Comment recourir au mandat ad hoc en cas de difficultés ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Le mandat ad hoc est une procédure qui permet à une entreprise rencontrant des difficultés d'obtenir de ses fournisseurs un échelonnement ou une restructuration de ses dettes.

Sommaire :

Qu'est-ce que la procédure de mandat ad hoc ?

La procédure de mandat ad hoc permet au dirigeant d'une entreprise de se faire assister par un professionnel sans pour autant que ses difficultés soient rendues publiques. Il a pour objectif de résoudre le plus en amont possible les difficultés juridiques, économiques ou financières que rencontre l'entreprise.

La procédure de mandat ad hoc présente de nombreux avantages :

  • La procédure de mandat ad hoc est totalement confidentielle : les clients et les fournisseurs ignorent en principe l'existence d'un mandat ad hoc. L'entreprise n'est pas non plus obligée d'informer le comité et économique (CSE) de la désignation d'un mandataire ad hoc. Toutefois les entreprises ayant un commissaire aux comptes sont tenues d'informer ce dernier de la nomination d'un mandataire ad hoc.
  • La procédure de mandat ad hoc permet à l'entreprise de poursuivre ses activités, certes souvent redimensionnées, sans subir les conséquences des procédures collectives, qui conduisent généralement à la fin de l'entreprise et à des dégâts indirects considérables sur les créanciers et les salariés.
  • La demande est simple à effectuer et ne nécessite pas l'assistance d'un avocat ou d'un conseiller.
  • La procédure de mandat ad hoc est peu coûteuse.
  • Le mandat ad hoc est généralement confié à un administrateur judiciaire qui est à la fois un spécialiste des entreprises en difficulté et un praticien au fait des procédures.
  • Le mandataire désigné ne s'immisce pas dans la gestion de l'entreprise : il a uniquement pour but de proposer des solutions à l'entreprise. Pendant toute la durée du mandat, le dirigeant continue à diriger et gérer seul son entreprise. Le mandataire ad hoc ne peut en aucun cas obliger le dirigeant de l'entreprise ou ses créanciers à conclure un accord.
  • Le dirigeant peut à tout moment demander au Tribunal de commerce de mettre fin à la procédure.

Seuls inconvénients : la procédure est payante et rien ne peut être imposé aux créanciers ou aux partenaires de l'entreprise. Mais, le dirigeant peut toujours faire aboutir les négociations initiées au cours du mandat ad hoc en recourant, dans son prolongement, à la procédure de conciliation ou à la procédure de sauvegarde...

Une entreprise a intérêt à recourir à un mandat ad hoc dès les premières difficultés. En effet, une fois en cessation des paiements, les procédures visant à trouver une solution aux difficultés de l'entreprise sont beaucoup plus onéreuses.

A quelles conditions une entreprise peut-elle engager une procédure de mandat ad hoc ?

Pour pouvoir demander la désignation d'un mandataire ad hoc, l'entreprise :

  • doit rencontrer des difficultés financières, sans être en état de cessation des paiements
  • ou, il doit exister un conflit entre partenaires ou actionnaires, pour autant que des difficultés pour l'entreprise existent en toile de fond du conflit. Dans ce cas, la désignation d’un mandataire ad hoc n’est pas subordonnée à la preuve d’un fonctionnement anormal de la société, ni à la menace d’un péril imminent ou d’un trouble manifestement illicite, mais doit simplement être conforme à son intérêt social (Cass. com., 13 janvier 2021).

Exemples :

  • dénonciation de concours bancaires par le banquier (facilité de caisse, découvert bancaire),
  • non respect des échéances de paiement normal pour les fournisseurs (allongement des délais de paiement),
  • défaillance d'un client (ne pas oublier de déposer une déclaration de créances, dans ce cas),
  • échéances non respectées de contrats d'emprunts ou échéances trop élevées par rapport aux capacités de l'entreprise,
  • échéances sociales ou fiscales non respectées (surtout si cela est récurrent),
  • dénonciation par les fournisseurs de contrats pouvant remettre en cause la pérennité de l'entreprise,
  • dénonciation de bail commercial par le bailleur,
  • litiges entre associés risquant d'entraîner à terme la paralysie de l'entreprise,
  • assignation en paiement reçue par un ou plusieurs fournisseurs...

En pratique, le recours à la procédure de mandat ad hoc ne peut se concevoir que lorsque le nombre de créanciers est très faible. Le mandat ad hoc est inadapté dès lors que l'entreprise se trouve confrontée à une multitude de dettes fournisseurs impayées.

La procédure de mandat ad hoc est ouverte à toutes les entreprises commerciales, artisanales, agricoles ou libérales (personne physique ou morale), mais aussi les associations, les auto-entrepreneurs ainsi que les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL).

Comment demander l'ouverture d'une procédure de mandat ad hoc ?

Pour demander l'ouverture d'une procédure de mandat ad hoc, il faut remplir un formulaire et l'adresser :

Le demande doit être accompagnée de documents annexes (extrait Kbis, plan de financement prévisionnel, état des créances et des dettes, comptes annuels...).

Une fois la demande reçue, le président du Tribunal reçoit le dirigeant de l'entreprise et recueille ses observations. Celui-ci peut lui-même proposer le nom d'un mandataire ad hoc.

S'il accepte la demande, le président du Tribunal :

  • désigne un mandataire ad hoc ;
  • fixe l'objet de sa mission ;
  • détermine la durée de sa mission : elle est généralement de 3 mois, période renouvelable plusieurs fois sans limitation de durée. Généralement elle prend fin à l'issue de l'exécution de la mission demandée par le dirigeant. Toutefois, le président du Tribunal peut y mettre fin dès que le dirigeant de l'entreprise le lui demande, lorsqu'il juge bon de mettre fin à la mission ou lorsque qu'une autre procédure a été ouverte ;
  • fixe les conditions de sa rémunération.

Attention, si pendant la mission du mandataire ad hoc, l'entreprise constate qu'elle se trouve cessation des paiements, le dirigeant doit procéder à la déclaration de cette situation dans les 45 jours de son apparition.

Que va faire le mandataire ad hoc concrètement ?

Discussion avec les créanciers

Le mandataire ad hoc va d'abord procéder à une analyse de la situation de l'entreprise (causes et nature des difficultés...), participer aux négociations avec les créanciers et faciliter un règlement contractuel (délais supplémentaires, remises de dettes...).

Le mandataire ad hoc ne dispose pas pouvoir de coercition. Il ne peut pas imposer de délais aux créanciers ni même d'ailleurs leur imposer de discuter ou de négocier, pas plus qu'il ne peut imposer quoi que ce soit à l'entreprise, aux dirigeants et aux actionnaires.

Il a en revanche la capacité d'influencer les créanciers de l'entreprise :

  • en les menaçant de déclencher l'ouverture d'une procédure collective,
  • en récompensant les créanciers les plus coopérants, grâce aux privilèges liés aux apports d'argent frais (new money),
  • en les incitant à adhérer à la solution qu'il a trouvée, après leur avoir exposé un diagnostic économique, social, juridique et financier précis et crédible de l'entreprise.

Les créanciers peuvent continuer leurs poursuites contre l'entreprise, sauf si le mandataire parvient à obtenir, au cas par cas, des principaux créanciers qu'ils renoncent à l'exigibilité de leur créance pendant la période des négociations.

L'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire met fin à l'accord négocié.

Conclusion d'un accord avec les créanciers

Une fois que les parties assistées du mandataire ad hoc ont réussi à identifier les solutions aux difficultés éprouvées par l'entreprise, il reste à les traduire dans un accord écrit.

En fonction du contenu des négociations (simples délais ou restructuration complète de l'entreprise en difficulté), le document qui formalise l'accord amiable sera succinct ou comportera une centaine de pages.

Suivant qu'il sera nécessaire de préserver la confidentialité de l'existence ou des termes de l'accord, celui-ci fera l'objet ou non d'une homologation par le président du tribunal.

Il est aussi possible de le « transformer » en plan de sauvegarde en le présentant au tribunal après avoir demandé l'ouverture de cette procédure, notamment en vue de contraindre certains créanciers récalcitrants.

Que se passe-t-il en cas d'échec de la procédure ?

Lorsque le mandataire ad hoc ne parvient pas à négocier avec la banque ou les créanciers, le mandat ad hoc peut être « converti » en procédure de conciliation ou de sauvegarde si l'entreprise n'est pas en état de cessation des paiements, ou en procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le cas contraire.

Il appartient d'ailleurs au dirigeant de l'entreprise qui se trouve en état de cessation des paiements à tout moment au cours du mandat ad hoc de procéder à une déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours de la survenance de celle-ci.

Combien coûte la désignation d'un mandataire ad hoc ?

C'est le Président du tribunal qui fixe la rémunération du mandataire ad hoc, en accord avec le dirigeant. Cette dernière est à la charge de l'entreprise.

Généralement, la convention d'honoraires comprend une rémunération au temps passé, d'une part, et des honoraires de résultats, d'autre part.

À Paris, le taux horaire moyen pratiqué est de 350 euros hors taxe et les honoraires de résultats sont calculés en appliquant un pourcentage au montant du passif retraité et/ou au montant récolté grâce à l'assistance du professionnel.