Déroulement d'un référé prud'homal

Rédigé par Roxane Hidoux

Tout Conseil de Prud'hommes comprend une formation de référé, chargée de gérer les affaires urgentes. Mais celle-ci ne dispose pas des mêmes pouvoirs que le bureau du jugement.

Sommaire :

Le référé prud'homal, une procédure permettant d'obtenir rapidement une décision

Le bureau de conciliation et d'orientation du Conseil de Prud'hommes est généralement compétent pour ordonner certaines mesures d'urgence. Vous pouvez être amené à hésiter entre suivre la procédure classique ou saisir directement la formation de référé.

Voici des éléments qui peuvent vous aider à choisir :

  • La procédure de référé est une procédure plus rapide. Un jugement prud'homale peut prendre plusieurs mois ou plusieurs années pour être prononcé (délai moyen : 9,9 mois) alors qu'une décision rendue en référé ne prendra que quelques mois au maximum (délai moyen : 2,4 mois).
  • La formation de référé est plus efficace car elle ne cherchera pas à vous concilier avec votre adversaire. Elle se penchera uniquement sur ce que vous souhaitez obtenir (un document, une provision...).
  • La formation des référés a des compétences plus larges en matière de mesures d'urgence. Contrairement au bureau de conciliation et d'orientation, elle n'est pas limitée à certaines indemnités ni à un montant maximal.
  • Si vous passez par la formation des référés, le reste de la procédure sera plus lourde. En effet, pour faire juger l'affaire au fond, vous devrez présenter une nouvelle demande au greffe, passer par la phase de conciliation puis devant le bureau du jugement.
  • Il est possible de faire appel contre une ordonnance de référé. A l'opposé, il n'y a pas de recours contre les décisions du bureau de conciliation et d'orientation ordonnant une mesure d'urgence.

Dans quels cas peut-on saisir la formation de référé du Conseil de Prud'hommes ?

Vous pouvez saisir la formation de référé du Conseil de Prud'hommes si vos demandes présentent l'une des 2 caractéristiques suivantes :

  • Elles présentent un caractère d'urgence, ne se heurtent à aucune contestation sérieuse de la part de l'autre partie et vous disposez de toutes les preuves nécessaires. C'est le cas si votre salaire n'est plus payé depuis plusieurs mois (aucun virement n'a été effectué sur votre compte bancaire) alors que vous disposez d'un contrat de travail et de fiches de paye, mais également d'un témoignage écrit attestant de votre présence chaque jour sur votre lieu de travail. C'est aussi le cas si vous avez été licencié et que vous n'avez toujours pas reçu d'attestation Pôle Emploi, ce qui empêche toute inscription et toute prise en charge.
  • Il existe une contestation sérieuse mais vous réclamez des mesures conservatoires ou de remise en état, afin de prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Le référé permet ainsi d'empêcher le licenciement d'une femme pendant son congé de maternité et d'ordonner sa réintégration ou d'obtenir le respect de mesures protectrices de la santé et de la sécurité des salariés (ouverture des issues de secours d'un bureau, mise à disposition d'équipements de protection individuels EPI, cessation d'horaires dépassant les maxima réglementaires, etc.).

En pratique, les affaires retenues sont celles dont la légitimité est évidente, qui ne prennent que quelques minutes à exposer et correspondent à une réclamation indiscutable, notamment au vu des pièces produites.

S'il y a nécessité d'examiner des pièces contradictoires ou s'il existe une contradiction sérieuse (par exemple, si l'employeur établit qu'il n'a jamais été informé de la grossesse dans le cas du licenciement d'une femme enceinte), elle sera renvoyée devant le bureau de conciliation et d'orientation, selon la procédure habituelle dite de jugement au fond.

Sachez que vous avez la possibilité de saisir en même temps la formation des référés pour certaines demandes urgentes, et de passer par la procédure habituelle au fond pour d'autres.

Comment saisir la formation de référé du Conseil de Prud'hommes ?

Il existe 2 moyens de saisir la formation de référé du Conseil de Prud'hommes :

  • le préciser sur le formulaire (premier cadre) permettant de saisir le Conseil de Prud'hommes ;
  • délivrer un acte de commissaire de justice à l'adversaire lui précisant que vous saisissez la formation de référé. Vous devrez aussi remettre une copie de l'assignation au greffe du conseil, au plus tard la veille de l'audience de référé.

Vous pouvez saisir la formation de référé à n'importe quel moment de la procédure, même si l'affaire est déjà devant le bureau du jugement. L'important est que le jugement définitif ne soit pas encore intervenu et que des circonstances justifient la saisine de cette formation.

Cas particuliers

Le bureau du jugement a aussi la possibilité de statuer en référé, pour :

  • les recours contre le licenciement de salariés administrateurs ;
  • les recours contre le refus de l'employeur de mettre fin à une situation d'atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles dans l'entreprise ;
  • les recours contre le refus de l'employeur d'accorder un congé sabbatique, un congé pour création d'entreprise...

En cas de licenciement économique (non-respect de la procédure, contestation du caractère réel et sérieux du motif économique...), l'affaire est également portée devant la formation du jugement.

Celle-ci est rendue en dernier ressort, ce qui signifie que seul le pourvoi en cassation sera possible. L'affaire est soumise à 2 phases (conciliation puis jugement) devant une chambre spéciale. Des délais maximaux différents sont ici prévus.

Comment se déroule l'audience d'une procédure de référé ?

Il n'y a pas de tentative de conciliation préalable. Cependant, si ultérieurement l'affaire est introduite en procédure ordinaire devant le conseil de prud'hommes, les parties vont devoir passer devant le bureau de conciliation et d'orientation.

En outre, il est possible que la formation de référé considère que l'affaire excède ses compétences. Si les parties l'acceptent, l'affaire sera renvoyée directement devant le bureau du jugement.

L'audience de référé est publique et les débats oraux. Les règles d'assistance et de représentation sont les mêmes que devant le bureau de conciliation et d'orientation. En cas de partage des voix, une audience de départage intervient dans les 15 jours du renvoi.

Quels sont les pouvoirs de la formation de référé du Conseil de Prud'hommes ?

La formation de référé est composée de 2 conseillers prud'homaux, l'un employeur, l'autre salarié.

Elle peut prendre les mesures suivantes :

  • accorder une provision ;
  • ordonner l'exécution d'une obligation ;
  • prescrire des mesures conservatoires ou de remise en l'état.

La formation de référé ne va pas juger l'affaire au fond. Elle peut seulement ordonner des mesures urgentes en attendant que l'affaire soit jugée, par exemple :

  • ordonner la réintégration d'un salarié protégé licencié irrégulièrement (exemple : représentant du personnel) ou d'un salarié licencié parce qu'il a fait grève ;
  • ordonner le versement de provisions sur des sommes dues par l'employeur, à condition qu'elles ne soient pas contestables : indemnité de licenciement, lorsque la rupture du contrat constitue bien un licenciement ;
  • ordonner à un salarié lié à une clause de non-concurrence de cesser l'activité qu'il a avec son nouvel employeur, dès lors que celle-ci est incontestablement concurrente ;
  • ordonner la remise de documents au salarié : fiche de paie, certificat de travail ou attestation d'assurance chômage.

En revanche, la formation de référé ne peut pas :

  • faire modifier des mentions portées sur l'attestation d'assurance chômage, alors que la qualification de la rupture reste litigieuse ;
  • accorder une provision sur salaire alors que son bien-fondé n'est pas établi ;
  • prononcer l'annulation d'une sanction disciplinaire.

Quelle est la valeur de l'ordonnance de référé rendue par le Conseil de Prud'hommes ?

La décision rendue prend la forme d'une ordonnance de référé. Celle-ci est toujours provisoire mais son exécution est immédiate, par provision et éventuellement par minute ou sous astreinte.

Si la décision n'est pas rendue en dernier ressort, il est possible de faire appel dans les 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Si elle est rendue en dernier ressort par défaut, l'opposition est possible dans le même délai.