Cession d'une entreprise : la convention de garantie de passif et d'actif

Rédigé par Roxane Hidoux

Une convention de garantie de passif permet de sécuriser la transmission d'un fonds de commerce en garantissant la situation de celle-ci au jour de la cession. Il est en effet possible que le passif total ne puisse pas être connu au jour de la cession ou que des actifs que l'on croyait exister se révèlent être d'une valeur moindre ou encore être absents de la cession.

Sommaire :

Qu'est-ce qu'une convention de garantie d'actif et de passif ?

Dans le cadre d'une convention de garantie d'actif et de passif, le cédant s'engage à garantir l'exactitude de toutes les informations données au repreneur : constitution de l'entreprise, prises de participation éventuelles dans d'autres sociétés, activité, stocks, clients, fournisseurs, immobilier, comptes sociaux, hygiène et sécurité, personnel, litiges en cours, droits intellectuels...

Par exemple, en ce qui concerne les machines, le vendeur va attester avoir apporté tout le soin nécessaire à leur entretien, que les traites ont été régulièrement payées, qu'il n'existe aucune clause de réserve de propriété, etc. En cas de dysfonctionnement de ces machines, qui pourrait être imputable à un défaut d'entretien, le vendeur garant devra indemniser l'acquéreur.

La convention de garantie d'actif et de passif peut revêtir diverses formes :

  • une garantie de passif pure et simple. Le cédant ne s'engage à couvrir que les passifs qui pourraient se révéler après la cession alors même qu'ils ont leur origine antérieurement à celle-ci : redressement fiscal, condamnation en justice consécutive à un fait dont l'origine est antérieure à la cession... ;
  • une garantie d'actif net. Ce type de garantie a pour finalité de contrebalancer les pertes subies par le repreneur avec les éventuels compléments d'actif. Elle bénéficie donc également au cédant ;
  • une garantie d'actif et de passif. En plus de garantir l'éventuelle apparition de passifs, le cédant garantit les éventuelles diminutions d'actifs ou défauts d'actifs : stock invendable, créances clients impayées ou litigieuses dont l'origine est antérieure à la cession...

Différence entre la "clause de réajustement du prix" et la "clause de garantie de passif"

La clause de réajustement est insérée dans le protocole d'accord et concerne la période comprise entre la négociation et l'acquisition définitive. Elle excède rarement 10 % du prix négocié (à la hausse ou à la baisse), sauf s'il s'avère que les comptes ont été truqués ou que des informations importantes ont été dissimulées.

La clause de garantie de passif porte sur la phase qui suit l'acquisition définitive, l'idée étant de pouvoir reconstituer, en cas de modification importante (et anormale) de la valeur de certains éléments du bilan, la situation sur laquelle les parties s'étaient mises d'accord.

Quelles mentions doivent figurer dans une garantie d'actif et de passif ?

Identification du garant dans une garantie d'actif et de passif

Sauf clause contraire, la garantie de passif engendre une responsabilité indéfinie et solidaire de tous les cédants envers l'acquéreur.

En clair, comme dans une société en nom collectif, les associés cédants devront indemniser l'acquéreur en totalité (dans le cas où il y aurait une augmentation du passif suite à un évènement non déclaré au moment des négociations) indépendamment du pourcentage de capital détenu dans la société.

Cependant, si la clause est stipulée au profit de l'acquéreur, celui-ci ne pourra continuer à en bénéficier s'il cède l'entreprise avant l'expiration de la garantie à moins d'avoir introduit une clause contraire lors de l'élaboration de la garantie.

Bénéficiaire de la garantie d'actif et de passif

Les bénéficiaires de la garantie d'actif et de passif doivent être stipulés expressément. La garantie peut être actionnée soit au profit de l'entreprise cédée (sous forme d'indemnisation) soit au bénéfice de l'acquéreur (sous forme d'indemnisation ou de réduction de prix).

Le choix du mode d'indemnisation dépend essentiellement de considérations fiscales. Ainsi, le paiement d'une indemnité par le cédant est fiscalement considéré comme des dommages et intérêts déductibles du résultat fiscal de l'entreprise cédée, alors que pour l'acquéreur l'indemnité reçue est imposable.

En revanche, la réduction de prix complique la situation du cédant pour lequel elle est considérée comme une baisse de la plus-value de cession. Pour l'acheteur, la réduction de prix n'est pas imposable, il doit seulement procéder à une reprise sur provisions.

Champ d'application de la garantie d'actif et de passif

La garantie d'actif et de passif peut porter sur l'ensemble de l'actif et/ou du passif ou seulement sur certains postes du bilan, lorsque l'acquéreur dispose des éléments d'information nécessaires.

Le vendeur sera ainsi dégagé des dettes postérieures à son départ de la société sauf si elles sont apparues ou ont été mises en recouvrement après la cession mais correspondent à des créances qu'il aurait dû payer avant son départ (redressement fiscal, par exemple).

Ainsi, si un licenciement a lieu après la date de cession, les indemnités en résultant ne seront pas à la charge du vendeur mais de l'acquéreur, même si le licenciement fait suite à un « litige en germe » antérieur à la cession car le fait générateur de l’indemnité est le licenciement et non le litige antérieur (Cass. com., 31 mars 2009).

En revanche, la garantie de passif ne s’applique pas aux sommes dues à un salarié licencié pour inaptitude après la cession. Il en est ainsi même si cette inaptitude résulte du harcèlement moral dont il a fait l’objet avant la cession (Cass. com. 2-12-2020 n° 18-11.336).

Durée de la garantie d'actif et de passif

Le point de départ de la garantie est normalement la date de cession mais il est fréquent de prévoir que ce délai court à compter du 31 décembre de l'année en cours.

La durée est généralement fixée au minimum au délai de reprise des administrations fiscales et sociales (3 ans).

Le cédant n'a en général aucune raison d'accepter une garantie allant au-delà de 5 ans, car après un tel délai, on peut difficilement lui imputer la responsabilité de l'augmentation du passif.

Limitation de la garantie d'actif et de passif

Afin de ne pas être indéfiniment tenu responsable, le cédant doit veiller à apporter des limites à sa garantie en incluant :

  • un seuil de déclenchement e -dessous duquel il ne sera pas possible de l'appeler en garantie, ce qui lui évitera de verser des indemnités si un impayé de faible valeur apparaît. A défaut, dès le premier euro de dépassement, une indemnisation sera due ;
  • une franchise, c'est-à-dire un montant qui sera systématiquement à la charge du repreneur (de 7 500€ pour une petite société à 200 000 € pour une grande);
  • un plafond de garantie, prenant souvent la forme d'un pourcentage de prix (20% du prix est le plafond maximum recommandé) ;
  • une dégressivité du montant dans le temps ;
  • une durée courte : 5 ans maximum.

Conditions de mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif

En principe, la garantie d'actif et de passif n'est mise en oeuvre, et le garant n'est appelé à verser des fonds, que lorsque la société est amenée à effectuer des décaissements.

Mais certaines conventions peuvent prévoir également que la garantie donnée jouera en l'absence de décaissement, en cas de préjudice. L'exemple type est la provision que la société est obligée de passer : il n'y a pas de décaissement, mais il y a bien dépréciation de l'actif.

Cette clause comporte généralement une obligation d'information permettant au cédant d'être informé le plus rapidement possible d'un évènement qui pourrait déclencher l'application de la garantie.

A défaut d'une telle clause, il pourra reprocher à l'acquéreur de ne pas l'avoir prévenu suffisamment tôt de l'évènement et se verra dans l'obligation de verser une indemnité sans rien avoir pu faire.

C'est la raison pour laquelle on retrouve dans la garantie pour protéger un minimum le cédant, un certain droit à l'information pouvant comprendre :

  • un délai maximal afin de prévenir le vendeur de l'arrivée d'un passif supplémentaire. Si ce délai n'est pas respecté, le cédant pourra arguer d'un vice de procédure pour éviter le paiement de l'indemnité,
  • la communication dans un certain laps de temps des documents afférents à ce passif,
  • la possibilité de participer ou de conduire directement avec son avocat les diverses procédures.

Garantie de la garantie d'actif et de passif

Pour assurer le repreneur que le cédant exécutera correctement les obligations résultant de cette garantie d'actif et de passif, une garantie de la garantie est en général prévue. Elle peut prendre la forme d'une caution bancaire délivrée par le vendeur au bénéfice du repreneur.

Dans d'autres cas, les parties conviendront directement de bloquer une partie du prix de cession des parts ou des actions qui servira de garantie de la garantie, entre les mains d'un séquestre.

Une clause d'earn out peut aussi venir remplacer la garantie de la garantie. Elle consiste en une absence de garantie de la garantie car c'est la partie du prix payable après la vente qui servira de garantie.

Dans quels cas peut-il y avoir déchéance de la garantie ?

La garantie de passif oblige généralement le cessionnaire à informer le cédant de tout événement de nature à déclencher cette dernière.

La question se pose alors des conséquences du non-respect de cette obligation d’information : déchéance totale ou partielle de la garantie ou octroi de dommages-intérêts ?

Parfois, la garantie de passif comporte une clause prévoyant expressément la sanction applicable en cas de défaut d'information. Lorsqu'aucune sanction n'est prévue, les juges ne prononcent une sanction que si le défaut ou le retard d'information a causé un préjudice au cédant en l'empêchant de participer effectivement à la défense de la société.

Quelles précautions prendre avant de signer une garantie d'actif et de passif ?

La mise en oeuvre d'une convention de garantie d'actif et de passif peut avoir des effets désastreux pour le cédant.

Celui-ci doit donc être sûr de ses comptes et, si besoin, réaliser un audit comptable, juridique et fiscal.

La somme versée en exécution d'une clause de garantie de passif est-elle imposable ?

Lorsqu’une somme est versée en application d'une clause de garantie de passif directement à la société cédée, elle constitue une recette imposable de cette société si la perte ou la charge qu’elle a pour objet de compenser est elle-même déductible du résultat imposable.

En revanche, lorsque la somme ainsi versée à la société cédée a pour objet de compenser une charge fiscalement non déductible du résultat imposable, elle ne constitue pas un produit imposable pour cette dernière (Rép Grau : AN 9-2-2021 n° 28652).