L'indemnité et la clause de non-concurrence

Rédigé par Roxane Hidoux

Le versement d'une indemnité de non-concurrence est l'une des conditions de validité de la clause de non-concurrence.

Sommaire :

Qu'est-ce qu'une clause de non-concurrence ?

Une clause de non-concurrence est une clause qui limite la liberté d'exercer un travail une fois le contrat de travail arrivé à terme.

La clause d'exclusivité et la clause de non-concurrence sont souvent confondues car de nature similaire. Pourtant, elles sont bien différentes puisque la clause de non-concurrence n'a vocation à jouer qu'après le départ du salarié de l'entreprise.

A l'inverse, la clause d'exclusivité ne joue que pendant l'exécution du contrat de travail et vise à éviter que le salarié ne cumule plusieurs emplois. En outre, elle comporte rarement une contrepartie financière.

La clause de non-concurrence a pour but d'éviter que le salarié ne fasse bénéficier un autre employeur du savoir-faire spécifique qu'il a acquis dans l'entreprise, qu'il ne fasse bénéficier un autre employeur des contacts noués avec la clientèle ou qu'il ne divulgue des informations stratégiques ou des secrets de fabrication.

Une fois qu'il aura quitté l'entreprise - et qu'il se sera vu verser une contrepartie financière - il ne pourra pas s'installer à son compte ou travailler au service d'un concurrent, dans une certaine zone géographique et pendant un laps de temps déterminé.

Certains contrats de travail prévoient que le salarié pourra être libéré de son obligation en payant une certaine somme à l'employeur. Dans ce cas, il faut savoir que le juge peut considérer que la clause de non-concurrence n'est pas nécessaire à la protection des intérêts de l'entreprise et donc l'annuler.

La clause de non-concurrence doit-elle prévoir une indemnité de non-concurrence ?

Depuis une décision rendue en 2002, toutes les clauses de non-concurrence doivent obligatoirement prévoir une contrepartie financière. La décision étant rétroactive, ce sont tous les contrats de travail qui sont concernés, même s'ils ont été signés avant la décision.

Une clause ne comportant pas d'indemnité de non-concurrence ou ne comportant qu'une contrepartie dérisoire est nulle. Le salarié peut donc choisir entre concurrencer son employeur ou lui demander des dommages et intérêts pour avoir inséré une clause nulle dans son contrat de travail. Les juges déterminent librement le montant des dommages et intérêts.

A titre d'exemple, les tribunaux ont alloué à un salarié des dommages et intérêts équivalents à la somme que ce dernier aurait dû verser à l'employeur, en vertu des dispositions de la clause de non-concurrence, s'il avait lui-même violé l'interdiction. S'il n'a respecté la clause illicite que pendant une certaine période, il peut néanmoins percevoir des dommages et intérêts pour la période durant laquelle il a appliqué la clause.

L'indemnité et la clause de non-concurrence doit normalement être intégrée à la clause de non-concurrence. Mais elle peut aussi être fixée par la convention collective et, dans ce cas, la clause doit y renvoyer expressément.

Le versement de l'indemnité de non-concurrence peut-il être limité à certaines hypothèses ?

Ni la convention collective ni le contrat de travail ne peuvent dissocier les conditions d'ouverture de l'obligation de non-concurrence de celles de son indemnisation.

Par exemple, est nulle la clause de non-concurrence qui lie le salarié dans tous les cas de cessation d'activité, mais qui réserve le versement de la contrepartie dans les seuls cas de rupture du contrat à l'initiative de l'employeur ou qui exclue la faute grave du versement.

La seule possibilité est de limiter les cas d'application de la clause de non-concurrence. Si elle prévoit qu'elle ne s'applique qu'en cas de démission, ce n'est que dans cette hypothèse que le salarié devra veiller à ne pas concurrencer son ancien employeur et devra recevoir une indemnité.

Quelles sont les conditions de validité d'une clause de non-concurrence ?

La clause de non-concurrence respecte la loi et la convention collective

Afin de vérifier si la clause de non-concurrence est valable ou non, la première chose à faire est de vous reporter à la convention collective pour rechercher l'existence de dispositions ou non à ce sujet.

Il faut ensuite les comparer avec ce que la loi ou le contrat de travail prévoit. Ce sont les dispositions les plus favorables qui doivent être appliquées au salarié.

La loi prévoit que la clause de non-concurrence n'est valable que si 5 conditions sont remplies :

  • Elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise. Elle n'est pas valable lorsque l'emploi est peu qualifié (laveur de carreaux, assistant funéraire, télévendeur...) ou que l'activité du salarié n'est pas susceptible de concurrencer celle de l'employeur (médecin dans une maison de retraite). La plupart du temps, elle vise à éviter un détournement de clientèle (garçon de café, commercial...), la divulgation d'un savoir-faire spécifique (électromécanicien formé dans un domaine précis par l'entreprise...).
  • Elle doit être limitée dans le temps.
  • Elle doit être limitée géographiquement.
  • Elle doit tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié.
  • Elle doit comporter une contrepartie financière pour le salarié. La contrepartie peut aussi être mise en place par la convention collective, sans qu'il soit nécessaire que le contrat de travail la reprenne.

Si une seule de ces conditions est manquante, la clause ne peut pas jouer.

La clause de non-concurrence n'est pas excessive

La limitation de la clause de non-concurrence dans le temps et dans l'espace ne doit pas avoir pour effet d'empêcher le salarié de retrouver un emploi conforme à sa formation et à son expérience professionnelle (interdiction trop longue, zone géographique trop importante...).

Comment éviter que la clause de non-concurrence empêche le salarié de trouver un nouvel emploi ? Plus la formation du salarié est générale (cadre administratif ou commercial, comptable), plus il lui est facile de retravailler dans d'autres branches d'activités que celles de son employeur. Le secteur géographique et la durée de la clause peuvent donc être étendus.

Attention, ce n'est pas parce que le salarié considère que la clause de non-concurrence est excessive qu'il doit la considérer comme non valable et reprendre une activité concurrente.

A noter : une clause de non-concurrence ne peut pas s'étendre au monde entier (Cour de cassation, chambre sociale, 8 avril 2021, n° 19-22.097).

Que devient une clause de non-concurrence illicite ?

La clause de non-concurrence n'est pas conforme à la convention collective

Les juges ne vont pas forcément déclarer la clause nulle. Ils peuvent simplement la corriger. C'est par exemple le cas lorsque la durée d'application prévue par le contrat est plus longue que celle prévue par la convention collective.

Attention, si la clause de non-concurrence ne respecte pas une prescription impérative de la convention collective, elle sera déclarée nulle. C'est le cas lorsque la convention collective prévoit que les modalités de versement de l'indemnité doivent être fixées par le contrat de travail et que ce dernier ne comporte rien à ce sujet.

La clause de non-concurrence est excessive

Dans ce cas, le juge va réduire la clause (limitation dans le temps, dans l'espace ou réduction des activités interdites) mais il peut aussi décider de l'appliquer purement et simplement parce que le salarié a eu un comportement particulièrement répréhensible.

C'est le cas lorsqu'il s'installe immédiatement à proximité de son employeur (dans la même ville).

Si la clause de non-concurrence est nulle

Le salarié dispose ici de 2 alternatives.

Soit demander la nullité de la clause de non-concurrence

Il doit pour cela saisir le Conseil de Prud'hommes. Celui-ci le libèrera de son obligation de non-concurrence, ce qui lui permettra de reprendre une activité similaire. Du même coup, il ne pourra pas prétendre à la contrepartie financière mais seulement demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Il vaut mieux que le salarié attende la décision du conseil avant de reprendre une activité concurrente, car si la clause est seulement considérée comme étant excessive, les juges la réduiront au lieu de l'annuler.

Soit demander l'inopposabilité de la clause de non-concurrence

Le salarié doit ici saisir le juge des référés afin qu'il libère le salarié de toute contrainte dans sa reprise de travail. Il a intérêt à utiliser cette voie lorsqu'il a déjà commis des actes de concurrence.

Que devient une clause de non-concurrence en cas de fin du contrat de travail ?

Même si les conditions de validité fixées par la convention collective et par la loi sont bien respectées, certaines situations peuvent soulever des difficultés quant au sort de la clause de non-concurrence.

Clause de non-concurrence et rupture de la période d'essai

Sauf dispositions contraires, la clause de non-concurrence s'applique à tous les cas de rupture ou de cessation du contrat de travail : rupture pendant la période d'essai, démission, départ à la retraite, licenciement...

Cependant, en cas de rupture de la période d'essai, l'employeur est parfois contraint de renoncer à l'application de la clause de non-concurrence. C'est le cas lorsque :

  • le salarié n'a pas eu le temps de nouer des contacts avec la clientèle, d'avoir accès à des informations stratégiques, d'acquérir un savoir-faire spécifique... Il y a très peu de risques qu'il puisse ensuite concurrencer son ancien employeur. Le maintien de la clause de non-concurrence pourrait la rendre excessive ;
  • l'employeur tient à faire des économies. Renoncer à l'application de clause de non-concurrence lui permet de ne pas verser de contrepartie financière.

Clause de non-concurrence et fin de l'activité de l'employeur

Si l'activité de l'employeur cesse, en principe il n'y a pas plus de risques qu'il soit concurrencé. Les tribunaux ne le jugent pas ainsi.

En effet, sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, la clause de non-concurrence continue à s'appliquer. La contrepartie financière est toujours due par l'employeur. De son côté, le salarié pourra être sanctionné en cas de violation.

Clause de non-concurrence et départ à la retraite du salarié

Ce n'est pas parce que le salarié part à la retraite que la clause de non-concurrence cesse de s'appliquer. La contrepartie financière est donc toujours due sauf si l'employeur y renonce.

La renonciation doit intervenir avant la rupture du contrat et en respectant les conditions prévues.

Que devient une clause de non-concurrence en cas de mutation intragroupe ?

En cas de succession de contrats de travail conclus avec des sociétés exerçant des activités similaires mais appartenant au même groupe économique, la clause de non-concurrence ne s'applique pas durant la période au cours de laquelle le salarié a exercé son activité au sein de la deuxième entreprise.

2 conditions doivent être remplies :

  • l'activité des 2 entreprises est certes similaire mais elles ne sont pas en situation de réelle concurrence puisqu'elles appartiennent au même groupe économique ;
  • le passage du salarié de l'une à l'autre est le résultat d'une entente entre lui et ses 2 employeurs.

La clause de non-concurrence reprend ses effets après le second contrat à condition que sa durée initiale ne soit pas expirée.

Quand et comment verser l'indemnité de non-concurrence ?

Conditions de versement de l'indemnité de non-concurrence

Le salarié ne peut exiger le versement d'une indemnité de non-concurrence que si 3 conditions sont respectées :

  • il a cessé son activité, le motif de la rupture étant indifférent ;
  • l'employeur n'a pas renoncé à l'application de la clause ;
  • il respecte son obligation de non-concurrence.

Si c'est le cas, le salarié pourra réclamer une indemnité de non-concurrence même si l'application de la clause ne lui cause aucun préjudice. La contrepartie est donc due même s'il retrouve un autre emploi, s'il est devenu inapte au travail, s'il a été mis ou est parti à la retraite, s'il a manifesté son intention de cesser toute activité...

La seule circonstance qui exonère l'employeur du versement de l'indemnité est constituée par le décès du salarié. Ses héritiers ne peuvent donc pas la réclamer.

Montant de l'indemnité de non-concurrence

Si la convention collective ne contient pas de dispositions spécifiques, employeur et salarié peuvent négocier la contrepartie comme ils le souhaitent.

Mais attention, son montant ne peut pas dépendre uniquement de la durée d'exécution du contrat de travail. Le plus souvent, elle est déterminée en fonction d'un pourcentage de la rémunération mensuelle brute du salarié.

aucune clause de non-concurrence ne peut prévoir une indemnisation différente selon le motif de rupture, même si la convention collective le prévoit.

Ce montant ne doit pas être dérisoire, car cela équivaut à une absence de contrepartie pécuniaire et entraîne la nullité de la clause. A titre d'exemple, les juges ont estimé dérisoire une clause qui revenait à verser 2 mois de salaires pour une durée d'exécution de 24 mois.

En l'absence d'indemnité fixée par le contrat de travail, c'est le montant de l'indemnité fixée par la convention collective qui s'applique de plein droit, dès lors que le contrat de travail se réfère à l'ensemble de la convention collective.

Moment de versement de l'indemnité de non-concurrence

Sauf disposition particulière de la convention collective, le contrat de travail détermine librement le moment de versement de l'indemnité.

Elle peut prendre la forme d'une indemnité forfaitaire versée à l'expiration du contrat de travail, ou bien d'un versement mensuel pendant toute la durée d'exécution de la clause.

Dans tous les cas, elle ne peut intervenir qu'après la rupture du contrat de travail. Elle ne peut donc être versée par le biais d'une majoration de salaire. Si le salarié est dispensé de préavis, le versement doit intervenir immédiatement.

En outre, elle ne peut pas non plus être versée à la fin de l'application de la clause de non-concurrence.

Régime social de l'indemnité de non-concurrence

L'indemnité est considérée comme un élément du salaire. A ce titre :

  • elle est soumise à cotisations sociales ;
  • elle ouvre droit à congés payés et entre donc dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés ;
  • en cas de liquidation ou de redressement judiciaire, le paiement de l'intégralité de l'indemnité est garanti par l'AGS à partir du moment où la rupture du contrat de travail est intervenue pendant l'une des périodes garanties : période d'observation, dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan (de sauvegarde, de redressement ou de cession), dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation judiciaire et pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire.

L'employeur peut-il renoncer à la clause de non-concurrence ?

L'employeur a la possibilité de renoncer à l'application d'une clause de non-concurrence mais il doit respecter certaines règles.

Si l'employeur renonce à appliquer la clause de non-concurrence, il n'a pas à payer l'indemnité. De son côté, le salarié peut concurrencer son ancien employeur comme il le souhaite.

Délai de renonciation à une clause de non-concurrence

Le délai de renonciation est généralement fixé par la convention collective ou le contrat de travail. En l'absence de délai, l'employeur n'est dispensé de verser l'indemnité que s'il libère le salarié de son obligation de non-concurrence lors du licenciement.

Attention, il est important que le contrat de travail fixe une durée précise. Ainsi, lorsque le contrat de travail prévoit que l'employeur se réserve la possibilité, après la rupture, de renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment au cours de son exécution, celle-ci est nulle. Il est important de fixer précisément la durée pendant laquelle il pourra user de cette faculté.

Dans l'immense majorité des cas, la renonciation est censée intervenir au moment de la rupture du contrat de travail, dans un délai déterminé. Toutefois, il peut arriver que l'employeur souhaite délivrer le salarié de son obligation de non-concurrence en cours de contrat. Or, cela n'est possible que si le contrat contient une possibilité de renonciation « à tout moment pendant l'exécution du contrat de travail » (Cass. soc. 11 mars 2015, n° 13-22257).

Lorsque la renonciation intervient hors délai, l'employeur est redevable de l'indemnité. C'est la date d'envoi qui fait foi.

Renonciation à l'occasion d'une rupture conventionnelle

L’employeur qui entend renoncer à une clause de non-concurrence à l’occasion d’une rupture conventionnelle individuelle doit le faire au plus tard à la date de la rupture du contrat de travail fixée par la convention.

Et ce, même si le contrat de travail ou la convention collective applicable à l’entreprise contient des dispositions contraires (Cassation sociale, 26 janvier 2022, n° 20-15755).

Forme de la renonciation à une clause de non-concurrence

La Cour de cassation exige que la renonciation soit expresse et sans équivoque et qu'elle soit notifiée individuellement au salarié. La renonciation ne peut pas être déduite de la seule mention de la formule « libre de tout engagement » inscrite sur une lettre adressée au salarié (Cass. soc. 8-6-2011 n° 10-12.736).

Il est conseillé de rédiger une lettre dans laquelle il est précisé que le salarié est libre de tout engagement et qu'il n'a pas à respecter sa clause de non-concurrence. La lettre doit être remise au salarié en mains propres contre décharge ou lui être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception.