L'employeur a-t-il le droit de surveiller ses salariés ?

Rédigé par Roxane Hidoux

L'employeur ne peut contrôler l'activité de ses salariés que s'il informe le comité social et économiqueet les salariés de l'existence de ces moyens de contrôle.

Sommaire :

Tous les moyens de contrôle sont-ils admis ?

La géolocalisation

Le recours à la géolocalisation n'est justifié que dans certaines hypothèses bien précises :

  • sécurité du salarié, des marchandises ou du véhicule ;
  • meilleure organisation des moyens lorsque les prestations sont accomplies en des lieux dispersés (chauffeurs de taxi, etc.) ;
  • suivi et facturation d'une prestation de transport de personnes, de marchandises ou d'une prestation de services directement liée à l'utilisation du véhicule (ramassage scolaire par exemple) ;
  • suivi du temps de travail des salariés lorsque ce suivi ne peut pas être réalisé autrement ;
  • justification d'une prestation auprès d'un client ou d'un donneur d'ordre ;
  • contrôle des règles d'utilisation du véhicule ;
  • lutte contre le vol du véhicule.

L'installation de dispositifs de géolocalisation dans les véhicules mis à la disposition des salariés n'est possible après avoir procédé en ligne à une déclaration à la CNIL. L'employeur doit également informer préalablement ses salariés.

Un système de géolocalisation ne peut pas être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la CNIL, et portées à la connaissance des salariés (Cass. soc. 3-11-2011 n° 10-18.03).

Attention, la CNIL interdit la collecte et le traitement des données de localisation en dehors du temps de travail des salariés, en particulier lors des trajets effectués entre leur domicile et leur lieu de travail ou pendant leurs temps de pause. Les salariés doivent donc avoir la possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation des véhicules lors de ces périodes.

En toute hypothèse, le recours à un dispositif de géolocalisation n'est pas justifié lorsqu'un salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de ses déplacements (visiteurs médicaux, VRP...), lorsqu'il effectue un déplacement dans le cadre d'un mandat électif ou syndical, ou en dehors des horaires de travail. Ce dispositif doit être désactivable par le salarié, en particulier à l’issue du temps de travail ou pendant les temps de pause (Délibération Cnil 2015-165 du 4-6-2015 art. 3 et 5 : JO 17).

La vidéosurveillance

L'installation d'une caméra de vidéosurveillance sur les lieux de travail est licite si cela est justifié par l'intérêt de l'entreprise et proportionné au but recherché.

Attention, les caméras ne peuvent pas filmer :

  • les employés sur leur poste de travail, sauf circonstances particulières (entrepôt stockant des biens de valeurs au sein duquel travaillent des manutentionnaires, employé manipulant de l'argent par exemple, mais la caméra doit davantage filmer la caisse que le caissier) ;
  • les zones de pause ou de repos des employés ainsi que les toilettes ;
  • les locaux syndicaux ou des représentants du personnel, ni leur accès lorsqu'il ne mène qu'à ces seuls locaux.

L'employeur doit pour cela consulter le comité social et économique et les salariés. Si les lieux de travail sont ouverts au public, l'autorisation du préfet est également nécessaire.

A condition d'avoir respecté ces règles, les preuves obtenues par ce biais pourront être prises en compte par le Conseil de Prud'hommes. Mais un enregistrement vidéo, compte tenu des possibilités de trucage et de montage, ne constitue pas à lui seul une preuve suffisante des fautes invoquées.

En revanche, l'employeur peut installer une caméra de surveillance, sans consulter le comité social et économique ni les salariés, notamment pour des locaux qui ne sont pas affectés au travail.

Le traçage informatique

Les traces laissées par les outils informatiques (consultation de comptes bancaires, favoris du navigateur internet, derniers sites consultés...) ne constituent pas vraiment des dispositifs de surveillance. Ils ne nécessitent donc pas l'information préalable des salariés.

L'employeur peut vérifier les traces informatiques laissées par le salarié sans son autorisation et même en son absence.

Compte tenu des possibilités de manipulation, le disque dur ne peut constituer un moyen de preuve en justice, que s'il a été mis sous scellés entre la date des faits et celle de l'audience. Dans le cas contraire, l'éventuel licenciement prononcé sera considéré comme sans cause réelle et sérieuse.

Les écoutes téléphoniques

L'employeur peut contrôler l'usage du téléphone ou la qualité des réponses faites par le salarié dans le cadre de son travail, dès lors que certaines conditions sont remplies, dont l'information du salarié.

Il pourra ainsi utiliser un autocommutateur pour évaluer l'importance des appels téléphoniques privés. L'usage du téléphone à des fins privées est toléré, dès lors qu'il ne devient pas abusif. Dans ce cas, l'employeur ne peut pas demander au salarié qui a abusé du téléphone le remboursement de ses communications personnelles car seule une faute lourde permet d'engager la responsabilité financière du salarié.

La simple vérification, sur les relevés de communications fournis par France Telecom, de la durée, du coût et des numéros des appels téléphoniques passés à partir de chaque poste, édités au moyen de l'autocommutateur téléphonique de l'entreprise, est un procédé licite, même s'il n'a pas été préalablement porté à la connaissance du salarié.

L'écoute et l'enregistrement des communications téléphoniques des salariés peuvent se justifier notamment pour des motifs tenant à la sécurité, la gestion des réclamations de la clientèle, la validité des opérations financières ou commerciales recueillies par téléphone, le contrôle de la qualité du service téléphonique...

Ils constituent des preuves licites dès lors que qu'ils ont fait l'objet d'une consultation du comité social et économique, d'une information du salarié et d'une déclaration à la Cnil.

Attention, la ligne téléphonique qui doit être mise à disposition des représentants élus du personnel et des délégués syndicaux pour l'exercice de leur mandat ne peut pas faire l'objet d'écoutes téléphoniques, compte tenu de la confidentialité attachée à leur mission.

La lecture des courriers et emails adressés aux salariés

L'employeur ne peut, en aucun cas, ouvrir ou faire ouvrir une lettre destinée à un salarié dès lors qu'il apparaît clairement que ce courrier est personnel.

Toutefois, le délit de violation de la correspondance n'est pas caractérisé si le courrier ne comporte pas de mention faisant apparaître qu'il s'agit d'un courrier personnel (mention" personnel" ou "confidentiel").

L'employeur peut introduire, dans le règlement intérieur, une clause précisant que les salariés ne doivent pas se faire adresser de courrier personnel sur le lieu de travail. Un manquement à cette disposition pourrait alors donner lieu à une sanction disciplinaire.

Il peut aussi limiter l'usage privé des réseaux et matériels informatiques puis décompter les courriers présentés comme personnels et sanctionner le salarié si leur volume est excessif.

Dans ce cas, l'ouverture est licite mais l'employeur ne peut se fonder sur leur contenu pour prononcer une sanction disciplinaire. Seul un licenciement pour motif personnel serait envisageable (envoie d'une revue pornographique, par exemple).

Les règles applicables aux emails sont identiques, mises à part les particularités suivantes :

  • un email n'est considéré comme personnel que s'il est rangé dans un répertoire intitulé "personnel" ou qu'il comporte la mention au titre d'objet "personnel et confidentiel" ;
  • lorsqu'un e-mail personnel envoyé par un salarié est transféré à l'employeur par le destinataire initial, l'employeur peut en prendre connaissance et même sanctionner le salarié sur la base de cet e-mail si son contenu révèle un comportement fautif (menaces et injures, par exemple) ;
  • si l'employeur dispose d'un motif légitime (suspections de concurrence déloyale, notamment), il peut obtenir en justice, avant tout procès et dans le cadre d'une procédure d'ordonnance sur requête, la nomination d'un commissaire de justice qui procèdera à l'ouverture des messages personnels du salarié en présence de ce dernier.

Le salarié peut-il être sanctionné pour ses propos tenus dans un courriel ?

Le fait de tenir des propos injurieux dans un courriel à l'encontre de sa hiérarchie ou de son entreprise est considéré comme une faute de nature à justifier un licenciement, le cas échéant, pour faute grave.

Des sanctions disciplinaires fondées sur le contenu d'emails et de fichiers sans rapport avec l'activité professionnelle ont pu être admises par les tribunaux pour justifier un licenciement : réception et envoi de nombreux documents à caractère pornographique, violence morale...

Les fichiers conservés sur l'ordinateur du salarié

Les fichiers professionnels du salarié appartiennent à l'entreprise. L'employeur peut donc les consulter, même si le salarié est absent, lorsque les informations contenues dans ces fichiers sont nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise. Si nécessaire, celui-ci devra communiquer le mot de passe ou code d'accès.

S'il ne comporte pas d'intitulé ou si ce dernier n'est pas évocateur quant à sa nature, un fichier doit être regardé comme étant professionnel.

La solution est différente si les fichiers concernés sont identifiés comme personnels. Un fichier informatique personnel ne peut être ouvert que si 2 conditions sont remplies :

  • le salarié est présent à son poste. Si ce n'est pas le cas, le fichier ne peut être ouvert qu'en présence du salarié, à moins qu'un risque ou un évènement particulier le justifie, par exemple un virus informatique (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017) ;
  • le contrôle est justifié et proportionné au but recherché. L'employeur doit avoir une bonne raison de contrôler les fichiers personnels des salariés : sécurité du réseau informatique ou détournement d'informations confidentielle.

Les connexions internet du salarié

Les connexions internet du salarié établies pendant son temps de travail sont présumées avoir un caractère professionnel. Le salarié peut être licencié pour faute en cas d'usage abusif du réseau Internet.

La fouille et l'ouverture des sacs

Le salarié peut s'opposer à toute fouille si aucune circonstance particulière ne le justifie : vêtements, vestiaire, sac.

Les casiers et armoires individuels permettant de déposer des objets personnels peuvent faire l'objet d'opérations périodiques de nettoyage, à condition qu'ils soient prévenus à l'avance.

Des contrôles de leur contenu ne peuvent être effectués qu'en leur présence et dans les cas et aux conditions prévues par le règlement intérieur.

Dans tous les cas :

  • les contrôles doivent être justifiés par un motif légitime : hygiène ou sécurité ;
  • les salariés doivent être informés préalablement à l'ouverture de l'armoire ou du casier ;
  • l'ouverture doit être réalisée en présence du salarié concerné. Si le salarié a été averti suffisamment à l'avance, l'ouverture pourra s'effectuer en son absence.

L'ouverture des sacs peut être exigée lorsque des raisons impérieuses le justifient. Sauf circonstances exceptionnelles (alerte à la bombe, par exemple), le salarié doit donner son accord et avoir été averti de son droit de s'y opposer et d'exiger la présence d'un témoin (disparition de matériel, sécurité...).

L'ouverture des sacs ou des fouilles corporelles systématiques sont possibles lorsqu'il existe des circonstances particulières (risques particuliers de vol, stockage de produits dangereux, disparitions d'objets ou de matériels...). Son consentement doit, dans la mesure du possible, être recueilli en présence d'un tiers appartenant à l'entreprise ou d'un représentant du personnel. Si le salarié refuse la fouille, l'employeur pourra faire appel à un officier de police judiciaire.

Les tests d'alcoolémie

L'employeur ne peut contraindre ses salariés à des examens sanguins, mais il peut leur faire subir un alcootest, si le règlement intérieur le prévoit (Cass, soc, 31 mars 2015, n°13-25436, société Autoroute Paris Rhin Rhône).

En outre, sa contestation doit être possible et il doit être réservé aux salariés qui, par la nature de leur travail (conducteurs d'engins, manipulation de produits dangereux...), sont en mesure d'exposer les personnes ou les biens à un danger.

Le refus du salarié de se soumettre à un alcootest alors que les conditions de licéité sont remplies constitue une faute justifiant une sanction.

A quelles conditions l'employeur peut-il mettre en place des moyens de contrôle de l'activité de ses salariés ?

Le recours à des moyens ou techniques de surveillance (vidéo, écoutes téléphoniques...) n'est possible que si les conditions suivantes sont remplies :

  • la mesure de protection doit être mise en place pour une raison précise ;
  • le comité social et économique a été informé et consulté sur les moyens mis en oeuvre ;
  • les salariés en ont été informés individuellement, même si le dispositif de surveillance est visible ;
  • la mesure de protection a été déclarée à la CNIL (si nécessaire).

Lorsque l'une de ces conditions n'est pas remplie, la preuve obtenue ne pourra pas être avancée devant les prud'hommes. Le licenciement sera donc considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Mais lorsque le salarié a commis un délit ou un crime et que l'employeur utilise une vidéo ou l'enregistrement d'une conversation obtenue à l'insu du salarié comme moyen de preuve, le juge pénal l'acceptera. Cette décision s'imposera également au Conseil de Prud'hommes mais celui-ci pourra condamner l'employeur pour atteinte à l'intimité de la vie privée.

Finalité déterminée

La mesure de protection doit être mise en place pour une finalité déterminée et pas seulement pour contrôler les faits et gestes des salariés : sécurité, risques particuliers de vols dans l'entreprise, preuve des transactions commerciales passées par téléphone...

Si la mesure n'est pas justifiée ou qu'elle n'a pas été déclarée à la CNIL, le salarié ou le comité social et économique peuvent saisir le juge prud'homal pour qu'il y mette fin. Les informations récoltées au moyen de cette mesure ne pourront pas être utilisées pour sanctionner le salarié.

Information et consultation préalable du comité social et économique

A défaut, en plus d'être considéré comme un délit d'entrave, la preuve éventuellement obtenue par le dispositif ne sera pas prise en compte et le licenciement prononcé sur cette base sera considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Informer individuellement les salariés

Cette information peut se faire au moyen d'une note écrite. Si le salarié n'a pas été préalablement informé, la preuve sera considérée comme illicite et rejetée par le juge prud'homal.

Par exception, certains procédés de surveillance sont admis par les juges à titre de preuve alors même que les salariés n'ont pas été préalablement avertis de leur mise en place : relevé de communications téléphoniques fourni par France Télécom pour prouver une utilisation anormale du téléphone, enregistrements de caméras de surveillance placées par l'employeur dans les entrepôts ou autres locaux de rangement dans lesquels les salariés ne travaillent pas, constats de commissaire de justice...

Déclaration à la CNIL

La plupart des procédés de surveillance doivent être déclarés à la CNIL.

A défaut, l'employeur encourt une sanction pénale et ne pourra utiliser devant les prud'hommes une preuve obtenue par ce biais. En outre, le salarié peut refuser de s'y soumettre sans encourir aucune sanction.