration du délai légal (CAA de Lyon, 13 janvier 2022, n°20LY01780). Une provision qui n'est pas comptabilisée à la clôture d'un exercice ne peut pas être régularisée, même par voie de réclamation ou de compensation à l'occasion d'un rehaussement.

Au niveau déclaratif, une provision doit être régulièrement comptabilisée et figurer sur le tableau des provisions à joindre à la déclaration de résultat.

Justificatifs

Si des factures ne sont pas payées, l'entreprise doit conserver tous les rappels de factures, les mises en demeure de payer... De même, tous les éléments tendant à prouver une situation financière notoirement difficile de son client doivent être conservés.

Si l'entreprise constate une dépréciation d'un actif, elle doit faire un « test de dépréciation » tendant à démontrer effectivement que la valeur vénale de cet actif est inférieure à sa valeur nette comptable.

Si l'entreprise est en situation de litige, elle doit conserver toutes les pièces (réclamations, assignations en justic, etc.).

Comment enregistrer en comptabilité une provision pour risques ?

La première chose à faire est d'évaluer le montant de la provision. Elle doit être égale à la somme que l'entreprise risque de devoir payer à la suite du litige.

Une évaluation des frais de justice, des indemnités, des intérêts et des dommages et intérêts doit donc être effectuée.

La comptabilisation doit nécessairement s'effectuer en 2 temps : lors de la constatation du risque et lors de son dénouement.

Lors de l'apparition du risque :

  • crédit du compte 151. Provisions pour risques ;
  • débit du compte 687. Dotations aux provisions exceptionnelles.

Lors de la diminution ou de la disparition du risque (qu'il y ait ou non confirmation de la charge) :

  • débit du compte 151. Provisions pour risques ;
  • crédit du compte 7875. Reprises sur provisions exceptionnelles.

L'entreprise est assignée en justice par l'un de ses clients. Celui-ci lui réclame 15 000 € d'indemnités mais le juriste estime que l'éventuelle condamnation ne devrait pas excéder 10 000 € (frais de justice inclus). Finalement, l'entreprise est condamnée à payer 8 000 €.

N° de compte Intitulé du compte Débit Crédit
Constatation du risque de condamnation
6875 Dotations aux provisions exceptionnelles 10 000
151 Provisions pour risques 10 000
Versement des indemnités
670 Charges exceptionnelles 8000
512 Banques 8000
Reprise de la provision
151 Provisions pour risques 10 000
7875 Reprises sur provisions exceptionnelles 10 000