Cession de fonds de commerce : les recours de l'acquéreur

Rédigé par Roxane Hidoux

En cas d'achat d'un fonds de commerce, l'acquéreur dispose de diverses possibilités lui permettant de remédier à une mauvaise information lors de la vente.

Sommaire :

L'acte de cession d'un fonds de commerce comporte une mention inexacte

Inexactitudes les plus fréquentes

L'inexactitude porte généralement sur les mentions suivantes :

  • le vendeur indique mensongèrement que le fonds n'est grevé d'aucune inscription ou, effectuant bien la déclaration des privilèges et nantissements, omet d'en indiquer certains, ou encore fait porter à l'acte des sommes d'un montant inférieur à celui que les inscriptions grevant le fonds garantissent en réalité,
  • le vendeur exagère le chiffre d'affaires, indique des résultats approximatifs, tels que les bénéfices forfaitaires fiscaux à la place des bénéfices réels ou annonce un chiffre d'affaires hors taxes alors qu'il s'agissait d'un montant toutes taxes comprises,
  • le vendeur déclare être titulaire d'un bail en réalité expiré ou résilié ou indique dans l'acte de cession une durée plus longue que la durée réelle...

La garantie du vendeur ne peut être restreinte ou écartée par une clause du contrat. En conséquence, la clause par laquelle l'acquéreur s'oblige à prendre le fonds dans l'état où il se trouve sans pouvoir exiger aucune indemnité ou diminution de prix pour quelque cause que ce soit ne l'empêche pas d'agir en garantie contre le vendeur.

Actions possibles

L'acquéreur a le choix entre plusieurs actions :

  • l'action rédhibitoire, qui lui permet de demander la restitution du prix contre remise au vendeur du fonds de commerce,
  • l'action estimatoire, qui lui offre la faculté de demander une diminution du prix et de garder le fonds de commerce,
  • l'action en indemnisation, qui lui permet de demander des dommages et intérêts à la société et, dans certains cas, à son dirigeant.

Responsabilité personnelle d'un dirigeant

Un dirigeant peut voir sa responsabilité personnelle engagée au titre du dol commis à l’occasion de la cession du fonds de commerce de l'entreprise qu'il dirige.

En effet, si le rôle d’un dirigeant est de défendre, dans une négociation, les intérêts de la société qu’il représente, il commet une faute détachable de ses fonctions en cas d'accumulation de mensonges ou de dissimulations (diminution importante du chiffre d'affaires, carnet de commandes mensonger, prochain départ d'un salarié dont le savoir-faire est indispensable à l'entreprise...).

L'acquéreur est libre de choisir l'action et n'a pas à se justifier. L'acquéreur peut même intenter, en même temps, une action rédhibitoire à titre principal et une action estimatoire à titre subsidiaire et en laissant aux juges du fond le soin de choisir, selon leur appréciation de la gravité de l'inexactitude invoquée, l'action recevable.

Mais l'acquéreur ne peut pas demander la nullité de la vente du fonds de commerce, sauf s'il agit sur le fondement des vices du consentement en établissant que les mentions inexactes l'ont induit en erreur ou que ces mentions ont été accompagnées de manoeuvres dolosives.

Preuve de l'inexactitude

C'est à l'acquéreur qu'incombe en principe la charge de la preuve de l'inexactitude des mentions que la loi prescrit de porter dans l'acte de vente.

L'acquéreur doit prouver que l'inexactitude a déterminé son consentement et lui a causé un préjudice.

Cette preuve peut être apportée par tous moyens et notamment par les indications figurant dans la comptabilité, dès lors que l'acquéreur établit le caractère incertain des pièces comptables à partir desquelles a été calculé le montant des mentions relatives au chiffre d'affaires porté dans l'acte de cession du fonds de commerce. En revanche, l'acquéreur ne peut se limiter à faire état de ses résultats.

En cas de non-communication de la comptabilité, ce n'est plus à l'acquéreur de prouver que les mentions sont inexactes mais au vendeur de prouver qu'elles sont conformes à la réalité.

Délai pour agir

L'action en garantie instituée par l'article L. 141-3 du Code de commerce doit être intentée par l'acquéreur dans le délai d'une année à compter de la date à laquelle il a pris possession du fonds de commerce.

Passé ce délai de 1 an, l'acquéreur a toujours la possibilité de former une action en nullité pour dol, qui présente l'avantage de se prescrire par 5 ans.

Le vendeur ne transmet pas certaines informations à l'acquéreur

Il faut impérativement informer le repreneur avant la signature de l'acte de cession des conditions particulières d’exploitation des locaux dans lesquels le fonds est exploité, notamment lorsqu’elles sont de nature à réduire fortement la rentabilité du fonds de commerce.

Exemple :

  • le règlement de copropriété interdit les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs ;
  • le règlement de copropriété interdit la réception de clients après une certaine heure ;
  • la terrasse installée par le vendeur est illicite ou seule une partie de celle-ci est légalement exploitable ;
  • une décision administrative interdit l’exploitation du commerce…

L’obligation légale de loyauté contractuelle impose au vendeur d’informer le repreneur. A défaut, le repreneur peut demander la nullité de la cession sur le fondement du manquement de la réticence dolosive.

Le vendeur ne respecte pas l'obligation de non-concurrence

Obligation légale de non-rétablissement et de non-concurrence

Le vendeur doit s'abstenir de tout acte de nature à gêner l'acquéreur dans l'exploitation du fonds vendu. À ce titre, il est tenu à une obligation de non-rétablissement et ne peut agir en détournement de la clientèle du fonds de commerce.

Cette garantie légale est, dans presque tous les actes de vente de fonds de commerce, reprise dans une clause de non-concurrence ou de non-rétablissement, précisant cette obligation légale et en fixant les modalités.

Le non-respect de cette obligation donne droit à l'acquéreur du fonds de commerce à des dommages et intérêts.

Il peut de plus demander la cessation de l'activité concurrentielle.

S'il n'a pas encore intégralement payé le prix, il peut en suspendre le versement jusqu'à ce qu'il ait obtenu gain de cause.

Il peut enfin demander la résolution de la vente.

Clauses de non concurrence

La clause de non-concurrence est valable à condition d'être limitée dans le temps ou dans l'espace et de ne pas porter atteinte au principe de la liberté du commerce et de l'industrie.

Ainsi, une clause de non-rétablissement ne doit pas faire obstacle à l'exercice par le vendeur de toute activité ou prévoir une limitation dans le temps telle qu'à son terme, le vendeur aurait atteint l'âge de la retraite.

En pratique, la clause de non-concurrence va :

  • soit, comporter l'indication précise et détaillée de l'activité ou des activités défendues au vendeur,
  • soit, se référer à la future activité retenue par l'acquéreur, le vendeur ne pouvant alors exercer un « commerce similaire » ou une « activité identique ».

À l'expiration de la clause de non-concurrence, le vendeur reste tenu par la garantie légale.

L'acquéreur ne s'est pas vu délivrer tous les éléments figurant dans l'acte de cession

Le vendeur d'un fonds de commerce est tenu d'assurer à son acquéreur la paisible jouissance du fonds vendu.

L'acquéreur peut ainsi, même s'il a été mis en possession de ce fonds, demander la réduction du prix en cas d'inexécution partielle par le vendeur de son obligation de délivrance. C'est notamment le cas lorsque des éléments corporels ou incorporels ne lui ont pas été remis : clés du bâtiment, titres de propriété, clientèle (si une partie des contrats en cours mentionnés en annexe de l’acte de vente étaient en réalité résiliés, notamment)...

De même, lorsque le fonds de commerce n'est pas conforme aux stipulations contractuelles, il y a manquement à l'obligation de délivrance engageant la responsabilité du vendeur. C'est le cas lorsque l'acte de vente stipule que toutes les installations du fonds vendu répondent aux normes de salubrité, d'hygiène et de sécurité en vigueur alors que l'installation n'est pas conforme aux normes de sécurité et doit être remplacée (Cass. com. 22-11-2016 n° 14-23.658 F-D).