Que faire lorsqu'un client rencontre des difficultés à payer sa facture ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Lorsqu'un client rencontre des difficultés financières, il existe plusieurs solutions pour se faire payer : facturer des pénalités de retard, accorder un délai de paiement ou une remise de dette, demander l'ouverture d'une procédure collective...

Sommaire :

Quand peut-on facturer des pénalités de retard ?

Dès le premier jour de dépassement de l’échéance, le client, s’il est un professionnel, doit de plein droit des pénalités de retard à son créancier. S’y ajoute en plus une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

La formule de calcul des pénalités est la suivante : Pénalités de retard = [ (taux) × montant TTC] × [nombre de jours de retard / 365].

Si les conditions générales de vente ne mentionnent pas le taux applicable, le taux des pénalités de retard est le taux de refinancement de la Banque centrale européenne (BCE), majoré de 10 points de pourcentage (article L. 441-10 du Code de commerce).

Depuis le 27 juillet 2023, le taux de refinancement de la BCE est de 4,25 %. Pour le premier semestre 2022, le taux des pénalités est donc de 10 % lorsque les conditions générales de vente n’ont rien prévu à ce sujet.

Comment accorder un délai supplémentaire ou une remise de dette ?

La préparation des négociations en vue d'accorder un délai de paiement ou une remise de dette nécessite la constitution d'un dossier reprenant :

  • l'analyse de la situation financière de son client,
  • la détermination de ses besoins,
  • ses prévisions économiques et financières.

Accorder un délai supplémentaire

Si le client rencontre des difficultés passagères, il est conseillé de lui accorder un délai de paiement (moratoire).

La prolongation des délais de paiement ne doit pas se faire sans contreparties. Il est possible :

  • de demander le versement d'un acompte important, avant d'accorder un délai de paiement pour le solde de la facture ;
  • de conditionner le délai de paiement à la constitution d'une garantie (hypothèque, gage...) ;
  • de s'arranger pour que le moratoire constitue également une reconnaissance de dette dans laquelle le client en difficulté accepte de payer des pénalités ainsi que des intérêts de retard.

Dans tous les cas, il est conseillé d'insérer une clause de déchéance du terme pour pouvoir exiger l'intégralité du paiement de la facture (principal, intérêts, pénalités, frais, accessoires) dans le cas où le client ne respecte pas l'échéancier de paiement qui lui a été accordé.

La clause peut être rédigée de la façon suivante : « Tout délai consenti par notre société comporte une clause de déchéance du terme. Une seule échéance impayée rend le solde de la créance immédiatement exigible ».

Clause de déchéance du terme non automatique

Si la clause de déchéance du terme n'est pas automatique, toutes les sommes dues ne pourront être réclamées qu'après mise en demeure.

Si le client ne s'exécute toujours pas, il sera possible d'obtenir un titre exécutoire permettant à l'entreprise de mettre en oeuvre une procédure de recouvrement forcé.

Clause de déchéance du terme automatique

Si la clause de déchéance du terme est automatique (il est alors précisé que la déchéance intervient « sans sommation » ou « sans mise en demeure »), l'entreprise n'a pas besoin d'envoyer de lettre de mise en demeure pour rendre toutes les sommes exigibles.

Dès la première échéance non réglée, elle va pouvoir obtenir un titre exécutoire et mettre en œuvre une procédure de recouvrement forcé.

Accorder une remise de dettes

Si le client est proche de l'insolvabilité, il est plutôt conseillé de renoncer au paiement de tout ou partie de la facture. En effet, mieux vaut se faire payer en partie que ne rien toucher du tout après avoir persisté à tenter de se faire payer intégralement.

La remise de dette n'est soumise à aucune règle de forme. Un écrit n'est pas nécessaire mais reste néanmoins très utile pour prouver la réalité de la remise en cas de contestation ultérieure.

Une fois la remise de dette accordée, l'entreprise ne peut plus revenir en arrière. Cependant, si la remise de dette est soumise à certaines conditions que le client ne respecte pas, il sera possible d'annuler la remise de dette et de mettre en oeuvre une procédure de recouvrement forcé.

Il est conseillé d'insérer dans la remise de dette une clause de retour à meilleure fortune. Cette clause permet de contraindre un client à régler sa dette antérieure, dans l'éventualité d'un redressement financier. Si celui-ci réalise un bénéfice au cours des exercices ultérieures, il sera ainsi obligé de payer sa dette.

Comment faire si le client refuse de négocier ?

L'entreprise créancière peut refuser la demande présentée par le client et proposer d'autres solutions.

L'entreprise peut aussi refuser toute négociation, et dans ce cas, le client en difficulté a la possibilité de l'y contraindre en demandant au Tribunal :

Cessation des paiements

Lorsque les difficultés financières du client le conduisent à la cessation des paiements, il est tenu de déposer une déclaration de cessation des paiements.

En cas d'inaction, l'entreprise créancière peut aussi déclencher l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de son client.

Une fois la procédure déclenchée, l'entreprise dispose de 2 mois pour déclarer sa créance entre les mains du mandataire judiciaire (ou du liquidateur judiciaire) pour avoir une chance d'être payée.

Le mandat ad hoc

Le mandat ad hoc est une procédure confidentielle qui consiste à demander au Tribunal la désignation d'un mandataire ad hoc - généralement un professionnel des procédures collectives - chargé d'examiner la situation du client et de trouver des accords avec ses fournisseurs ainsi que ses autres créanciers.

Les créanciers auront le choix de coopérer ou non, en acceptant ou en refusant de consentir des délais de paiements et des remises de dettes.

Cette procédure est en général réservée à la négociation avec les établissements financiers.

La conciliation

La conciliation est une autre procédure confidentielle qui a elle aussi pour objectif de parvenir à un accord amiable entre un client en difficulté et ses principaux créanciers.

Comme le mandataire ad hoc, le conciliateur a pour mission d'analyser la situation du client et de tenter de parvenir à la conclusion d'un accord avec ses créanciers.

L'accord de conciliation doit permettre au client d'obtenir des rééchelonnements ou des remises de dettes, des crédits nécessaires à la poursuite de l'activité ou encore d'envisager une restructuration.

Lorsque la négociation aboutit, le client et ses créanciers peuvent demander au président du Tribunal de constater leur accord, ce qui lui donnera force exécutoire (et équivaut à un jugement).

Le client en difficulté a aussi la possibilité de demander l'homologation de l'accord. L'accord homologué entraîne :

  • l'interdiction ou l'arrêt de toute poursuite en justice de la part des signataires,
  • la levée de l'interdiction d'émettre des chèques pour le cas où elle existait avant la conciliation,

Si l'un des engagements inscrits dans l'accord ne sont pas respectés, le tribunal peut à la demande d'un des signataires mettre fin à l'accord de conciliation.

La procédure de sauvegarde

La procédure de sauvegarde est plus contraignante, moins confidentielle mais aussi plus efficace pour un client en difficulté que la désignation d'un mandataire ad hoc ou d'un conciliateur.

La procédure de sauvegarde interdit ou interrompt la plupart des actions en justice et des procédures de saisie de la part des créanciers contre le client et les personnes physiques qui s'en sont portées garantes (par exemple le cautionnement du prêt bancaire souscrit par la société par son dirigeant).

La procédure de sauvegarde a pour but d'aboutir à un plan de sauvegarde, document qui peut imposer des délais de paiement ou des remises de dettes aux créanciers qui refusent d'en accorder. Il peut également prévoir un plan de cession totale ou partielle.

Le plan de sauvegarde se termine lorsque les difficultés du client ont disparu. Dans le cas contraire, si les difficultés du client le conduisent à la cessation des paiements, le Tribunal ordonnera l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Quelles démarches accomplir en cas de faillite de son client ?

Il faut surveiller son client car si une procédure collective est engagée contre lui, le créancier ne dispose que d’un délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC pour déclarer sa créance auprès de la procédure (formalité obligatoire pour se faire payer).

Un procédure collective peut être ouverte par le client lui-même ou par l'un de ses créanciers.

En principe, chaque créancier doit être avisé individuellement dans les 15 jours de l’ouverture d’une telle procédure par le représentant des créanciers ou le liquidateur. Mais, il arrive qu'un créancier ne soit pas informé, notamment si le client omet de l'inscrire sur la liste des créanciers.

La déclaration de créances doit être effectuée dans les 2 mois suivant la publication au Bodacc du jugement d'ouverture de la procédure collective.

Ce délai est cependant de 4 mois :

  • pour les créanciers domiciliés hors de France métropolitaine, lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège sur le territoire de la France métropolitaine,
  • pour les créanciers qui n'y demeurent pas, lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège dans un département ou une collectivité d'outre-mer.

Si un créancier n'adresse pas sa déclaration de créances, il est considéré comme forclos et ne peut plus réclamer le paiement de la facture.

Comment se tenir informé du déroulement de la procédure ?

Le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), le RCS et le RM permettent de se tenir informé des procédures collectives, des cessions d’entreprises, des créations ou radiations ainsi que des avis de dépôts de comptes.

Les principales décisions rendues en matière de procédure collective (ouverture, plan, clôture, sanction, renouvellement de période d'observation, etc.) y sont aussi mentionnées.

Lorsque la procédure collective se termine bien (sortie des difficultés financières, paiement de l’ensemble des créanciers, achèvement de l’exécution d’un plan de redressement), ces mentions sont radiées d'office et il n’est plus possible d’obtenir la communication des décisions correspondantes.

Résumé des actions à entreprendre face à un client en difficulté

1. Facturer des pénalités de retard

  • Vérifiez la date d'échéance de la facture.
  • Calculez les pénalités de retard en utilisant la formule : Pénalités de retard = [(taux) × montant TTC] × [nombre de jours de retard / 365].
  • Assurez-vous que les conditions générales de vente spécifient le taux applicable. Sinon, utilisez le taux de refinancement de la BCE majoré de 10 %.

2. Proposez des délais de paiement supplémentaires ou une remise de dettes

  • Constituez un dossier comprenant l'analyse de la situation financière du client, ses besoins, et ses prévisions économiques et financières.
  • Proposez un délai de paiement (moratoire) en spécifiant les conditions, comme le versement d'un acompte ou la constitution d'une garantie.
  • Incluez une clause de déchéance du terme pour garantir le paiement intégral en cas de non-respect de l'échéancier.
  • En dernier recours, vous pouvez renoncer au paiement de tout ou partie de la facture.

3. Restez en contact avec le client

  • Si le client refuse de négocier, proposez d'autres solutions.
  • Le client peut sinon demander au Tribunal :
    Le déclenchement d'une procédure amiable, comme le mandat ad hoc ou la conciliation
    L'ouverture d'une procédure collective en cas de cessation des paiements.
  • En cas de procédure collective contre le client, déclarez votre créance dans les 2 mois suivant la publication du jugement d'ouverture au BODACC.