A quelles conditions une charge est-elle déductible ?

Rédigé par Roxane Hidoux

Pour être déductible du bénéfice imposable, une charge doit respecter 5 conditions cumulatives :
  • être engagée dans l'intérêt de l'entreprise,
  • ne pas avoir pour contrepartie un accroissement de l'actif de l'entreprise, ni être exposée pour faire face à une diminution probable de cet actif,
  • correspondre à une charge effective appuyée de justifications suffisantes,
  • être comprise dans les charges de l'exercice au cours duquel elle a été engagée,
  • ne pas être expressément exclue des dépenses déductibles par une disposition légale.

Sommaire :

1ère condition : la charge doit être engagée dans l'intérêt de l'entreprise

Une charge est considérée comme engagée dans l'intérêt de l'entreprise lorsqu'elle ne relève pas d'un acte anormal de gestion et n'est pas exposée au profit d'un dirigeant ou d'un tiers, sans contrepartie.

Non-déductibilité des actes anormaux de gestion

L'administration fiscale a la possibilité de rectifier les actes qui ont pour effet de priver l'entreprise d'un produit ou de lui faire supporter indûment une charge.

Toutefois, lorsque l'entreprise établit l'existence d'une contrepartie, elle ne peut pas subir de redressement fondé sur l'acte anormal de gestion.

Sont, par exemple, considérés comme des actes anormaux de gestion :

  • la renonciation à des recettes ;
  • les prêts et avances sans intérêts ;
  • les dépenses qui bénéficient en fait à des dirigeants, des membres du personnel ou à des tiers, sans pouvoir être considérées comme la contrepartie de services rendus ;
  • les dépenses qui se rapportent à des biens non affectés à l'exploitation ;
  • la cession d'éléments d'actif pour un prix différent de leur valeur réelle, même si l'opération intervient entre sociétés mère et filiales, ou encore la cession d'une créance pour une valeur inférieure à son montant nominal, sauf si ces opérations sont réalisées dans l'intérêt de l'entreprise ;
  • les libéralités ou dépenses d'agrément sans rapport avec l'objet de l'entreprise ;
  • les amendes pénales et administratives ;
  • les majorations, pénalités et intérêts de retard concernant les impôts (contrôle fiscal) et les cotisations sociales (contrôle URSSAF) ;
  • les avantages commerciaux dépourvus de contrepartie (prix préférentiels, mise à disposition de locaux et de personnel, par exemple)...

Un acte illicite n'est pas forcément un acte anormal de gestion. C'est seulement si de telles opérations ont été décidées à des fins étrangères aux intérêts de l'entreprise qu'elles peuvent être réputées relever d'une gestion anormale.

Aussi, n'est pas considéré comme un acte anormal de gestion :

  • les cadeaux distribués en infraction à la législation économique ;
  • des loyers excessifs en violation de la loi sur les baux commerciaux ;
  • un accord de prix violant la réglementation d'un marché ;
  • les dommages et intérêts qu'a été condamnée à verser une entreprise reconnue coupable d'escroquerie dès lors que les opérations délictueuses ont été réalisées pour son compte et dans son intérêt ;
  • le versement de pots-de-vin ;
  • les punitive damages (dommages et intérêts punitifs ou exemplaires versés à une victime, notamment dans le cadre de litiges commerciaux).

Non-déductibilité des dépenses personnelles des dirigeants

Les dépenses d'ordre personnel qui ne sont pas engagées dans l'intérêt de l'entreprise sont exclues des charges déductibles.

C'est en particulier le cas des dépenses supportées dans l'intérêt personnel des dirigeants, sauf si elles peuvent être considérées comme des compléments de salaire.

Sont ainsi exclus des charges déductibles :

  • les impôts personnels ;
  • les frais afférents à l'habitation principale ou à la résidence secondaire ;
  • les frais de déplacement non justifiés pour les besoins de l'activité professionnelle, les dépenses relatives aux voitures automobiles utilisées à titre personnel ;
  • les frais financiers afférents à un emprunt contracté pour financer des travaux dans un immeuble utilisé pour les besoins de l'entreprise, mais non inscrits à l'actif du bilan ;
  • les frais de réception à caractère familial, même si des relations professionnelles et des salariés figurent parmi les invités.

Charges mixtes

Lorsque les charges sont à la fois professionnelles et personnelles, seule la fraction des dépenses directement motivées par les nécessités de l'exploitation peut donner lieu à déduction.

En cas d'utilisation privative d'un bien inscrit à l'actif, l'administration peut considérer qu'il s'agit d'un acte de gestion anormal et réintégrer les charges correspondantes dans le bénéfice imposable, même si certaines d'entre elles auraient dû, de toute façon, être engagées indépendamment de l'utilisation privative de ce bien.

Non-déductibilité des dépenses exposées dans l'intérêt des tiers

Des opérations réalisées avec des tiers peuvent également être constitutive d'actes anormaux de gestion. Tel est ainsi le cas :

  • de la prise en charge de frais de déchargement, de transport et d'assurances incombant à une autre société, même en application d'un accord contractuel, en l'absence de contrepartie ;
  • le fait, pour une SARL, de consentir à ses associés un loyer anormalement bas ;
  • les pensions versées par une société aux veuves de ses anciens dirigeants détentrices du capital ;
  • l'excédent de prix supporté sans justification par un fournisseur étranger (indépendant) ;
  • le fait pour une société propriétaire d'un établissement de soins d'avoir mis gratuitement à la disposition des médecins attachés à la clinique ses équipements, son matériel et son personnel. Une clinique ne peut invoquer les règles déontologiques pour s'abstenir de facturer toute rémunération aux praticiens concernés ;
  • la cession d'une créance à un tiers à un prix inférieur à sa valeur vénale alors que les parties sont liées par des relations d'intérêt ;
  • les facilités financières et commerciales consenties par une société à une entreprise cliente (indépendante) dès lors qu'elles sont hors de proportion avec la garantie dont bénéficie la société créancière (en l'occurrence, une hypothèque) et que la situation financière du débiteur s'aggrave...

Les prêts sans intérêt ou les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers sont normalement considérés comme des actes anormaux de gestion, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt.

2ème condition : la charge doit se traduire par une diminution de l'actif net

Ne peuvent être déduites du bénéfice imposable et doivent être amorties :

  • les dépenses qui conduisent à l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif, immobilisé ou non, de l'entreprise ;
  • les dépenses qui ont pour effet de prolonger de manière notable la durée d'utilisation d'une immobilisation ;
  • les dépenses qui entraînent une augmentation de la valeur des éléments d'actif immobilisé.

Passer indument une immobilisation en charges constitue une erreur reprise par l'administration fiscale. En cas de contrôle, le montant total de la dépense faussement considérée comme charge déductible sera réintroduit dans le bénéfice de la société et l'amortissement annulé.

Les biens dont la valeur unitaire est inférieure à 500 € HT peuvent être déduits directement du bénéfice imposable, même si leur durée d'utilisation est supérieure à 1 an.

En revanche, l'utilisation des biens en question ne doit pas constituer l'objet même de l'activité de l'entreprise. Cette mesure vise les matériels et outillages inscrits aux comptes 2154 et 2155, les matériels et mobiliers de bureau (à l'exception du matériel de transport) et les logiciels.

En revanche, les dépenses d'entretien et de réparation sont déductibles.

3ème condition : la charge doit être justifiée

Pour qu'une charge soit déductible du bénéfice imposable, elle doit être appuyée de justificatifs : factures, quittances, mentions sur le livre de paie, notamment. Il est cependant admis que les menues acquisitions de produits consommables puissent ne pas être assorties des factures correspondantes.

Les relevés de paiement par carte de crédit qui ne comportent que des énonciations succinctes et qui sont destinés à permettre un recoupement avec les factures délivrées aux utilisateurs de la carte ne suffisent pas pour justifier l'objet des dépenses concernées.

Ont ainsi été exclus des charges déductibles :

  • les frais correspondant à une étude commandée à une société suisse dont ni l'auteur ni le destinataire n'ont pu être identifiés ;
  • les redevances dont le contrat n'a pas pu être justifié.

4ème condition : la charge doit être comptabilisée au cours de l'exercice au titre duquel elle a été engagée

Les charges doivent être déduites des résultats de l'exercice au cours duquel elles ont été engagées, quelle que soit la date de leur paiement.

Cela vise en particulier l'hypothèse des loyers échus et non encore payés, des impôts déductibles mis en recouvrement au cours de l'exercice et qui ne seront réglés qu'au cours de l'exercice suivant.

Les charges ne peuvent pas être déduites des résultats d'un exercice si elles se rapportent à l'exploitation des exercices antérieurs. Si une entreprise de bonne foi omet, par erreur, de comptabiliser une charge, elle peut demander, dans le délai de réclamation, la rectification de sa déclaration ou, si elle fait l'objet d'une vérification, demander que l'erreur soit corrigée par compensation avec les redressements opérés par l'administration.

Toutefois, les charges qui correspondent à des achats de biens (ou services) dont la fourniture (ou la prestation) ne doit intervenir qu'au cours d'un exercice ultérieur peuvent être déduites du bénéfice imposable, dans le cadre des charges constatées d'avance.

Des règles particulières de déduction ont été mises en place pour :

  • les frais d'établissement (frais de constitution et frais d'augmentation du capital),
  • certains frais de recherche,
  • les frais d'émission des emprunts,
  • les pénalités pour paiement tardif des dettes commerciales,
  • les frais d'acquisition des immobilisations,
  • les entreprises qui ont opté pour la comptabilité supersimplifiée.

5ème condition : la déductibilité de la charge ne doit pas être exclue par la loi

Les dépenses somptuaires sont en principe exclues des charges déductibles.

Cela vise :

  • les dépenses ou charges de toute nature ayant trait à l'exercice de la chasse ainsi qu'à l'exercice non professionnel de la pêche, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant qu'elles sont ou non engagées à des fins de publicité ;
  • les dépenses de toute nature résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de yachts ou de bateaux de plaisance à voile ou à moteur, ainsi que de leur entretien. Les amortissements sont regardés comme faisant partie de ces dépenses ;
  • les charges, n'ayant pas un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de leur entretien ;
  • l'amortissement des voitures particulières pour la fraction de leur prix d'acquisition excédant certaines limites ainsi que la part du loyer supportée par le locataire et correspondant à l'amortissement pratiqué par le bailleur pour la fraction du prix d'acquisition du véhicule excédant ces limites, en cas d'opérations de crédit-bail ou de location de longue durée.

En ce qui concerne les paiements effectués à des entreprises étrangères, ne sont pas déductibles :

  • certains paiements effectués à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un État étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, sauf si l'entreprise apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré,
  • les sommes payées dans des États ou territoires non coopératifs, sauf si l'entreprise apporte la preuve mentionnée ci-dessus et démontre, en plus, que les opérations auxquelles correspondent les dépenses ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces dépenses dans un État ou territoire non coopératif.