Comment fonctionne une clause de réserve de propriété ?

Rédigé par Roxane Hidoux

La clause de réserve de propriété permet au vendeur de récupérer la marchandise qu'il a livrée, tant qu'il n'a pas été intégralement payée, spécialement lorsque l'acheteur fait l'objet d'une procédure collective.

Sommaire :

Qu'est-ce qu'une clause de réserve de propriété ?

La clause de réserve de propriété permet de retarder la date de transfert de propriété d'un bien jusqu'au moment du paiement intégral du prix par l'acheteur, même si celui-ci lui a déjà été livré.

L'acheteur ne sera ainsi propriétaire de la marchandise vendue que le jour où il aura payé l'intégralité du prix (prix de la marchandise + TVA due + autres taxes et frais de transport).

C'est un moyen très efficace de lutte contre les impayés puisque la clause de réserve de propriété peut permettre de récupérer des marchandises alors même que l'acheteur fait l'objet d'une procédure collective.

La clause de réserve de propriété peut être insérée :

  • dans tout contrat de vente de biens : vente d'un produit catalogue, standard ou faiblement adapté ;
  • dans un contrat d'entreprise (marché de travaux), sur du matériel vendu et installé par un entrepreneur, à condition qu'il reste en nature, sans être incorporé dans l'immeuble ou transformé et que sa récupération puisse se faire sans dommages pour lui ou les biens dans lesquels il est intégré.

La validité d'une clause de réserve de propriété est cependant soumise au respect de diverses conditions.

Quelles sont les conditions de validité d'une clause de réserve de propriété ?

Pour que la clause de réserve de propriété puisse être opposée à l'acheteur encore faut-il que celui-ci l'ait accepté.

La réserve de propriété n'est pas de droit ; elle ne peut jouer que si elle a été convenue dans un écrit remis à l'acheteur au plus tard au moment de la livraison.

Les tribunaux exigent que la clause de réserve de propriété figure de manière apparente dans les conditions générales de vente ou sur un document séparé, adressé avant ou lors de la livraison : bon de commande, facture, bordereau de livraison, lettre, fax, bon de livraison, accusé de réception de commande, devis...

Les biens concernés par la clause de réserve de propriété doivent être identifiables et individualisés : il faut notamment préciser les articles, modèles, quantités, références et numéros de série.

La clause de réserve de propriété peut être acceptée :

  • explicitement, si l'acheteur signe un document contenant la clause de réserve de propriété,
  • implicitement, si l'acheteur exécute le contrat après avoir reçu un document sur lequel figure distinctement la clause, de manière apparente et lisible.

La validité de la clause de réserve de propriété n'est soumise à l'accomplissement d'aucune formalité particulière.

Comment rédiger la clause de réserve de propriété ?

La clause de réserve de propriété doit être la plus lisible possible, en caractères apparents et en caractères distincts du reste des dispositions contractuelles.

En pratique, il est conseillé au vendeur :

  • de transférer, dans la clause de réserve de propriété, les risques au client dès la livraison du bien afin de lui faire supporter les effets des éventuels perte, vol ou dégradation du bien ;
  • d'insérer la clause de réserve de propriété dans une clause distincte des conditions générales de vente, précédant et dissocié de la clause " Livraison " ;
  • de rédiger la clause de réserve de propriété en caractères gras ou en majuscules afin que l'attention de l'acheteur ait été directement attirée sur la présence de cette clause ;
  • d'attirer l'attention de l'acheteur lors de la signature du contrat, via une mention telle que " Je reconnais avoir pris connaissance et signé les conditions générales de vente dont la clause de réserve de propriété ci-joint " ;
  • d'identifier précisément les biens sur lesquels porte la clause de réserve de propriété et de reporter ces références sur la facture ;
  • de publier le contrat sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce, afin de faciliter la demande en restitution si l'acheteur est ensuite placé sous sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire.

Modèle de clause de réserve de propriété

" Les marchandises livrées restent la propriété du vendeur jusqu'à paiement intégral du prix convenu.

En cas de défaut de paiement, le vendeur est en droit de revendiquer les marchandises impayées, et l'acheteur est tenu de les restituer à première demande.

Les risques et la garde des marchandises sont transférés à l'acheteur dans les conditions définies à l'article suivant.

L'acheteur s'engage à conserver les marchandises en apportant tous les soins nécessaires. "

Comment faire exécuter une clause de réserve de propriété ?

Lorsque l'acheteur ne règle pas sa facture, le vendeur a le droit de récupérer le bien en faisant appel à un commissaire de justice ou, si l’acheteur est placé en redressement ou en liquidation judiciaire, en revendiquant le bien auprès de l’administrateur ou du liquidateur judiciaire.

L'acheteur fait l'objet d'une procédure collective

La clause de réserve de propriété présente tout son intérêt lorsque l'acheteur fait l'objet d'une procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire).

En principe, lors de l'ouverture d'une procédure collective, le vendeur se retrouve en concurrence avec les autres créanciers. Mais s'il a pris la précaution d'insérer une clause de réserve de propriété dans le contrat, il pourra récupérer sa marchandise ou obtenir son remboursement si l'acheteur souhaite la conserver.

Il échappe ainsi à tout concours avec les autres créanciers, même s'ils sont privilégiés (URSSAF, impôts, salariés), ainsi qu’au principe d'interdiction du paiement des créances antérieures au jugement d'ouverture.

Mais les biens livrés ne peuvent pas être récupérés immédiatement. Les conditions et les modalités de mises en oeuvre de la clause de réserve de propriété sont alors régies par le Code de commerce.

Le vendeur devra ainsi engager :

  • une action en revendication, dans un délai maximal de 3 mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective au BODACC, si le contrat n'a pas été publié,
  • une action en restitution, si le contrat a été publié (pas de délai maximal).

Conditions :

  1. Les biens doivent être identifiables. Pour que la marchandise soit identifiable, le vendeur doit avoir indiqué sur le bon de commande ou autre tous les éléments permettant de distinguer le bien livré du reste du stock du client : article, modèle, quantité, référence, numéro de série... Il va devoir prouver que les marchandises revendiquées proviennent des livraisons impayées. Les biens fongibles échappent à cette règle (fuel, blé...) : ils pourront être récupérés malgré leur caractère non identifiable.
  2. Les biens doivent être retrouvables en nature à la date du jugement ouvrant la procédure collective. Les biens doivent se retrouver sous la même forme qu'au moment de la vente initiale. Ils ne doivent pas avoir fait l'objet d'une transformation. Pour établir que les biens qu'il revendique existent encore en nature, le vendeur pourra se fonder sur l'inventaire réalisé par l'entreprise. En cas d'absence ou de retard d'inventaire, il aura intérêt à faire constater par commissaire de justice la réalité de l'existence en nature des marchandises au jour du jugement d'ouverture de la procédure.

Malgré tout, il reste possible de récupérer un bien incorporé lorsque la séparation peut être faite sans dommage pour ce bien (exemple : composant) et pour le produit dans lequel il est incorporé (exemple : équipement sur lequel le composant est monté).

Exemple :

  • serre pouvant se démonter sans dégradation de l'immeuble voisin ;
  • chaudière dont le système de fixation (boulonnage notamment) n'a pas eu pour conséquence de la rendre indissociable de son support de manière définitive et irrémédiable et n'empêche pas son démontage.

L'acheteur ne fait pas l'objet d'une procédure collective

Le vendeur qui n'a pas été réglé bénéficie d'une faculté de revendication qui diffère selon que les biens vendus avec une clause de réserve de propriété existent encore tels quels ou non.

Les biens n'ont été ni transformés ni incorporés

Lorsque l'acheteur dispose encore des biens vendus avec une clause de réserve de propriété, le vendeur peut exiger de l'acheteur la restitution du bien vendu selon les modalités convenues dans le contrat de vente.

Lorsque le vendeur ne parvient pas à obtenir la restitution de ses biens à l'amiable, il peut s'adresser à un commissaire de justice qui contraindra l'acheteur à restituer les biens en entamant une procédure de saisie-revendication ou de saisie-appréhension.

Le vendeur devra simplement remettre à le commissaire de justice une preuve du non-paiement, de l'existence de la clause de réserve de propriété et de son acceptation, et indiquer à le commissaire de justice les biens concernés par la revendication.

Les biens ont été transformés ou incorporés

Lorsque les biens ont été transformés ou incorporés à d'autres biens pour créer un nouveau bien, le vendeur ne peut que réclamer en justice le paiement de la facture et des dommages et intérêts en cas de retard.

Les biens ont été revendus

Lorsque l'acheteur fait faillite après avoir lui-même revendu la marchandise, le vendeur ne peut pas récupérer ses marchandises.

En revanche, il peut revendiquer auprès du nouvel acquéreur le prix ou la partie du prix que ce dernier n'a pas encore payé.

Depuis le 1er janvier 2022, le nouvel acquéreur peut opposer au vendeur les exceptions inhérentes à la dette ainsi que les exceptions nées de ses rapports avec l’acheteur.